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lieux communs (et autres fadaises)
15 juin 2015

france-cu dans le cerisier

COMME UN AVION
de Bruno Podalydès

Un film parfait pour ce mercredi après-midi quasi-estival.
J'ai toujours tenu en estime Bruno Podalydès (et son frère Denis) et je l'ai plutôt  fidèlement suivi depuis Versailles Rive gauche, avec beaucoup plus de hauts (Dieu seul me voit, Liberté-Oléron, Adieu Berthe) que de bas (je me souviens d'avoir été plutôt déçu par Bancs publics). Je l'associe, depuis Versailles Rive gauche, justement, (peut-être à cause de la présence de Tintin et des dessins d'Hergé) à un aspect "ligne claire", un esprit BD, avec personnages précisément dessinés (j'avais écrit destinés), et parfaitement coloriés, dialogues aiguisés, situations plus ou moins loufoques, bref un univers pas très éloigné de celui de Joost Swarte, de par la précision des détails (l'apparent réalisme) et l'omniprésence de l'humour (parfois acide). Mais jamais méchamment.
Bruno Podalydès réalise, et se met en scène, au centre, et c'est très bien. Il s'entoure de charmante façon (Sandrine Kiberlain, lumineuse, Agnès Jaoui, divinement mûrie, Vimala Pons, toujours aussi mimi) mais n'oublie pas les habituels comparses (Michel Vuillermoz et Jean-Noël Brouté, sans oublier, accessoirement, le frangin, Denis Podalydès -j'ai repensé très fort au bureau de vote au début de Dieu seul me voit-). Un personnage attachant, déjà quadra, bientôt quinqua, un peu écarquillé entre  rêves aériens (St Exupéry, l'aéropostale) et vie terre-à-terre, et qui va choisir une voie intermédiaire, le fil de l'eau, en découvrant que kayak est un palindrome.
Oui nos rêves sont immenses et démesurés, nos aspirations sublimes, et souvent hélas leur concrétisation (le passage à l'acte) les fait rétrécir au lavage, façon mouchoir de poche (existe-t-il d'ailleurs, au fait, un autre genre de mouchoir ???), comme si réaliser son rêve ne revenait, en fait, qu'à le formater (à le compacter, à l'étriquer). Le début est plan-plan, attachant mais plan-plan, mais on est de bonne humeur, de bonne volonté, et on suit donc notre Bruno P. sans rechigner (la modélisation 3d, l'anniversaire, les réunions, les discussions conjugales, tout ce qui est "avant" le kayak, mais notre intérêt se structure au fur et à mesure au fur et à mesure que se construisent l'embarcation puis le projet (c'est quand même l'objet qui impulse l'aventure. C'est délicieux et attendrissant, ce dernier pique-nique, cette ultime siestounette (avec Sandrine K, quand même!) avant le grand saut dans l'inconnu aventurier, la mise à l'eau (et le fait, donc, de s'y jeter,  littéralement). Bruno Podalydès pagaie sur sa rivière, et on le suit, enchanté. Jusqu'où ira-t-il... (c'est comme quand, gamin, j'avais eu mon 103 peugeot, et que, après m'être lancé sur les petites routes pendant au moins un quart d'heure, j'avais le sentiment d'avoir fait des centaines de kilomètres et d'aborder ainsi des terre parfaitement ignorées du reste des mortels, des villages qui n'existaient pas avant, qui venaient -plop!- de se matérialiser sur la carte, jusque parce que je les avais atteints) il n'en sait rien mais il y va.
Car là c'est un peu pareil, il a fait au moins... quatre kilomètres, et le voilà qui s'espère tout à fait ailleurs, à des années-lumière de son quotidien habituel, oui, Cortez au moins voire Magellan, le voilà qui aborde des territoires inconnus, en posant le  pied dans un genre d'auberge champêtre et joyeuse, au bord de l'eau, au milieu d'autochtones -la jeune fille, les peintres-bricoleurs, la patronne) tout plus réjouis(sans) les un(e)s que les autres, dont il va faire la connaissance, ainsi que, très vite,  celle des rituels locaux, le plus habituel (et festif) étant la dégustation de l'absinthe (comme on boirait de l'eau -ou presque-, avec le décorum nécessaire (la fontaine, le sucre, la cuillère), et les effets attendus. Un changement de rythme, de point de vue, d'idéal, de destination. Auquel il tente d'abord -mollement- de résister avant de décider -enfin- de s'abandonner et de se s'avouer délicieusement vaincu.
"Quand on voyage..." il faut ménager sa monture, certes, mais soi-même bien plus. Voyage minuscule, certes, sieste, farniente, repos, inaction, voilà un film qui pourrait être l'illustration quasi-parfaite de la vacance, la mystérieuse vacance, ce graal existentiel auquel j'aspire, autour duquel je tourne  (et que je tente vainement de définir) depuis bientôt quarante ans...
Et Bruno Podalydès fait ça excellemment, magnifiquement. En tant que personnage et aussi en tant que réalisateur. Ce film est un vrai bonheur, de tendresse, de drôlerie, de "retrouvons le vrai goût des vraies choses" mais sans en faire des tonnes, sans aucune démagogie racoleuse ni militantisme lénifiant (il y a, sous le sucre qui fond dans la cuillère, la légère amertume d'un certain vague-à-l'âme quadragénaire et discrètement spleenesque) il s'inscrit sans sourciller dans une incontestable modernité (il y est tout de même question de géo-localisation...) tout en exaltant des valeurs intemporelles. Vous souvenez-vous comme , il y a longtemps, un certain Alexandre avait réussi à être bienheureux ? Le Michel de ce film-ci ne serait pas très loin d'en prendre le chemin...
Un film dans lequel on se sent à l'aise (déjà, un film qui réussit à vous faire rire sur toute la longueur, ça n'est pas si courant) un film où on a envie de revenir, un film dont a envie de tout se rappeler, un film qui vous met le sourire plus grand que derrière les oreilles, un film qui fait du bien, quoi, un vrai port d'attache, vous dis-je!
(En plus, on a droit à une très jolie version de Vénus de Bashung, au ukulélé. Rien que pour ça...)

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