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lieux communs (et autres fadaises)
30 août 2020

jagermeister

074
THE CLIMB
de Michael Angelo Covino

Etonnant.
(Etonnamment étonnant je dirais même plus).
Un premier film sorti un peu d'on ne sait trop où, que je n'ai pas eu envie dans un premier temps d'aller voir (bof, une histoire de cyclistes, ça plairait sans doute au Philou...), que nous avons fini par programmer dans le bôô cinéma (devant la demande et la très bonne tenue des critiques), et que je suis allé voir hier soir avec Catherine, en gardant en tête un avis sybyllin de dominique ("J'aurais préféré voir une vraie comédie...". Ah...)
"Sous ses airs de typique comédie indé à la Sundance, cette “bromance” à la vie à l’humour de deux copains, présentée à Un Certain Regard en 2019, brille par son ton acide, qui ne cède jamais à la conclusion facile ni aux bons sentiments." (les fiches-cinéma) (ou, quand quelqu'un dit bien ce que vous pensez, pourquoi se priver de le citer ?)
C'est vrai que j'ai pensé "Sundance" (et, aussi un peu, "Wes Anderson" je dois dire...), mais, très vite, le film nous emmène ailleurs, sur son propre territoire : l'histoire de deux potes, Mike et Kyle, interprétés respectivement par le réalisateur (Michael) et le scénariste (Kyle), dont on peut supposer, s'ils ont donné (gardé) leurs prénoms, qu'ils sont aussi potes dans la vie.
En sept chapitres (chacun avec en titre un mot ou une expression de la vie courante en titre) le film raconte une amitié au long cours. Les histoires d'amitié virile, moi, je suis toujours preneur (d'autant plus que je peux y glisser un SSTG (sous-sous-texte gay) (il s'agit souvent de surprises, un exemple très réussi pour moi étant Old Joy, de Kelly Reichardt, ou bien, dans le même esprit,  Prince of Texas, de David Gordon Green) et si c'est bien d'amitié dont il est question, au fil de toutes ces années (le film procède chronologiquement, avec des ellipses et des sautes temporelles), elle peut tout aussi bien être qualifiée de "toxique", comme le dit un des personnages du film...(Quoique..). Mike oeuvre-t-il pour pour pourrir la vie de Kyle, ou, au contraire, ne serait-il pas son ange gardien ? Amour, amitié, la question reste (joliment) posée...
C'est en tout cas le moteur (le pédalier plutôt hihi) du récit, qui réussit, (en changeant plusieurs fois de braquet (filons la métaphore pédalesque)) la prouesse de réussir à nous étonner à chaque fois, dans sa façon de rebondir et zboïng de partir dans une direction qu'on n'aurait pas forcément imaginée. Mariage, enterrement, fête de famille, enterrement de vie de garçon, re-mariage, les situations proposées comme point de départ de chacun des chapitres sont pourtant banales, conventionnelles, ultra-balisées. Et pourtant... c'est vraiment très malin ce qu'en font le réalisateur et le scénariste (et donc les personnages qu'ils incarnent. Avec une volonté auteuriste pas désagréable du tout (le filmage millimétré, les plans-séquences, la bande-son improbable avec ses chansons françaises des années 60 que même moi je ne connaissais pas, c'est dire...),  bien au contraire.
C'est comme le Jâgermeister : ça n'a l'air de rien (une liqueur à base de plantes), on hésite à goûter, et, passée la première gorgée on trouve ça original, délicieux, surprenant, et on en reprend... (attention c'est traître ça titre quand même 35°) Mais si, on en reprend!
Une excellente surprise estivale.

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(Kyle et Mike)

