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lieux communs (et autres fadaises)
28 novembre 2011

le plaisir de chanter (en noir et blanc)

NE CHANGE RIEN
de Pedro Costa

Celui-là, je peux dire que je désespérais de pouvoir le voir un jour. Un an, que je l'attendais. Et puis, tout arrive, le mois du Doc, on fait la programmation, je propose, et miracle ça passe ! Bonheur, bonheur. Et appréhension, aussi : et si tant d'attente et de ferveur ne débouchaient que sur du rien ?
Dès la première seconde, je sais que non. Un noir et blanc charbonneux, très dense, intense, sublime, très très noir (et un peu blanc). Jeanne Balibar (et Rodolphe Burger) en concert, puis en studio, pour l'enregistrement du premier album  Paramour (et aussi du deuxième  Slalom dame.)
Et me voilà plongé dans un genre de liquide amniotique musical et cinématographique, bienheureux, dont je ne sortirai qu'à regret(s). Je dois préciser que le son de guitare de Rodolphe Burger, saturé et réverbéré, me procure, au départ, un véritable plaisir physique.
Puis la même Jeanne, en répétitions pour La périchole (et là je me surprends à me dire "Tu es en train de jubiler devant un plan fixe d'une porte, avec des voix hors-champ, juste ça, et tu trouves ça merveilleux..." et c'était exactement ça. Par moments, j'étais tellement béat que j'en aurais presque oublié de respirer. Le film alterne studio et scène, musique et théâtre, enregistrement et répétitions, dans cette pénombre à gros grains de grotte, de sanctuaire, de refuge.
Un film interne, intime, intense.

(je viens d'y retourner, d'ailleurs samedi à 18h, et j'étais tout seul dans la salle : une séance privée , avec juste Rodolphe, Jeanne et moi. Et le film m' a paru passer extrêmement trop vite...)

On pourrait appeler ça un état de grâce, un hasard qui fait converger fortuitement des tas d'éléments au départ disparates pour faire en sorte qu'à l'arrivée tout soit... parfait. Le travail de création (le studio, la leçon de chant, les répétitions), puis de re-création (la scène, qu'elle soit de concert ou de théâtre, à la seule différence que celle de théâtre sera toujours off) .
Beaucoup d'ombre et un peu de lumière (beaucoup de sueur pour un peu de génie disait Einstein, non ?), des choses qu'on répète, encore et encore, qu'on module, qu'on s'approprie, qu'on commente, qu'on re-tente. Avec la caméra de Pedro Costa proche et amicale comme un animal de compagnie. J'avais vu déjà ce noir et blanc attentionné dans le superbe Où gît votre sourire enfoui ? -beau titre, non ?- (sur le travail de montage des Straub-Huillet) c'est pourquoi je fondais beaucoup d'espoirs sur celui-ci.
Avec raison.
Le film, à la deuxième vision (c'était peut-être de la gourmandise, mais ça me semblait nécessaire) est encore plus riche, encore plus élaboré sous ses apparences débraillées. Méthodique et construit, mais aussi aventureux et désinvolte. Autant qu'il est paradoxalement possible de l'être. Rigoureusement beau. Avec un très beau travail sur le son (c'est aussi -au départ- un film d'ingénieur du son, ne l'oublions pas) : ce qui est audible et ce qui ne l'est pas, ce qui est généré et ce qui est spontané, ce qui est enregistré et ce qui n'est que dit...
Avec ces notes de guitare qui vous restent longtemps, longtemps après encore, imprimées sur les neurones. Et ces mots chantonnés "je me mutile, c'est bien utile pour attirer ton attention..." répétés, polis, roulés.
Du plaisir pur, avec un grand P, comme Pedro.

Top 10, même si c'est un film de 2009!


19190734


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