Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
lieux communs (et autres fadaises)
6 septembre 2022

bonne nuit, doux prince

07/08/22

Donc on est allé(s) à Bussang passer la journée
Emma nous avait pris des (très bonnes) places en ligne, au rang K, (où on peut étendre ses jambes) et on est arrivés tôt pour grignoter sur place et profiter du parc avant le pestacle
RDV sur le parking du FJT, Dominique arrivant de Besançon (mais m'ayant en bas de chez moi pris au passage), Emma & Régis de Gy, Catherine de Vaivre, on part à deux voitures, c'est mieux (à 5 on aurait été sans doute un peu serrés... il y a vingt ans, on l'aurait fait, hein, mais bon...)

avec Catherine on est arrivés les premiers, suivis de peu par la voiture de Dominique, on s'est -rituellement- garé en marche arrière, comme instamment recommandé, et on est partis à pied vers le théâtre, tout aussi rituellement (non sans avoir salué Pépin qui passait par là en vélo pour aller boire son café)

on récupère les places (la sixième est pour Annie, une copine de Dominique, qui nous rejoindra plus tard), on achète de quoi grignoter, Emma nous dégotte deux tables rondes avec les cinq chaises vertes autour, qu'elle a placées à l'ombre accueillante d'un gros arbre qui n'attendait que nous, et on casse la croûte (j'ai pris une "formule" : pan bagna / bière / tarte aux myrtilles)

Pépin nous rejoint pour le café, puis nous laisse pour aller se faire coiffer maquiller et costumer, et on zone encore un peu en attendant l'heure de début

DSC02236

DSC02233

DSC02237

(...)

nous y voilà, on est effectivement très bien placés, je suis en K10, à côté de moi la K8 est libre, et les deux places du bout sont occupées par deux charmantes vieilles dames qui m'annoncent que la K8 restera vide car elles n'ont pas réussi à la revendre... Joie ; SAUF QUE arrive un mec, un vieux, avec à la main  justement la place en question (il avait une autre place mais la dame de la billetterie lui a proposé celle-ci), qui ronchonne et fait tout un barouf (et se déplacer tout le rang) parce qu'il estime qu'il n'a pas assez de place en K8 pour caser ses augustes fesses ; tout le monde s'exécute, il s'installe,  et je murmure à Catherine qu'il m'a déjà gâché la moitié de mon plaisir

les portes se ferment, le metteur en scène s'avance fait son laïus d'introduction, (et chacun de vérifier que son portable est bien coupé) les lumières baissent... et c'est parti!

première scène devant le rideau fermé, et quand il s'ouvre je vois enfin le fameux décor qui a tant plus à René  : une enfilade de parallélépipèdes blancs, des deux deux côtés de la scène, ménageant un espace central et permettant des entrées et sorties latérales, et voilà qu'apparaît un chien (qui évoque fortement un loup) -qui s'avèrera, Pépin nous l'apprendra ensuite, être une chienne-louve - qui traverse de jardin à cour, en trottinant avec une certaine majesté (cabotinage ?), suivi par un spectre, (le papa de Hamlet) qui disparaît lui-aussi sur ses traces

c'est à la fois très simple et très impressionnant, monumental, tout ce blanc, d'autant plus que tous les personnages sont vêtus de noir (excepté la douce Ophélie qui est en rouge), oui, ce noir et blanc est très classieux, et voilà que tous les divers personnages entament des traversées du plateau (les traversées, ça le fait toujours...) multiples, fiévreuses, pour que nous fassions un peu leur connaissance visuellement avant qu'ils ne prennent la parole...

entretemps (assez rapidement) mon horrible voisin (j'exagère à peine) a commencé à toussotter, puis tousser plus franchement, puis se moucher (je suis enchanté d'avoir gardé mon masque), et finira -soulagement- par quitter la salle (je lui laisserai tout de même libre la place K8 jusqu'à l'entracte, pour rien) ouf!

la langue de Shakespeare est toujours... shakespearienne, les formules ampoulées, les tirades grandiloquentes, les images et les périphrases mais c'est ici la plupart du temps un bonheur de l'entendre, je réalise que je ne connais pas vraiment -en entier- toute l'histoire de Hamlet : je me souviens d'Elseneur, je me souviens du spectre, je me souviens d'Ophélie, je me souviens de "Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark", de "Hélas pauvre Yorick", de "dormir rêver peut-être", et bien sûr de "être ou ne pas être" (que l'interprète d'Hamlet, Loïc Corbery, fera passer comme ça, mine de rien, sans effet, en toute légèreté...), je me souviens de Rosencrantz et Guildenstern, de Polonius caché derrière le rideau et pris pour un rat et couic!, je me souveins aussi qu'Ophélie couic! aussi, à cause du vers de Rimbaud (c'est wikip*dia qui m'a confirmé de qui c'était) "la blanche Ophélia flotte comme un grand lys" (je ne connaissais pas le -très beau- premier "Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles"), bref je savais qu'elle mour(r)ait,  mais je connaissais moins la suite (et j'ai honte je l'avoue) pas vraiment la fin, cette ribambelle de meurtres, cette (excessive ?) hécatombe (le mot est justifié)...