28 août 2020

entropie

074
TENET
de Christopher Nolan

S  A  O  R
A  R  P  O
T  E  N  E  T
O  P  R  A
R  O  A  S

Et voilà.
(Ca devrait suffire).
Je connais la formule depuis mon adolescence, sans bien savoir à quoi ça se réfère ni à quoi ça pourrait servir. Et voilà que Christopher Nolan l'a fait (je m'en doutais un peu depuis que j'ai appris le titre du film...) Comme le film ne sera projeté qu'en VF dans le boo cinéma, autant aller le voir en avant-première, n'est-ce pas ? C'était dans la 8 (aïe mauvais présage, c'était la salle de Div*rce Club), et, effectivement, il y avait dans la salle -qui est vraiment très grande- un peu plus de monde que d'habitude (bon, pas encore au point de ne pas pouvoir respecter la distance minimale d'un fauteuil entre spectateurs, hein, mais il y avait du mieux...)
Et ça a démarré, et on constaté tout de suite que le son était TRES FORT, et, tout de suite après, que le montage aussi, et on se prend dans les mirettes une scène d'attentat à l'Opéra par un ou plusieurs groupes inconnus, une scène d'ouverture pleine de mecs uniformés et masqués, de flingues maousses, de violence et de pyrotechnie qui démarre genre James Bonderie, pour nous donner l'occasion de découvrir le héros du film, celui qui va sauver le monde (Bruce Willis, ton temps est révolu hihi). Il (il n'a pas de nom) est black, est interprété par John David Washington (le fils de Denzell), sapé comme jamais, et -hélas- est doué d'autant d'expressivité et de charisme que, disons, Steven Seagal dans ses meilleurs jours (il a les mâchoires serrées comme s'il avait un appareil dentaire particulièrement occlusif, mais bon, quand on doit sauver le monde, on a sûrement autre chose à penser que de sourire et faire des mamours, n'est-il pas ?).
Pour sauver le monde, il a un adjoint, Neil, un blondinet trop cool joué par Robert Pattinson himself, décidément cet homme peut tout faire - les deux dernières fois qu'on l'a vu c'était dans The Lighthouse de Robert Eggers, et dans High Life, de Claire Denis-, et il joue le bras droit un peu rigolard (le Laverdure de son Tanguy sauveur de monde) faire-pas si valoir que ça, en fin de compte.
Et il y a bien sûr en face un méchant très méchant qui envisage de détruire le monde, Sator (clic clic!), un mafieux russe, interprété par Sir Kenneth Brannagh (j'ai dû attendre le générique de fin pour avoir confirmation de ma supputation) qui est vraiment oui oui affreusement méchant, (à côté de lui le Requin des Dents de la mer, c'est Bambi...), incarné un chouïa en force (ce que le doublage français n'arrange pas vraiment...)
Un héros, un méchant, et il faut bien sûr, entre les deux, une princesse à délivrer... Elle est blonde, elle s'appelle Kath (pour Katherine), elle est interprétée par la délicieuse Elizabeth Debicki, (dont on devrait bientôt reparler) qui compose un des personnages les plus intéressants du film... c'est l'épouse du méchant très méchant, et, devinez un peu qui va tomber illico raide dingue d'elle, hein?
Et le macguffin ? le truc pour lequel tout le monde se bat mais qui est -hitchcokiennement- un prétexte à la mise en place de l'histoire  ? Au début on croit que ça va être du plutonium 241, mais c'est un leurre! Le machin en question c'est le temps. Le temps c'est de l'argent bien sûr, mais le temps à l'envers c'est encore plus que ça! Et c'est là-dessus que va se construire le film, de morceaux de bravoure en morceaux de bravoure (un combat dans un port franc, une course-poursuite avec des voitures qui vont -vraiment- dans tous les sens, une confrontation de part et d'autre d'une vitre, une opération militaire avec les rouges à l'endroit et les bleus à l'envers -allez-y vous comprendrez mieux-) qui vous clouent incontestablement sur votre fauteuil (avec les mains sur les oreilles tellement c'est toujours aussi FORT, à savourer votre plaisir -régressif- de regardeur de blockbuster, yeux comme le loup de Tex Avery, mâchoire pendante et surtout, oui surtout, le cerveau en ébullition.
Carrément.
Car si, par certains côtés, on est en plein dans la bourrinerie (grosses burnes, grosse artillerie, grosses  bagnoles, gros bras, grosse camaraderie virile et j'en passe) clinquante et bien bourrinante (film d'action et d'espionnage, dira-t-on), voilà que le manteau de l'histoire se révèle nanti d'une doublure scientifique version hard-science, physique quantique, entropie, paradoxes temporels etc. vous voyez le genre, le genre justement qui vous fait froncer les sourcils et apparaître sur le front les rides dites "d'intense réflexion", (hounga hounga moi bas de plafond essayer de comprendre...) qui fait inexorablement monter la température de vos méninges jusqu'à ce que vous ayez, par instants, le sentiment d'avoir, oui, le cerveau qui frit.
Donc il vaut mieux alors passer en automatique et s'enfoncer béatement dans son fauteuil moëlleux en soupirant d'aise tranquillou et les regarder tous se foutre sur la gueule, sans plus essayer de chercher la petite bête ni de comprendre comment, par exemple, une même attaque peut avoir lieu en même temps à l'endroit et à l'envers (je n'en suis toujours pas revenu...)
Comme d'habitude chez Christopher Nolan (je me base sur ceux que j'ai vu : Interstellar, Following, Le Prestige, Memento) l'intrigue est virtuosement tarabiscotée, le scénario est tortueusement intelligent, le film vous traîne sans ménagement dans sa complexité paradoxale, où l'on a, en plus de la cinégénie, le plaisir de voir de temps en temps se confirmer une hypothèse de spectateur, tandis que le récit se retourne comme un doigt de gant, ou que le réalisateur nous permet de (re)voir la scène sous un autre angle (ça se produira plusieurs fois)... Dans Interstellar, par exmple, on revoyait, à deux moments du film,  une même scène, vécue de part et d'autre d'une bibliothèque, à des années (-lumière) d'écart, mais là, c'est carrément tout le film qui se revoit (et renvoie à lui-même), de part et autre d'un centre de symétrie spacio-temporel (le N de TENET), en avant et en arrière -simultanément!-.
Comme si le nouvel ennemi de James Bond, mieux que Goldfinger, se nommait à présent Schrödinger*
Bref (2h30, tout de même! ) le film est et n'est pas. Dans le même temps (!). Pas un chef-d'oeuvre impérissable, c'est sûr, mais un sacré moment de cinoche, c'est tout aussi certain...
Je ne suis pas certain que, en l'état, ça puisse renflouer les tiroirs-caisses des cinoches comme l'espéraient ceux de la profession désormais exsangue et sinistrée jouez hautbois résonnez musette (et tiroirs-caisses),  le quantique des quantiques... (et j'avoue qu'en fait je m'en fous un peu...)
Comme le conseille Téléramuche, (re) voyez plutôt Memento, Le Prestige, et Interstellar, du même, encore plus réussis...

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deux façons de voir...

* "Le chat de Schrödinger est une expérience de pensée imaginée en 1935 par le physicien Erwin Schrödinger afin de mettre en évidence des lacunes supposées de l'interprétation de Copenhague de la physique quantique, et particulièrement mettre en évidence le problème de la mesure." (voir la suite sur wikipedioche)

