Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
lieux communs (et autres fadaises)
8 mai 2024

hommes dansant le tango

071
LES CARNETS DE SIEGFRIED
de Terence Davies

On l'a eu avec un peu de délai (deux mois après sa sortie), et j'ai été surpris par le nombre -inhabituel- de spectateurs, à la séance de 17h45, dans la salle 1. J'ai un peu souffert, pour la première fois, de la disproportion entre la taille de l'écran (gigantesque) et celle de la salle (la plus petite du complexe) (j'étais au 3ème rang). J'aurais aimé pouvoir avoir un peu plus de recul , et j'ai d'ailleurs craint un moment que le film ne soit pas projeté tout à fait au bon format (surtout pour les scènes d'archives -il y est question de la guerre de 14- dont les toutes premières me semblaient presque être anamorphosées) tellement l'image projetée était grande, (et moi petit) mais bon je m'y suis fait (j'ai fini par m'y faire).
Le Siegfried du titre (en Vf, parce qu'en Vo le film s'appelle BENEDICTION) est un jeune poète, de langue anglaise, pacifiste, et gay. Toutes choses pas forcément en odeur de sainteté dans l'Angleterre puritaine et corsetée, au début de la guerre (de 14). Le film va le suivre tout au long de sa vie, qui ne sera d'ailleurs -ouf!- pas présentée linéairement, depuis sa prime jeunesse  jusqu'à ses presque derniers jours. Il sera question (beaucoup) de la guerre (et de la paix) surtout au début du film, avant qu'on ne s'intéresse d'avantage à une autre (forme de)  guerre : l'amour (ou le sentiment amoureux) dans une ambiance très "gay Paris" (gay London, plutôt), un peu dans l'esprit de VICTOR VICTORIA (on chante on danse on boit du champagne, on s'aime, ou on fait semblant), la rigolade en moins. (Quoique. Les dialogues sont de véritables tirs d'artillerie et m'ont semblé particulièrement savoureux (vous savez, quand vous avez envie de sortir votre carnet dans le noir pour noter à chaud une réplique particulièrement assassine) et drôles. Ping-pongs vocaux entre Siegfried et ses amants successifs (qui se ressemblent tous un peu (excepté le premier, Wilfried), et se trompent mutuellement, se succèdent et s'interchangent, (un peu répétitivement,certes) pour le seul plaisir, semble-t-il, de s'envoyer des horreurs à la figure. ("Mais on fait ça avec humour, enrobé dans du calembour, mouillé d'acide" chantait Charles Aznavour) et c'est vrai que cette partie-là aurait pu être (peut-être) un peu raccourcie (le film dure plus de deux heures).
Mais la mise en scène brillantissime de Terence Davies (n'en déplaise à la journaliste de Libé, qui pour le coup mérite une machine à gifles XXL*) sait nous faire patienter, et parfois même, d'une pirouette, passer à autre chose. Regarder ailleurs. Et certaines scènes sont d'authentiques bijoux (je pense à celle de la photo de mariage). Car Siegfried va, oui oui, finir par se marier, (les galipettes entre godelureaux longilignes et condescendants auront fait leur temps), il aura même un fils, auquel sera donné le prénom de Georges (son frère mort à la guerre, au début du film), ce qui pourrait d'ailleurs amener le spectateur inattentif à se poser soudain des questions de compréhension. (et là je me suis dit : "Ah oui, mais c'est bien sûr...").
Terence Davies nous laisse donc avec ce dernier film en forme -involontaire ou non- de testament, et qui se clôt d'ailleurs sur une scène particulièrement émouvante, puisqu'il est mort peu de temps après. Des critiques ont d'ailleurs dit que le personnage de Siegfried Sassoon était pour le réalisateur un genre de paravent (de garde-fou) pour évoquer sa propre histoire.
J'adorerais avoir l'intégralité des dialogues tant je les trouve brillants (et je réalise que je n'ai pas évoqué la voix-off du narrateur, tout au long du film, qui nous fait découvrir les textes écrits par ce poète et qui accompagnent l'action.
Oui, brillantissime.

* "Adoptant une structure en flash-back – à l’honorable vieillesse sépia s’entremêlent des souvenirs plus sauvages –, les Carnets de Siegfried coche toutes les cases du film biographique pachydermique, soucieux que tous les enjeux soient posés, dépliés, clarifiés. Peut-être à cause de cette précaution humble que l’on devine chez Davies, se dégage de chaque séquence (le plus souvent une suite de champs /contrechamps soporifiques) l’impression que les personnages sont condamnés à faire tapisserie, engoncés dans des poses d’un autre temps qu’aucun souffle ne parvient à décoiffer." Libération

Commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 384 936