(portes ouvertes...)
Ce matin (bonheur des jours fériés) j'hésitais à me recoucher, assis sur le bord du lit, quand je me suis dit que pourrais peut-être lire un peu, avant de me rendormir. je n'ai eu qu'à tendre les mains vers les rayons de l'étagère toute proche, où des livres plus ou moins rangés, mes livres (sauf ceux de la petite pile en travers dite des "livres prêtés") sont entassés, impassibles, silencieux.
J'ai beaucoup lu, j'ai acheté beaucoup de livres, et, d'un coup je me suis arrêté, ou presque. Je peux dater ça, un peu commodément, au début de l'année 2009. Rien de précis n'a changé dans ma vie à ce moment là, et pourtant.
Ca a commencé par un genre de lassitude, en lisant les quatrièmes de couv' ou en ouvrant au hasard les bouquins aux étals des librairies (j'ai toujours adoré passer des heures et des heures dans les librairies, et ça continue d'ailleurs, même si dorénavant je préfère acheter mes bouquins chez des libraires/soldeurs en ligne). Romans ouverts et parcourus, et qui me semblaient vains, inutiles, dérisoires, accessoires, bref, pas indispensables, contrairement à quelques-uns, rangés sur un rayon justement de ma bibliothèque. Car j'en ai acheté, et acheté encore, pendant toutes ces années (ça s'entasse, ça prend de la place, c'est lourd dans les déménagements... et tout ça pour quoi ?)
Je crois que j'ai fini par considérer que le plaisir de la lecture (acte qui fut pourtant pour moi fondateur, qui fut pendant longtemps l'unique moyen en ma possession de découvrir le monde) ne me satisfaisait plus assez complètement.
Ou plutôt, j'avais un problème avec l'idée de conservation : lire peut (doit) être une source de plaisir, mais à quoi bon finalement, puisqu'au bout de quelques jours / semaines / mois, il n'en restera quasiment plus rien ? Tout se sera évaporé, enfui, dissout (?) Bon, c'est aussi vrai pour le reste : le cinéma, la nourriture, les rencontres, les vacances : rien ne reste jamais, que le souvenir qu'on en a, et, accessoirement, l'objet qui le contient. et c'est vrai que, si je regarde autour de moi, je n'ai que ça, autour de moi, des conteneurs de souvenirs : livres, cassettes (audio et vidéo), photographies (réelles ou virtuelles), papiers divers, menus objets, etc. Ben merde alors je m'aperçois (quelle surprise) que je ne suis qu'un archiviste, oui, un (c'est précisément le mot juste) conservateur de mon petit musée perso.
Alors pourquoi tout d'un coup n'ai je plus eu envie d'archiver d'autres livres, en plus de tout ceux que je stockais déjà ? D'autant plus que cette mémoire, si elle est imposante "physiquement" (oui, ça prend de la place) ne l'est pas "mentalement". Chaque livre est dépositaire, de par sa fonction même, de sa mémoire autonome, par rapport à ce qu'il raconte, mais également de ce que j'appellerais une mémoire supplémentaire, périphérique, qui est celle de sa lecture même (quand est-ce qu'on l'a lu ? dans quelles conditions ? comment qui est-ce qui nous l'avait offert ? où est-ce qu'on l'avait acheté ?) Ca, ça ne prend pas de place, ou presque!
Il y a, quand je regarde les rayonnages, pas mal de livres dont je pourrais désormais me défaire sans trop de difficultés (et c'est ce que j'ai entrepris de faire, d'aillerus, en devenant à mon tour un peu (re)vendeur en ligne), et puis il y en a un certain nombre (toujours cet instinct de conservateur!) que je souhaiterais pouvoir garder , oui, les quelques uns envers lesquels je ressens une indéfectible passion (même si je les ai, parfois, un peu oubliés -le contenu, je veux dire-)
Non seulement je suis un archiviste, mais en plus (finalement, ça va peut-être de pair) un indécrottable nostalgique : c'est vrai que parmi ce "dernier carré" de livres, beaucoup appartiennent à un passé (de plus en plus) lointain : les années 60, 70, années où j'expérimentais avec gourmandise, où je dévorais, où je savourais... plus les les années passent, et plus je trouve de choses fadasses, sans âme, des bouqins que je repose après en avoir lu les premières lignes chez le marchand ("mon dieu comment peu-on écrire et publier des inepties pareilles", pensé-je alors) ou à la bibliothèque...
(à suivre...)