27 août 2020

ébénisterie

073
LE SEL DES LARMES
de Philippe GARREL

Encore un beau film en noir et blanc... (ça doit-être mon côté esthète décadent et/ou dégénéré, mais, c'est plus fort que moi, dès que je vois que c'est en N&B, je me dis automatiquement que c'est 50% de bonheur en plus, minimum).
Garrel, je le suis depuis... très longtemps (je me souviens d'une engueulade avec Pat P. devant une affiche du Berceau de Cristal (1975), à Paris, à propos duquel on était fort en désaccord, le plus drôle étant que je ne me rappelle plus qui attaquait et qui défendait...).
Beaucoup de temps a passé depuis ces expérimentations baroques (que j'aimerais bien pouvoir revoir juste un peu, tiens...), Philippe Garrel, s'il continue d'expérimenter, le fait à présent beaucoup plus sagement, (raisonnablement) mais je continue d'aller voir ses films quand on les programme dans le bôô cinéma (ce qui est très souvent le cas).
Il est souvent (toujours, quasiment) d'hommes et de femmes, d'amour (qui commence, qui finit, qui s'emberlificote) souvent, (de mort aussi) et aussi de famille (de parentalité et de filiation). Philippe Garrel évoque souvent son père (Maurice) et emploie aussi (a employé, plutôt) son fils (Louis).
Ici pas de Loulou mais Luc, un jeune premier (Logann Antuofermo, c'est son premier film), un beau ténébreux comme avait pu l'être en son temps Wadeck Stanczack (je ne sais pas de quelle profondeur a pu surgir cette réminiscence), mais en plus doux toutefois. Qui "monte à Paris" pour passer le concours d'entrée à l'école Boulle (il est menuisier, travaille avec son père, un mec en or, joué par le toujours excellent André Wilms, nimbé ici qui plus est d'une beauté toute Ganzienne).
Il va croiser Djemila (la pétulante Ouleya Amamra qui étincelait dans Divines mais qui joue ici dolce, même dolcissimo) , puis Geneviève (Louise Chevillotte, qui jouait déjà dans l'avant-dernier film de Garrel), et enfin Betsy (Souheila Yacoub, qui a débuté en 2018 notamment dans le Climax de Gaspar Noé). Trois femmes, trois attitudes, trois relations fragiles.
Car Luc ne sait pas qu'est-ce que c'est qu'aimer (et il aimerait bien le savoir).
Le film progresse au fil de ces trois histoires successives (dont certaines se chevauchent et provoquent des crises), avec en filigrane l'amour filial et paternel de Luc et de son père (difficile de ne pas imaginer que Garrel parle de sa propre histoire, à peine déguisée), dans un beau film plutôt mélancolique (auquel le seul reproche que je pourrais faire est la voix-off, qui ne sert souvent à rien, puisqu'elle ne fait que paraphraser (redonder) ce qui se passe à l'écran et que, à une exception ou deux,  le plus lambda des spectateurs est à même de comprendre...)
Que je rangerais sur l'étagère des "Garrel que j'ai bien aimé(s)", même si la toute fin fait tout de même bien retomber le soufflé (encore la faute de la voix-off, dont on dirait qu'elle clôt -un peu (trop) scolairement donc- une rédaction dont le sujet pourrait être "Dites à votre papa combien vous l'aimez".
Mais bon sans doute je chipote...

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23 août 2020

au théatre cette nuit

rue bb

(le cadre)

*

le point de vue est limité, car la scène est observée par l'espace entre les volets de la fenêtre du salon
la rue BB est en pente, et descend de la gauche vers la droite
quand il est quesion du "15", il s'agit d'un numéro un peu plus bas, invisible depuis la fenêtre

*

l'heure : entre 3h et 4h du matin

*

personnages :
JFO : la jeune fille en orange (avec une boîte de bière genre 8.6 à la main)
JF 2 : la jeune fille qui parle doucement
JH : le jeune homme avec le t-shirt  blanc
CO : Comparses 1 et 2
CO 2 : Comparses 3 et 4
CH : L'homme au chien

*



la scène commence plateau vide, on entend juste des éclats de voix indistincts qui se rapprochent
JFO apparait, remontant la rue en soliloquant, s'arrête au milieu du carrefour vide, et parle, sans se retourner
JFO : ... et retourne chez ta femme!
elle reprend sa marche et disparaît côté cour (mais on entend ses ronchonnements qui continuent, mais de façon indistincte.
Apparait JH qui surgit de l'endroit d'où venait JFO, marche dans la même direction, comme s'il la suivait (il ne dit rien) il avance encore, s'arrête au niveau du porche, sous lequel il avance (l'éclairage automatique qui se déclenche alors permet de supposer, au vu de son ombre, qu'il est en train d'y pisser (joli effet de lumière), et pendant ce temps montent des bruits de voix de CO1 et CO2, qui, venus du fond,  remontent la rue S.V et qui, lorsqu'ils l'aperçoivent, apostrophent en rigolant JH (on entend des choses comme "petit pédé" semble-t-il, maisamicalement, sur le ton de la vanne). JH sort du porche et s'avance vers eux tout en refermant sa braguette, il est de dos, au milieu de la rue, arrive une voiture de la rue S.V qui tourne à droite, et JH alors, au milieu du carrefour, lui fait signe de passer
C1 : Tu fais la circulation...
La voiture tourne, les autres se marrent, JH répond indistinctement, il fait l'idiot en s'accrochant au panneau de sens unique  et en tournant autour à bras tendu...
Les comparses 1 et 2 continuent leur chemin, tournent à droite et disparaissent en cour...
Arrive alors JF2 qui s'approche de JH, lui parle doucement, le prend par le bras, et l'emmène doucement vers la droite (en direction du 15? ) Tous deux disparaissent.

Soudain il pleut...

Réapparaît alors JFO, toujours avec se boîte de bière à la main, qui revient (plutôt calmement) sur ses pas et finit par rentrer au 15...

Passent alors, suivant le même trajet, deux mecs en noir qui discutent de façon un peu exaltée, mais "gentiment", d'un autre mec (peut-être JH ?) C3 a un petit chignon / queue de cheval, il virevolte et sautille un peu en parlant
C3 :La tarlouze, le petit bâtard... (et variations sur le même thème)
C4 acquiesce
ils continuent de descendre la rue tout en continuant de traiter le mec de tous les noms

Repasse une nouvelle fois JFO, toujours la bière en main, elle repart vers le haut de la rue B.B en grommelant, indistinctement

(passent plusieurs voitures)

Réapparaît JH, avec CH (et son chien -genre pit, en laisse) Ch court après Jh, ils se poursuivent autour d'une voiture en stationnement, et reprennent leur chemin vers le haut de la rue
CH (hurlé) : Farah*!
(il part en courant -avec le chien- vers la gauche, JH le suit, en courant aussi, puis repasse assez vite dans l'autre sens, toujours en courant, il s'arrête et revient ramasser quelque chose qu'il a laissé tomber, et repart en courant, vers le bas de la rue
pendant ce temps on entendait indistinctement au loin les mots échangés par JFO et CH, ponctués d'ailleurs d'aboiements du chien, comme s'il voulait prendre part à l'échange...
Puis réapparaît CH, tenant JFO par la main, la tirant plutôt
JFO : Youcef*!!!
(puis, à à CH) Il est où ?
CH : Il est là... (il tend le bras vers le 15)
JH alors réapparaït et revient vers eux, tous les trois se retrouvent pile sous la fenêtre, et repartent en criant fort (le chien aussi continuera d'aboyer par à-coups) , on ne comprend que
CH J'ai mal à la bouche! J'AI MAL A LA BOUCHE!