Bussang, c'est un rituel, instauré de longue date, mais là c'est spécial, on est venus ici aussi pour voir le sacre en quelque sorte de notre ami Pépinou, dans le rôle de Claudius (l'oncle qui a tué le père d'Hamlet et épousé sa mère), un fieffé salopard sacré personnage (et un sacré rôle!) et il faut reconnaître que c'est vraiment... impressionnant : on le regarde évoluer, avec une certaine admiration (et peut-être aussi, soyons honnête, un peu d'envie aussi) , comme tous les autres acteurs certes (la distribution est irréprochable) mais avec un petit pincement au coeur spécial

(c'est ça aussi Bussang, le mélange des professionnels et des amateurs, mais bon avec ce rôle, notre Pépinou il passe incontestablement dans la cour des grands...)

comme on est en bas installés commes des princes (du Danemark) il n'est hélas pas question de sortir le moindre appareil-phoo, et j'en suis un peu tristounet, mais bon...

à la fin de la première partie (1h45) je suis sorti très enthousiaste (Emma aussi l'était tout autant que moi, et Catherine aussi) et j'ai couru aussitôt -trivialement- m'acheter un coussin parce que, il faut le reconnaître, les bancs sont durs et sans pitié pour nos royaux séants.

185236-hamlet4_jeanlouisfernandez_055

La seconde partie apporte une nouveauté de taille sur la scène : un énorme crâne (qui va constituer, avec une toile peinte descendue des cintres, une saisissante  vanité, en taille réelle, modifiant crânement l'espace, accentuant encore le caractère relativement ... solennel de la représentation. Vanitas vanitatum, certes, mais le fait de faire jouer les acteurs au milieu de ce tableau (le crâne occupe vraiment beaucoup de place), d'inverser l'échelle,  casse soudain la perspective, et modifie (module) astucieusement (subtilement) la lecture un peu austère qu'on aurait pu être tenté d'en faire a priori (ne vous inquiétez pas, il y a des moments drôles, si si si).

Je suis vraiment admiratif de la finesse de la mise en scène de Simon Delétang, alliant le respect du texte, de l'habituel mélange shakespearien de trivial et de sublime, à la rigueur d'un décor très épuré, minimal, janséniste, presque. tous les excès de l'âme humaine, passions, violence, jalousie, folie, meurtre, empaquetées dans ce décor furieusement blanc, et muet, et impassible. Les murs de l'asile ? (Ce qui préfigure peut-être, en pointillés, en clins d'oeil, clic clic, le HAMLET MACHINE qui va suivre, bientôt, le soir...)

je ne me suis pas ennuyé une seconde, j'étais dedans, j'étais bien, j'essayais de mémoriser les noms fonctions et relations de chacun(e) des personnages (c'est bien sûr avec Ophélie que ce fut le plus facile!)

DSC02258

DSC02267

 

Il y a bien sûr le moment tant attendu où le fond du théatre s'ouvre (il le fera, d'ailleurs, à deux reprises), de façon particulièrement approprié : la forêt, qu'on connaît, mais peuplée de crânes, avec à l'avant un fossoyeur en train de creuser une vraie tombe (je ne vous spoilerai pas laquelle hihihi) tandis que sur scène, désormais ouverte à tous les vents,  ça complote, ça éructe, ça fomente, ça ferraille, ça empoisonne, ça invective, et ça décime! Un, deux, trois, quatre hop! hop! hop! hop! ça dégomme ça décime ça décarre...

et quand presque tout le monde est mort, ne reste qu'Horatio, le pote d'Hamlet,  pour sa dernière réplique, d'ailleurs coupée en son milieu (il me semble que les essaims d'anges ont disparu, non ?), la pièce se termine et (ça m'a toujours posé un léger problème d'éthique, au théâtre, quand les morts se relèvent et viennent saluer...) les applaudissement -mérités- se déchaînent...

oui, j'en suis sorti enchanté

après on a pris le temps de se poser, (on s'est payé des glaces, avec Catherine et Emma) on a trouvé un banc en attendant le retour de ce fieffé salopard de Claudius notre héros Pépin du jour, ça aussi ça fait partie du rituel de Bussang, lui la bière, nous le cône trois chocolats, tout en devisant et sans oublier de prendre  des photos (tiens, notamment, allez savoir pourquoi cet alerte barbu en kilt, tout là-bas... ah quel bonheur d'avoir un gros zoom!) oui tout ça fait partie du plaisir aussi...

