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lieux communs (et autres fadaises)
29 mai 2013

sabre et goupillon

LA BELLE ENDORMIE
de Marco Bellochio

Une divine surprise : alors que le sujet ne m'intéressait que moyennement, que les moeurs des catholiques ne m'interpellent pas plus que ça, et, surtout, que le cinéma de Bellochio ne me passionne pas (ou plus... j'aimerais revoir Le saut dans le vide), eh bien, nonobstant tout ça, et contre toute attente, j'ai a-do-ré !
Peut-être, justement, parce que je n'en attendais pas grand-chose, mais, dès le début, mes capteurs sensoriels cinématographiques internes se sont mis à clignoter puis à m'envoyer furieusement des signaux de plaisir intense, qui duraient et se confirmaient au fur et à mesure que le temps passait. Un film "choral", avec plusieurs histoires qui, chacune, tournent autour de l'image récurrente d'une femme allongée. Endormie, comateuse, morte avec l'apparence de la vie (ou vivante avec l'apparence de la mort).
Autour d'elle(s), un homme politique, sa fille, catholique fervente, un jeune homme en colère, son frère, une grande actrice, son mari, et son fils, sans oublier (un peu à part) un jeune médecin. Qu'elle soit simplement endormie (la toxicomane suicidaire) ou dans le coma (toutes les autres) il est question d'attente. D'espoir aussi. Espoir du réveil, du retour à la vie. Et dieu dans tout ça ? D'où l'irruption d'une méga-manif catho quand la plus célèbre et la plus médiatisée d'entre elles, Eluana (l'histoire est "vraie") va, au bout de 17 ans, être débranchée. Les pieux d'un côté, et les mécréants de l'autre : "Laissez-la vivre" contre "Laissez-là mourir en paix...". Et, autour de ce "centre" fictionnel, un certain nombre d'histoires et de personnages (et de cas de conscience) ; comme chez Perec dans La vie mode d'emploi : "histoire du député qui voulait voter contre son parti et démissionner", "histoire de la fille qui ne voulait pas répondre à son père", "histoire de la catho qui tombe amoureuse d'un mécréant", "histoire de la grande actrice qui refuse de jouer", histoire du fils de la grande actrice jaloux de sa soeur", "histoire du médecin au chevet de la toxico", etc.
Bellochio saute de branche en branche de sa forêt narrative, et on le suit avec bonheur, sans crainte du danger ni vertige, de plus en plus solidement arrimés à la multiplication des récits et à leur progression foisonnante (à la façon des citrouilles), sans jamais être pénible ni redondante. Il y a une égalité, sinon des chances, du moins des traitements de chacune des histoires. tantôt on en a un grand morceau et puis plus rien pendant un certain temps, tantôt on a plusieurs fragments plus courts, mais plaisamment entrecroisés.
De la bande-annonce, c'est drôle, je ne me souvenais que des images concernant le médecin et la suicidaire. mais l'ensemble de la distribution est un régal : notre nationale Huppert en diva aux yeux rouges et à la sombre mantille se fond avec grâce dans cette succession de personnages malheureux, ou qui viennent de l'être, ou se préparent à l'être, comme quoi un malheur n'arrive jamais seul. Il est question d'amour, dans chacune des situations (qui naît, souvent, qui s'éteint, quelquefois), ou, plutôt , comme dirait Lacanchounet, de preuves d'amour. Et, inévitablement, de la mort qui vient batailler en silence. Et des façons de se protéger de l'un et de l'autre. Et, comme on est en Italie, tout ça est furieusement romantique et appassionato.
Mon film préféré de Bellochio à ce jour, incontestablement.

20499670

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Commentaires
Z
Bien content que ça t'ait plu! moi aussi j'ai adoré ce film qui est injustement passé inaperçu....
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