Les échanges continuent, el niveau sonore décroît au fur et à mesure qu'ils s'éloignent

La scène est vide, elle reste vide, et il se met à pleuvoir, très fort cette fois

Ca reprendra un peu plus tard (les gueulantes et vociférations) mais moins fort (j'ai fermé presque toutes les fenêtres) mais je me suis recouché et je n'ai plus le courage de me re-lever...

* les prénoms ont été changés...
il s'avère que JH est un de mes anciens élèves et JFO sa tante, "bien connue des services sociaux"...

22 août 2020

à quatre temps

072
CELLES QUI CHANTENT
de Sergei Loznitza, Kariam Moussaoui, Julie Deliquet et Jafar Panahi

Je l'avais déjà vu "par surprise" à Besac, et l'avait beaucoup aimé, mais mon plaisir n'était pas complet parce que ma vision ne l'avait pas été non plus... Donc j'ai saisi l'occasion de remettre mon plaisir à niveau.
Et j'ai vraiment bien fait.
Quatre réalisateurs, quatre pays (des yeux d'Ukraine, d'Algérie, de France et d'Iran) quatre approches, quatre façons de faire mais un sujet central, comme le dit très justement le titre, celles qui chantent : des femmes et des voix. Celle d'une Callas très minaudante chez Loznitsa, celles de "femmes qui chantent dans les grottes" chez Moussaoui, celle de la Traviata chez deliquet, et, enfin, la cerise chantante si on peut dire, celle d'une interprète sans visage chez Panahi.
Et les quatre films sont aussi enthousiasmants, c'est tout ce qu'on peut en dire. Dans cette manière qu'ils ont, chacun(e) à sa façon, de réinventer le rapport entre celle(s) qui chante(ent) et ceux qui les écoutent, de poser la question Qu'est-ce qu'être spectateur ? (question qui en ces temps troublés se pose avec plus d'acuité encore) et d'y répondre chacun(e) avec sa propre sensiblité...
Enthousiasmants, oui (et je leur garde une place d'ores et déjà dans mon classement de fin d'année, c'est dire...)

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*

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à l'Opéra

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dans les grottes

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à distance

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dans le contre-champ

21 août 2020

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071
EFFACER L'HISTORIQUE
de Benoît Delépine et Gustave Kervern

(Joyeusement nihiliste)
Voilà deux zozos (dodos? allez-y vous comprendrez...) dont on a programmé tous les films, dans le bôô cinéma (et dans le vieux moche avant, aussi, puisque le premier Aaltra, date de 2003.). Si j'ai bien compté sur allocin*che, celui-ci est le 9ème.
J'avoue que j'y allais tout de même avec un petit chouïachounet d'inquiétude, les deux précédents, I feel good et Saint Amour, m'ayant  laissé un peu sur ma faim (enfin, plutôt sur ma soif, dans le cas présent), un léger goût de bâclage et de va-comme-je-te-poussisme. Delépine & Kervern les joyeux bricolos quoi...
Il y avait une avant-première, dimanche après-midi, dans la salle 5 du bôô cinéma, ce qui ajoutait encore un peu à mon inquiétude (la dernière, je le rappelle -oui oui fouettez moi- c'était Div*rce Club), mais là,  je me suis senti tout de suite mieux en entrant dans la (grande) salle : j'y étais tout seul (ce qui était donc tout à fait bon signe, et me mettait déjà dans de meilleures dispositions...). (Comme si ça confirmait mon intuition que les gens préfèrent de loin aller aux avant-premières cons...) Donc, une avant-première princièrement pour moi tout seul, dans la salle où les sièges font chaise-longue (en plus)...
Blanche Gardin, Corinne Masiero, et, entre les deux, Bruno Podalydès. Ca commence bien : Blanche Gardin (de dos, mais on sait que c'est elle) rentre de faire des courses (elle tient un sac en plastique), et fait une pause en se grattant la raie contre un jeune tronc, il y a des zigouigouis qui volent... (c'est beau et simple comme du Reiser... )comme une pause bienvenue avant de retourner affronter les emmerdes. 
Trois voisins d'un lotissement pavillonnaire démoralisant (comme souvent chez D&K) n'importe où à côté de nulle part  : une chômeuse, une chauffeuse de taxi et un serrurier, qui se sont connu(e)s sur un rond-point ("leur" rond-point) l'année d'avant en tant que gilets jaunes, et qui, au début du film, ont chacun des soucis d'informatique et de téléphonie (dirons-nous). En plus des soucis "normaux" et ordinaires propres aux petites gens... Problèmes qu'ils u'ils vont finir par mettre en commun (mutualiser) pour tenter de les résoudre (et faire appel à rien mins qu'à Dieu, qui, comme chacun sait, vit caché dans une éolienne...).
Oui, autant les deux précédents films du tandem m'avaient semblé un peu... flottants, autant pour celui-ci ils semblent avoir retrouvé la gniaque (gnaque ? niaque ?) et la pugnacité des grands jours. Ca dézingue à tout va, et c'est plutôt jouissif. C'est cruel sans être méchant. C'est acide, très acide, ça attaque carrément les gencives mais c'est salutaire. C'est le genre de film qu'il faudra impérativement revoir pour appréhender des choses et des finesses (oui oui) qui vous avaient échappé la première fois... Tellement il y en a de ces détails fignolés/pignolés, comme si le tandem avait entrepris de dresser la Liste des trucs qui sont faits pour bien vous faire chier. Avec des personnages principaux beaucoup moins esquissés que d'hab',  fignolés je dirais même, des personnages pas tout d'un bloc mais amoureusement crayonnés, (même si parfois le trait paraît un peu chargé et que la mine du crayon a fait un trou dans la feuille...)
Non seulement les trois solistes (Gardin Masiero Podalydès) tiennent leur rôle jubilatoirement (on regrettera juste que Corinne Masiero, enfin son personnage, soit un peu sous-employé face à Miss Gardin, qui emporte tout sur son passage), mais, pour faire bonne mesure ("Y en a un petit peu plus je vous le mets quand même ?") les réalisateurs n'ont pas résisté au plaisir d'inviter des comparses-clins d'oeil pour pimenter la sauce (Jacky Berroyer, Vincent Lacoste, Benoît Poelvoorde, Bouli Lanners, Vincent Dedienne, et le toujours fascinant -en tant qu'acteur- Michel Houllebecq  -le générique évoque aussi Jean Dujardin et les critiques Yolande Moreau mais j'avoue ne pas les avoir reconnu(e)s...-). Toute la misère du monde (chère à Bourdieu) à la sauce grolando-pavillonnaire, c'est sûr que ça tache un peu les doigts. Mais voir notre trio de Robins des Boi(e)s partir vaillamment à l'assaut des moulins à vent des multinationales informatiques et rézo-sociales (comme s'ils s'étaient trompés d'histoire) ça fait du bien... Vraiment les D/K ont mérité leur Ours d'Argent spécial 70ème édition du dernier Festival de Berlin!
Ce film, c'est de l'oxygène pur (pour vous aérer les neurones) avec un chouïa de protoxyde d'azote (pour les zygomatiques) et juste ce qu'il faut de monoxyde de carbone (au cas où vous auriez envie d'en finir avec la vie), bref le mélange gazeux parfait!
(Nihilistement joyeux).

