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lieux communs (et autres fadaises)
11 novembre 2015

gâteau du shah

NOUS TROIS OU RIEN
de Kheiron

Il y a des cas de figures pas si fréquents : un film qui sort de nulle part, que je découvre en même temps que sa bande-annonce (j'allais écrire accidentellement mais non, il y a eu un super plan-média), et que j'ai aussitôt très très envie de voir (même à la dixième fois que je  vois la bande-annonce). Je connaissais son réalisateur de nom, Kheiron, et surtout parce que je l'avais repéré dans Bref de Kyan Khojandi (qui apparaît d'ailleurs dans ce film), où il tenait -sous le même patronyme- un rôle récurrent d'obsédé sexuel (il sais très bien mimer la fellation), dont on n'entendait jamais la voix (on le voit finalement beaucoup moins que je croyais, je viens de vérifier en re-visionnant les 80 épisodes). Il y apparaissait aussi avec le crâne rasé, ce qui fait qu'on est un peu surpris lorsqu'on le voit dans le film (il y joue le premier rôle, celui de son père), avec de la voix et des cheveux. Mais on s'y habitue vite, à cette tignasse frisée et à cette voix (très) douce, presque en décalage avec l'apparence physique du bonhomme, barbe de trois jours et virilité révolutionnaire de rigueur.

C'est un film qui fait du bien (honte aux Inrocks, à Libé, aux Cahiaîs et à Pozsitif, qui l'ont passé directos à la trappe et sous silence, sans doute à cause de la double caution Gaumont et M6, ouhlala), sans démagogie ni putasserie, un film généreux et sincère, appliqué et bordélique, reconstituant et déconstructif, doux et amer, bref, avec quelque chose des pâtisseries orientales qu'on y aperçoit (d'aucuns ont le droit de trouver ça trop sucré, trop mielleux, trop calorique, trop poufpouf) : en ce qui me concerne, je suis près à prendre encore quelques kilos pour avoir le plaisir d'y revenir.

Kheiron raconte l'histoire de ses parents (et la sienne donc, aussi) de sa famille nombreuse, d'une tranche (on reste dans la pâtisserie)  d'histoire de l'Iran et de ses habitants, et de leur manque de bol récurrent, avec lequel ils ont vécu (ils vivent encore) puisque, ayant réussi, à force de manifestations, à mettre le Shah dehors, ils l'ont fait remplacer par l'Ayatollah Khomeyni, avec les tristes conséquences  que l'on sait. Toute la première partie a lieu en Iran, jusqu'à ce que la famille du jeune Kheiron (qui ne s'appelle pas  encore comme ça) réussisse à s'enfuir d'iran et arrive en France.

Les deux parties diffèrent plutôt sur le fond (la révolution et la répression en Iran dans la première, la réhabilitation et l'apprentissage du vivre ensemble dans une banlieue pourrie pour la seconde) que par la forme (on garde la même pâte scénaristique qui brasse généreusement l'émotion et le rire, le même filmage attentif et attendri -on comprend que Kheiron puisse être fasciné par ses parents et ait eu autant envie de raconter leur histoire-). Certains ont, semble-t-il, été désarçonnés par cette façon quasi-systématique de mélanger les genres, de glisser une vanne à un moment dramatique, ou au contraire de faire couler une larmichette dans une scène de rigolade. Je trouve ça aussi culotté que bien dosé, cette bienveillante façon de lisser le récit (même si ça le dessert -tiens, encore la pâtisserie- parfois : le fait de faire jouer le Shah par Alexandre Astier (de Kaamelot) tire par exemple forcément le récit vers la connivence gaguesque, en minimisant délibérément le drame.)

Des larmichettes, j'en ai versé, je l'avoue, et des rires aussi, j'en ai eu. Bon, c'est vrai que la seconde partie est un poil (de barbe!) moins intéressante a priori, qu'elle est moins forte, par son youplaboumisme -mais en même temps qu'est-ce que ça fait du bien, et encore plus si c'est une histoire vraie. On irait volontiers y vivre dans cette pourrie cité, même si tout ça finit aussi extrêmement bien qu'on avait pu le souhaiter . (Cette phrase a-t-elle un sens ?)-

Peut-être parce que je viens justement de finir de le lire (et parce que je l'aime beaucoup aussi), mais j'ai pensé plusieurs fois à la BD de Riad Sattouf (l'Arabe du futur) pour cette tendresse de l'évocation de l'histoire familiale, cette importance des références à l'enfance, cette façon de styliser, en somme, les événements (de la petite histoire et de la grande), ce sens du détail, cette importance donnée aux sentiments, aux liens affectifs, et à l'espoir, indéfectiblement. A la ligne claire (graphique) de l'un répond la ligne claire cinématographique de l'autre. C'est raconté comme un comic, et pourtant c'est son album de famille qu'il partage avec nous, qu'il n'a pas seulement feuilleté -oui oui, la pâtisserie- mais aussi scénarisé, mise en cadre, en couleur, avec tendresse, amoureusement presque (et ça se sent à la façon dont les acteurs nous (lui) renvoient en miroir, cette chaleur, cet amour, avec une tendresse toute spéciale pour Gérard Darmon et Zabou Breitman, Leïla Bekhti, elle, est juste parfaite.)

Bon, et (hmmm) c'est vrai que je le trouve toujours aussi mimi (et les autres "iraniens" aussi, je sais je sais ce n'est pas un argument critique recevable mais ça ne gâche rien) et que comme disait Marie à la sortie, c'est avec grand plaisir que je retournerai le voir, son film, et pas uniquement à cause de ça (les barbes de 3 jours et les cils de gazelle). Parce qu'on en sort avec un sourire grand comme ça, en même temps qu'on renifle un peu et qu'on s'essuie les yeux. Parfait pour ce mardi après-midi et cette nouvelle "séance spéciale retraités" : on était les benjamins de la salle, hihi!

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Commentaires
R
Vu un peu par hasard hier soir sur M6 et c'est la recherche de l'anecdote (vraie ? symbolique ?) du gâteau du Shah qui m'a amené ici. J'approuve votre commentaire : un feel good movie comme on dit. Même un peu trop sucré, il fait du bien : je l'ai enregistré. (N.B. : je suis gourmand)
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C
Hello, juste c'est les Inrocks pas les Eurocks (les Eurocks c'est le festival ) Bisous
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