Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
lieux communs (et autres fadaises)
10 novembre 2012

l'apprenti

COMME UN LION
de Samuel Collardey

Vu en avant-avant-première (hmmm c'est si bon de se sentir happy few...), ce deuxième long-métrage du réalisateur (franc-comtois, ceci explique cela) de L'apprenti, qui nous enchanta il y a quelques années, et avec lequel on retrouve indéniablement des passerelles et des similitudes.
Il s'agit ici aussi d'un adolescent, en situtation d'apprentissage, sauf que cette fois-ci il est sénégalais (le film débute sous le soleil africain et finira sous le feu des sunlights) mais tout aussi charismatique et attachant que l'était celui du premier film. Il s'appelle Mitri, vit avec sa grand-mère, joue très bien au foot,a été repéré sur le terrain dans son village par un "sélectionneur" (qu'on assimile vite à un margoulin local lorsqu'il va demander à la grand-mère de se saigner aux quatre veines pour envoyer le gamin en formation dans un club en France.) et prend l'avion destination Paris. On pressent la combine, et c'est effectivement ce qui se passe. Dès l'arrivée en France la belle machine à espoir se grippe, et notre Mitri va tomber de Charybde en Scylla, fracassé d'abord contre la dure réalité (le première scène en france se déroule à l'aéroport et fait intervenir notre "glorieuse" police nationale) mais rebondissant avec obstination et constance, tendu qu'il est de toutes ses forces vers son but, son rêve : être intégré dans un club de foot (c'est Sochaux qui ferait bien l'affaire...) et devenir pro.
Il sera donc successivement abandonné, puis aidé, pris en charge, recueilli, hébergé, Il tombera une première fois, se relèvera... On se dit qu'on a affaire à un conte tant les épreuves successives et les personnages y intervenant en semblent archétypaux, mais l'on apprend ensuite qu'il s'agit -au départ- d'une histoire réelle. Une belle histoire.
Précisons tout de suite, malgré ce préambule qui pourrait paraître "clinique", que j'ai trouvé le film absolument formidable. Je suis  bon public, je vous l'ai déjà dit, et j'ai joué le jeu à fond. Et il m'est arrivé à plusieurs reprises, oui oui, de verser ma larmichette. Ce portrait d'un jeune sénégalais transbahuté (transplanté) à Montbéliard est réalisé avec cette grande finesse, cette profonde humanité, ce sens inné des rapports humains, cette chaleur, qu'on connaissait déjà à Samuel Collardey. Qui persiste et signe.
Car la course d'obstacles de Mitri pour parvenir à ses fins (je dois avouer que c'est la première fois de ma vie que j'avais la larme à l'oeil en voyant un jouer de foot entrer sur le terrain, et de dos en plus...) n'est jamais jouée en solo, mais grâce à l'aide de tous les intervenants successifs, notamment, et surtout, un entraîneur bourru (bourrin ?) et comme perpétuellement à cran (Marc Barbé, qui m'avait déjà fort impressionné dans Sombre et Trois-Huit) qui va jouer pour le gamin -en plus rude- le rôle du maître de stage de L'apprenti (autre thème récurrent ici, celui du "père de substitution".)
Il y a, incontestablement, chez Samuel Collardey, un goût du travail bien fait, de la belle ouvrage, la mise en pratique d'un savoir-faire, d'une expérience, aussi patiemment acquis que transmis. Si c'était un meuble, ça serait un sacré beau meuble en bois massif, fait dans les règles de l'art, un truc solide, et en même temps aussi agréable à l'oeil qu'au doigt, poli et poncé avec autant d'attention qu'il fut assemblé. Un truc fait tout à la main, super bien fini, avec en filigrane la trace de l'homme plutôt que celle de la machine.
Car Collardey s'y intéresse, au "petit peuple", aux gens comme vous et moi, c'est d'eux qu'il parle, sans dérision ni flagornerie. Il est, humainement, autant à hauteur d'homme qu'il est, cinématographiquement, à la hauteur de son propos. Une belle histoire ? Un beau film, donc, à cause de ce que je nommerais la belle âme de son réalisateur. Que ce soit l'Afrique, les rues de Montbéliard (ou Audincourt ?), l'usine Peugeot ou le stade de Sochaux, on n'est jamais dans l'illustration plate et/ou utilitaire, "gratuite", il y a toujours le "petit plus" cinématographié (parfois la musique, parfois le cadrage, parfois un détail, une respiration, un instant, parfois tout ça ensemble) qui vient faire vibrer la corde sensible et transcender le récit.
Le seul bémol que j'ai par rapport au film, c'est qu'il risque de faire miroiter aux alouettes un destin de rêve à quelques, justement, apprentis-footballeurs (car, bien sûr, il s'agit au départ d'une histoire vraie, mais serait-elle encore modélisable ?) Mais bon, hein, le cinéma n'est-il pas fait aussi (ou surtout) pour rêver ?

 

COMME+UN+LION

Commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 384 663