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19 août 2020

alerte rouge

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LIGHT OF MY LIFE
de Casey Affleck

Dans la salle 5, à 18h, on était trois pour la séance en V.O (à 7,50€, tout de même) pour ce film dont la bande-annonce, vue avec Dominique, m'avait donné plutôt envie de le voir. Ecrit et réalisé (et interprété) par Casey Affleck (à qui j'ai déjà tiré plusieurs fois mon chapeau : scénariste et acteur de Gerry (2002), acteur -sous un drap- dans A Ghost story (2017), réalisateur de I'm Still here (2010) le vrai-faux doc sur Joaquin Phoenix), qui est un jeune homme intéressant...
Qui se met donc en scène dans cette histoire d'un père et de sa fille, dans un road-movie post-apocalyptique (où la majorité des femmes ont disparu, emportées par une mystérieuse pandémie).
La bande-annonce est (un peu) menteuse puisqu'elle nous présente le film comme un genre de thriller vitaminé (avec la musique qui va avec), alors qu'en réalité le rythme du film est beaucoup plus... calme (plan-plan). (J'ai d'ailleurs regardé ma montre à plusieurs reprises). Centré sur la relation fusionnelle entre (je l'ai déjà dit mais je vais faire comme le film, insister) une fille et son père (qui est obligé de la faire passer pour son fils tant la denrée est devenue rare et susceptible d'attirer les convoitises testostéronées -on les parque dans des bunkers, dans des camps...-) Bien sûr on pense au film La Route (d'après le roman du même nom de Cormac mc Carthy) dont le thème -et l'affiche- sont tout de même assez voisins (cf plus bas)...
Le film va son petit bonhomme de chemin (on s'y déplace souvent à pied), dans un genre de faux-calme (le papa est vraiment attentif et sur la défensive, mais les menaces "réelles" ne sont pas si fréquentes...) mais les situations sont assez répétitives et, oui, on s'ennuie un peu (le regardage de montre est un signe, et j'ai même -o horreur- allumé mon téléphone pour chercher la durée du film, c'est dire...) Et , des fois, on souhaiterait que ça bouge (et vibre) un peu plus. Je pensais à cette expression qui m'avait ravi lorsque j'étais plus jeune : "c'est mou du genou..."
Par exemple, lors de la très loooooongue séquence d'ouverture (le papa et sa fifille sont sous la tente, et il lui raconte son histoire pour s'endormir, et ils ont beau être sympathiques tous les deux (critique pas très cinématographique : j'adore les BAB -barbus à bonnet- et Casey Affleck, je le reconnais, en est ici un magnifique spécimen, et justifierait à lui tout seul que je témoignasse au film une indulgence coupable, mais bon le plaisir des yeux ne fait pas tout, n'est-il pas ?), n'empêche que ça dure des plombes... Et celà se reproduira à plusieurs reprises, en fait après chaque découverte d'une nouvelle coquille vide dans laquelle papounet et fistonne vont jouer les bernard-l'hermite...
Un récit qui manque à la fois de racines et d'envergure.
Bref, un film pas indigne mais pas complètement enthousiasmant non plus (mais que je n'ai pourtant pas envie de descendre, eu égard à ses interprètes ,cCasey Affleck (BAB) et la jeune Anna Pniowsky, proprement époustouflant(e)...)

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ce film-ci

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... et l'autre

*

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père et fil(le)s

*

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l'autre film

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celui-ci

 

18 août 2020

le circus virule 3

L'ETE ET LE COVID : "MA BONNE DAME, ON NE TROUVE PLUS DE PETIT PERSONNEL..."

"Dans la lutte contre le coronavirus, nous vivons une parenthèse étrange que d’aucuns ont prise à tort pour une fin de partie. Soignants en première ligne, nous avons cette impression étrange de n’avoir pas existé. Qu’il ne s’est rien passé. Ou si peu. Les généralistes de l’est et de la région parisienne n’ont pas pris la vague, les services de réanimation et d’urgence n’ont pas été submergés. Ce que nous avons vécu, ce que certains d’entre nous ont affronté, a été comme effacé.