DSC02278

DSC02282

DSC02288

DSC02280

DSC02297

02/09/22
Donc on est retourné(s) à Bussang pour voir HAMLET MACHINE
(Catherine, Emma, Manue et moi, sur une impulsion de Manue qui voulait savoir à quoi ça ressemblait, et c'est Emma qui nous y a conduits).
Gros changement : l'après-midi, il avait PLU! (un bon gros orage), qui avait bien rafraîchi l'atmosphère (et laissé des énormes falques à l'entrée du parking).
Comme l'autre fois, on a récupéré nos places (cette fois-ci on était au balcon), puis on a acheté à manger, on a discuté un peu avec Pépin qui, tiens tiens, passait par là, on a devisé avec Yvain et Marie-Claire, et on est allé s'installer.
Le premier rang du balcon, c'est aux petits oignons (surtout quand il n'y a pas trop de monde et qu'on n'est pas serrés comme des sardines. J'ai échangé au dernier moment ma place avec Manue (AA7 contre AA10), et j'étais du coup... encore mieux!
Je savais très peu de choses en fin de compte sur HAMLET MACHINE et j'ai donc eu le plaisir d'une totale découverte. TOUS les acteurs de la pièce de l'après-midi mais en "civil", sauf, en tout début, s'avancent en costume et saluent (sous des applaudissements factices qui s'interrompent brutalement).
Le metteur en scène, Simon Delétang, a pris la parole, sur scène, pour nous parler du texte qui va être joué, de son auteur, et introduire le "spectacle", détaillant les différentes parties, les nommant, et va jouer les Maîtres de cérémonie, les Monsieur Loyal, car ce spectacle -là c'est tout de même bien sa créature à lui...
D'après ce que nous a dit Pépin ensuite, le spectacle a été "monté" relativement vite (je n'ose plus dire "pièce" depuis que Marie-Claire m'a fait les gros yeux parce que j'utilisais ce terme, commettant visiblement un crime de lèse-Muller) mais bon de théâtre il est question tout de même, puisque de scène, d'acteurs, de décor (et de texte(s) et de didascalies aussi, même si souvent -la plupart du temps- cotoyant la folie furieuse...)

les acteurs débarquent s'installent  se démènent se bousculent s'apostrophent, ils déclament ils vitupèrent ils contextent (avec souvent de plaisants effets de choeur), on retrouve les parallélépipèdes blancs et mobiles du décor, on retrouve les costumes, on retrouve le(s) couteau(x) (une chorégraphie extraordinaire), on retrouve le(s) crâne(s), on retrouve aussi -bien sûr- l'ouverture des portes (sur la fraîcheur -conséquente- de la nuit, j'ai remis ma petite laine...) au service d'un texte qu'on ne comprend pas forcément (mais Simon Delétang nous a prévenus), on a le grand plaisir d'entendre du Einsturzende Neubauten (j'ai pensé à Régis, qui m'a fait découvrir le groupe il ya au moins trente ans, quand ils étaient encore, justement, fous-furieux) et déjà la -sublime- scène finale arrive trop vite

Une "belle énergie", oui, une incontestable, formidable pulsion de vie, de jeu, pour ce groupe (ce n'est pas souvent dans l'histoire de Bussang que les acteurs amateurs sont aussi conviés pour la pièce la représentation du soir...) cette meute, plurielle et soudée, dans une puissante déflagration émotive et sensorielle qui finit soudain dans un doux clair-obscur, prend son temps pour rayonner, briller de mille feux sous ce sidérant crâne à facettes, nous associant mentalement, nous autres spectateurs, commeà venir danser avec eux, à les tenir, à les étreindre, parce qu'on a envie de rester là, parce qu'on n'a pas envie de partir...

oui Loulou avait raison dans son sms en me précisant que l'incipit et la conclusion étaient particulièrement extraordinaires...

hamlet-machine-au-theatre-du-peuple-photo-vm-eric-thiebaut-1660729144

lancement-ce-vendredi-a-20-h-d-hamlet-machine-d-heiner-muller-photo-vm-eric-thiebaut-16602913593

lancement-ce-vendredi-a-20-h-d-hamlet-machine-d-heiner-muller-photo-vm-eric-thiebaut-16602913592

lancement-ce-vendredi-a-20-h-d-hamlet-machine-d-heiner-muller-photo-vm-eric-thiebaut-1660291359

hamlet-machine-au-theatre-du-peuple-photo-vm-eric-thiebaut-16602913594

hamlet-machine-au-theatre-du-peuple-photo-vm-eric-thiebaut-166072914410

hamlet-machine-est-un-spectacle-en-cinq-tableaux-photo-vm-eric-thiebaut-16602913598

hamlet-machine-est-un-spectacle-en-cinq-tableaux-photo-vm-eric-thiebaut-16602913597

hamlet-machine-au-theatre-du-peuple-photo-vm-eric-thiebaut-166029135912

hamlet-machine-au-theatre-du-peuple-photo-vm-eric-thiebaut-166029135911

hamlet-machine-au-theatre-du-peuple-photo-vm-eric-thiebaut-166029135914

hamlet-machine-au-theatre-du-peuple-photo-vm-eric-thiebaut-166029135915

(toutes les photos ci-dessus sont d'Eric Thiébaud, de Vosges Matin)

moi, je garderai ça

Capture d’écran (2374)
(au salut on avait le droit de sortir l'appareil!)

et, tiens, ça aussi

DSC03015

et voilà

DSC03014

 bonne nuit, doux prince...

Commentaires
P
Bonne nuit... Bouhouhououou....
Répondre
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 384 613