La commission d’enquête parlementaire n’a entendu que des pontes. Ministres, sous-ministres, directeurs d’agences régionales de santé (ARS), sont venus se dédouaner sur les conditions d’incurie dans lesquelles le pays a affronté la crise. Palme d’Or de l’indécence à Roselyne Bachelot, égérie sarkozyste brillamment relookée en présentatrice sympatoche et fardée, a moqué ces médecins envoyés au front sans équipements de protection : «On attend que le directeur de cabinet du préfet ou de l’ARS vienne avec une petite charrette porter des masques ? Qu’est-ce que c’est que ce pays infantilisé ? Il faut quand même se prendre un peu en main. C’est ça la leçon qu’il faut tirer. Tant qu’on attendra tout du seigneur du château, on est mal !»

De nature prudente voire paranoïaque, je suis depuis longtemps persuadé – et en particulier après H1N1 et les vaccinodromes de Bachelot – de l’incapacité étatique à protéger la population. C’est pourquoi j’avais et ce depuis des années constitué un stock de masques. J’ai abordé cette pandémie avec de quoi tenir des semaines, voire des mois. Bien m’en a pris, au vu de l’absence du stock pandémique de Schrödinger pourtant promis par Agnès Buzyn et Jérôme Salomon en février. Devons-nous rappeler à Roselyne Bachelot, qui se désole que son nouveau hochet ministériel à 10 135 euros par mois (+ 12 500 euros de frais de représentation) l’oblige à diminuer par deux ses revenus… que nous payons «le seigneur du château», et que son mépris est fort mal venu ?

Empilement de mesures «de bon sens»

Sa saillie lamentable a cependant un mérite : celui de mettre les choses au clair. Il n’y a rien à attendre du seigneur, cette crise nous l’a prouvé. En l’absence de gouvernail, en l’absence de capitaine, cette «guerre» a été menée et temporairement gagnée par les gueux. Généralistes, infirmiers, kinésithérapeutes, urgentistes, réanimateurs, ambulanciers, aides-soignants, personnels des Ehpad, et j’en oublie… Ces femmes et ces hommes qui ne viendront pas s’asseoir devant la commission parlementaire parce que leur Retex (retour d’expérience) serait ingérable et qu’il mettrait à mal les certitudes des assis. Il n’y a rien à attendre du seigneur du château, donc, qu’un nouvel empilement de mesures «de bon sens» provisoirement mises de côté pendant la pandémie.

Dès la mi-juin, les ARS ont ainsi demandé aux responsables des centres Covid de diminuer la voilure, de restreindre les horaires d’ouverture, voire de fermer ces centres. A Poissy, devant la diminution de suspicions de Covid, le Covidrome avait été transformé en centre de prélèvement, afin de pouvoir prendre rendez-vous pour un test PCR, le réaliser et en obtenir les résultats dans un délai inférieur à 24 heures…

Mais le 10 juillet, boum, l’ARS a cessé de financer ces structures. Alors même que la période estivale s’annonçait tendue : vacanciers se déplaçant en France et désirant se rassurer avant de retrouver des parents âgés ou fragiles, nombre de pays exigeant une PCR négative récente pour voyager. Les capacités des laboratoires de biologie médicale sont mises à rude épreuve, car chaque test nécessite un préleveur formé, et des conditions d’asepsie particulière. La charge de travail est immense alors même qu’après des mois harassants, une partie du personnel prend des vacances méritées. Résultat : des files d’attente devant les laboratoires médicaux, et l’incapacité pour des patients symptomatiques présentant une suspicion de Covid de se faire tester dans un délai raisonnable.

Tests et téléconsultations

Enfonçant le clou de la déconnexion au réel, le directeur de l’ARS Ile de France, Aurélien Rousseau, après avoir lancé une campagne de dépistage massif, (plus d’un million de bons de dépistage ont été adressés aux Franciliens de 32 villes cibles), tance les biologistes : «Il faut que tout le monde prenne sa part dans ce combat de santé publique, il n’est pas acceptable d’avoir des gens qui n’ont pas de rendez-vous.» Que voulez-vous, ma bonne dame, on ne trouve plus de petit personnel…

En médecine de ville, mêmes causes, mêmes effets. Début avril, Olivier Véran avait assoupli les règles de téléconsultation. Les généralistes étaient incités à l’utiliser pour éviter de faire venir des patients au cabinet, en particulier les plus âgés ou plus fragiles. Tous les moyens étaient bons : l’utilisation de plates-formes commerciales telle Doctolib ou Care, des applications de visioconférence (WhatsApp, Facetime, Skype…) et même le simple téléphone. Pour lever un frein majeur, dans un geste totalement inédit, l’Assurance maladie décidait de prendre en charge intégralement le paiement de ces téléconsultations, alors qu’en général le régime obligatoire rembourse 70% d’un acte médical, les 30% restants étant à la charge de l’assurance complémentaire du patient, ou du patient lui-même quand il n’a pas de complémentaire. Totalement absentes pendant la crise, celles-ci se sont d’ailleurs fait connaître une fois la première vague passée, sous la plume de Thierry Beaudet, président de la Fédération nationale de la mutualité française, qui a doctement expliqué qu’il était urgent de baisser la rémunération des médecins qui n’intégraient pas des structures territoriales sur lesquelles il espérait bien un jour avoir la main. Incroyable talent…

La prise en charge des téléconsultations par l’Assurance maladie, réponse pratique immédiatement efficace à un problème complexe, représentait un changement de paradigme complet. De fraudeur potentiel «tirant» sur l’argent public, le médecin était enfin perçu comme un acteur de santé publique digne de confiance. Cette lune de miel a duré le temps de la pandémie. Le 10 juillet, la Sécu a décidé de ne plus prendre en charge les téléconsultations par téléphone. Pain bénit pour les plateformes commerciales… et décision de «bon sens» économique, prise par les mêmes génies qui en économisant un milliard sur le stock de masques sur dix ans, ont planté le pays entier à hauteur de centaines de milliards d’euros pour des années. Surtout ne changeons pas une équipe qui marche !

 Généralistes préjugés fraudeurs

L’idée de payer une consultation par téléphone répugne à certains, et le soupçon de fraude n’est jamais loin. J’avoue ne pas saisir en quoi une consultation en visiophonie est fondamentalement différente d’une consultation en téléphonie hormis certaines situations… La régulation des urgences par le Samu utilise ce moyen depuis des décennies… Et les médecins, dans l’urgence, ont appris à se servir des outils à leur disposition. Autant les suspicions de Covid nécessitaient la visiophonie, pour juger de l’essoufflement et de la respiration du patient, autant nombre de situations médicales (au hasard cette semaine une suspicion de prostatite, une réévaluation de traitement antidiabétique, un reflux gastro-œsophagien…) peuvent parfaitement être gérées par téléphone. Mais surtout, ce rappel à l’ordre («N’en profitez pas, hein, on vous a à l’œil, les généralistes…») a pour effet immédiat… d’exclure les patients qui pourraient le plus bénéficier de la téléconsultation, à savoir les personnes âgées isolées, dont la majorité ne maîtrise ni les outils numériques ni même un simple smartphone, et les patients des déserts numériques.

J’ai beau tourner le problème dans tous les sens, le rationnel de cette décision vexatoire (car elle préjuge le généraliste comme un fraudeur) m’échappe. J’y suis particulièrement sensible parce que depuis des mois, très préoccupé par cette période estivale post-Covid pendant laquelle je prévoyais que les services d’urgence seraient confrontés à une situation encore plus tendue que les années précédentes, j’ai décidé de poursuivre les téléconsultations depuis mon lieu de vacances. C’est un choix personnel, qui ne ravit pas forcément mes proches, mais me permet d’éviter au maximum que près de 1 300 patients n’aient comme seul recours les urgences du centre hospitalier." 

(Journal de confinement / Christian Lehmann / 25.07.20)

 

17 août 2020

en francs

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LA HAINE
de Mathieu Kassowitz

Re-sortie en copies neuves restaurées pour fêter les 25 ans du film. (Quand je l'ai vu, à sa sortie, j'avais presque 40 ans et j'en ai à présent bien plus que 60... Le temps passe, quoi...)
La restauration est magnifique (d'autant plus que le film commence par des scènes d'émeute retransmises à la téloche où l'on se dit que la qualité est moy-moy et on s'inquiète pour la suite, à tort, puisque lorsque ça démarre "vraiment", on est scotché par la qualité de l'image et du son (car le son aussi est extrêmement important dans le film) et techniquement le film est assez époustouflant (on sent -justement- qu'il a été fait pour ça, pour être percutant . Comme doit l'être hinhin un percuteur sur un revolver. Parce que bam bam).
Film percutant donc, et film à charge (comme dans "charge d'explosifs" ou "charge de CRS") clairement contre les flics. Nique la police etc. Percutant, à charge et explosif, pour l'époque (95) ça faisait peut-être beaucoup. (En 95 on manifestait -avec détermination- contre le Plan "droit dans ses bottes" Juppé... En 95 Debré était à l'Intérieur, succédant à -tiens!- Pasqua, et précédant -tiens tiens!- Chevènement...) Mais revenons à nos banlieues...
Pieds Nickelés et emblêmes, trois potes de téci (le langage et le verlan ont semble-t-il, comme les acteurs d'ailleurs, légèrement vieilli, mais ça n'est pas désagréable, cette patine banlieue) : le petit rebeu volubile et dragueur, le grand black boxeur et taiseux, et le feuj un peu concon (ça serait quand même un peu lui le Rantanplan de la team) mais gentil quand même, trois zozos dont on va suivre les aventures, chronologiquement (le marquage temporel qui redouble le fameux "jusqu'ici tout va bien...") de la téci à  la capitale, et retour. Du matin à la nuit et retour aussi. Et bam bam.
Ce qui est drôle, c'est que, grosso modo, justement, le film, jusqu'à la séquence finale, est plutôt drôle et enlevé, il met le public en confiance, l'amadoue, le fait sourire par son sens de la répartie, son goût de l'épate, il le caresse bien dans le sens du poil, quoi, jusqu'à ce que bam bam, il le cueille par surprise (on ne l'avait pas vraiment vu venir, le scénar est bien ficelé). Après une pénultième séquence (celle avec le skin, joué par Kasso himself) toute en tension, le retour au petit matin dans un train de banlieue vide où les trois se font la gueule semble boucler en douceur la fiction. Mais non. "Ce qui compte, c'est l'atterrissage...".
Et bam bam.

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16 août 2020

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UN VIRUS QUI FESTOIE

"En visionnant les vidéos en provenance de Floride, où des maniaques religieux dénoncent les autorités sanitaires en expliquant que porter un masque est une atteinte à leur divine capacité à respirer, certains d’entre nous ont ri nerveusement. D’autres ont hoché la tête : «Ce pays est complètement barré.» Il n’aura pas fallu attendre un mois pour comprendre que nous n’avons rien à envier aux Etats-Unis, et que nous avons les mêmes illuminés. Ils traitent de fascistes euthanasieurs ceux qui tentent de les protéger. Ils dénoncent le port du masque comme une mesure liberticide. (On n’ose pas leur parler de la ceinture de sécurité ou du préservatif…) Ils pétitionnent contre le port du masque qui entraînerait une diminution d’oxygénation cérébrale (les chirurgiens apprécieront cette découverte récente qui explique certainement les accidents de bloc opératoire). Bon sang mais c’est bien sûr, comment n’y avons-nous pas pensé plus tôt, donnons le Nobel de médecine au docteur Nicole Delépine, qui invoque Riposte laïque pour déverser son fiel délirant…

Le Covid, ça semble repartir. Comme en 14. Ça ne m’amuse pas de l’écrire. J’aurais aimé me tromper. J’aurais aimé pouvoir fêter ceux qui sur les plateaux depuis un mois expliquent qu’il existe une immunité de groupe beaucoup plus importante qu’on ne le croit, qui martèlent que l’épidémie ne repartira pas dans les régions où elle a déjà sévi, que de toute façon on aura toujours le temps de voir venir. J’aurais adoré qu’ils aient vu juste, comme fin février pendant quelques heures, en visionnant et revisionnant la première vidéo de Didier Raoult «Coronavirus : fin de partie», où j’ai espéré, très brièvement, que le druide marseillais ait raison. Mais au final, l’intuition, c’est bien, si vous avez suffisamment d’humilité pour douter de vous constamment.

«Ne vois-tu rien venir ?»

Grâce à ce «journal de pandémie», j’ai été amené depuis la mi-mars à prendre contact avec des dizaines de soignants que je ne connaissais pas, généralistes, urgentistes, réanimateurs, ambulanciers, infirmiers, kinésithérapeutes, médecins de soins palliatifs, d’Ehpad. Et, sous couvert d’anonymat, ils ont la gentillesse de répondre à mes demandes hebdomadaires… «Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?» «Je ne vois que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie», répond Anne dans la Barbe bleue de Charles Perrault. Et pendant quelques semaines, à ma demande «Voyez-vous des signaux faibles de retour de la pandémie ?», je n’ai eu que des réponses négatives. Quelques rares clusters bien identifiés et gérés, et c’est tout. Rien de décelable, à mon faible niveau, en population générale. Et puis la semaine dernière ça a commencé à frémir.

J’attendais avec une certaine inquiétude, au vu de ce qui se passait ailleurs, aux Etats-Unis, en Floride, ce que j’ai surnommé «le Covid balnéaire», l’arrivée d’estivants urbains décidés à se donner du bon temps, à décompresser du confinement, sur leurs lieux de vacances. Ces villes où, les discothèques étant fermées, les estivants se retrouvaient dans des bars bondés, ou dans des fêtes privées, parfaits vecteurs de contamination par aérosolisation. Ça a été l’un des éléments qui nous ont amenés, quelques collègues et moi, à lancer la tribune demandant au gouvernement de prendre ses responsabilités, et de rendre obligatoire le port de masques en lieu clos, mal ventilé. Cela fait plus de trois mois que ce risque est discuté dans les milieux médicaux, que sont décryptées les modalités de transmission. Des mois que l’on comprend peu à peu que les contaminations indirectes, par manipulation d’objets, sont exceptionnelles voire inexistantes, mais que par contre, des personnes infectées, même asymptomatiques, parlant, chantant, respirant fort dans un lieu non ventilé peuvent infecter beaucoup de monde en créant un nuage de particules virales qui reste en suspension si aucun mouvement d’air ne le disperse. Ces contaminations se déroulent dans un premier temps à bas bruit car touchant des sujets jeunes en bonne santé. Mais elles peuvent ensuite brutalement poser problème si plusieurs infectés, même peu symptomatiques, se retrouvent dans le même espace clos. Pour parler clairement, en référence au rassemblement œcuménique de Mulhouse, il s’agit moins de patients supercontaminateurs que de lieux supercontaminants.

Cette semaine, alors même qu’était publiée notre tribune demandant au gouvernement de rendre obligatoire le port du masque en lieu clos, tandis que la pétition lancée sur change.org atteignait 70 000 signatures, mes contacts sur le territoire ont changé de discours. Ici des clusters, ici une personne testée positive quelques jours après son arrivée en avion en France métropolitaine, ici une entreprise employant des travailleurs précaires contaminés en masse, dont beaucoup avaient continué à travailler, malgré la maladie. J’ai reçu nombre de témoignages, qui n’ont certes pas valeur statistique, mais j’ai compris que la situation avait changé. Qui plus est, quasiment tous mes contacts m’ont demandé une absolue confidentialité, et j’ai compris que consigne avait été donnée au niveau ministériel apparemment de ne pas causer d’affolement… Certains conseils départementaux de l’Ordre, apparemment, en attestent à voix basse.

Portez des masques

Dans le même temps, Emmanuel Macron se prononçait enfin pour le port obligatoire du masque en lieu clos… mais uniquement dans les lieux publics (il faut que l’économie reparte, pas question de gêner les entreprises), et dans quinze jours (la start-up nation est fair-play, elle laisse au coronavirus quelques longueurs d’avance pour son retour). Deux jours plus tard, Olivier Véran passait à la télévision, grave, pour dire qu’il récoltait des signaux faibles de reprise virale, et la date d’obligation de port du masque était avancée d’une semaine. «Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?» Je ne vois que le virus qui festoie, et le gouvernement qui merdoie…

Ça semble repartir. Comme en 14. Et nous n’avons pas suffisamment de possibilités de tests, le délai pour être testé et recevoir une réponse s’est allongé, les centres Covid ont pour la plupart été fermés en absence de financement des ARS.

Mon but, celui des rédacteurs de la pétition, n’est pas de vous affoler mais de vous prévenir. De tout mettre en œuvre pour protéger ceux qui se retrouvent contraints à prendre des risques, dans le commerce où ils travaillent, au sein de leur entreprise. D’éviter des reconfinements régionaux. Nous ne sommes pas là pour gâcher votre été. Sortez, vivez, profitez de la vie (spoiler : on profite beaucoup mieux de la vie avec un masque qu’avec une sonde d’intubation). Portez des masques dès que vous êtes dans une foule, et quand vous pénétrez dans un lieu clos recevant du public : un commerce, un cinéma, un bar, un musée. Mais aussi, et c’est là que le bât blesse, au travail, dans des open spaces, ou des bureaux sans aération naturelle (raison pour laquelle nous maintenons la pétition et appelons à continuer à la signer). Protégez-vous. Vivez les fenêtres ouvertes."

(Journal de confinement / Christian Lehmann / 17.07.20)

 

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