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lieux communs (et autres fadaises)
21 octobre 2013

grands chaperons rouges

LE GRAND'TOUR
de Jérôme Le Maire

Un film jupilatoire.
C'était programmé dans la semaine belge, et j'aurais pu attendre la 2ème projection, celle de la soirée de clôture, à 20h30 en présence du réalisateur, avec la bière offerte à la fin, mais un pressentiment m'a poussé à aller à la première, au cas où... et le cas était bien là. Plaf! le genre d'évidence qu'on se prend en plein dans la tronche. Un film qui démarre comme une bonne blague potache : les membres d'une fanfare, tous habillés en rouge, décident de couper à travers bois pour rejoindre un carnaval, à 20km de là. "Passer par les bois". Le début du voyage est très festif, très alcoolisé, très fêtard, très cocaïne et autres adjuvants psychotropes. Imaginez dix mecs qui s'en vont, qui lâchent tout pour partir comme ça, faire la fête, entre potes, à pied. C'est bien, c'est tellement bien qu'ils décident de ne pas s'arrêter en si bon chemin, et vont donc continuer vers Munster, où les rencarde un fêtard germain croisé par hasard dans une rue la nuit. Lorsqu'ils y arrivent, pas de teuf mais un symposium d'art contemporain. Pas grave, ils vont alors profiter des ressources locales. Puis de là repartent vers un autre carnaval, dans le village natal d'un d'entre eux. Et repartent encore. Et ainsi de suite.
Le film m'a enchanté (au sens propre, comme dans les contes). Parce que ce qui se présente au début comme un documentaire, (des mecs témoignent face caméra et a posteriori sur ce que l'on peut (re)voir, en même temps, en live (une joyeuse troupe braillarde, enrougée, une fanfare dissonante, des litres de bière...) il me faut là une deuxième parenthèse de fermeture...) va se révéler au final un projet bien plus malin -et grandiose- qu'il n'en a l'air.
Où est-on, où en est-on ?
Au début, nulle part. Pour vous donner une vague idée, euh... sur la forme, on pourrait évoquer une version rigolarde  du Projet Blair Witch (des gens sont filmés en train de crapahuter dans les bois, mais c'est filmé vrai/faux) avec énormément de tout à fait autre chose qu'on aurait du mal à nommer (oh cette folie, cette folle liberté, cette simplicité et à la fois cette justesse, non, vraiment, ça ne ressemble à rien de connu ou presque) ou bien -tiens- une version à la fois enfantine et alcoolisée de Dix petits nègres pour le fond et la structure (le groupe initial va progressivement et inéluctablement se réduire) ou bien le début de Monty Python Sacré Graal (les mecs qui marchent en cognant les noix de coco) sauf que pas du tout.
Sous des dehors fêtards, sous les oripeaux -rouges- de fiction à la va-comme-je-te-pousse (ou plutôt comme je te filme), le réalisateur met en place une fausse/vraie histoire autour d'une communauté virile (hmmmm), qui part comme ça sans savoir où ni trop comment et surtout sans se demander jusqu'à quand (comme chez les AAA : juste un jour à la fois) qui, s'élaborant hors des sentiers battus , sort ainsi d'une réalité rassurante et réglée, et dérègle aussi par la-même la mécanique de la fiction et du film qu'on aurait pu attendre, ou qu'on aurait cru qu'on allait voir.
Et il s'agit peut-être bien finalement d'un doc, mais pas sur ce groupe d'hommes qui marchent, ou plutôt d'un genre d'état des lieux de la masculinité (j'allais écrire masculinitude, tant il faudrait peut-être créer un terme pour désigner cette condition d'homme(s), ce que Jérôme Le Maire nous montre, nous donne à voir, ou veut nous dire.) Des hommes normaux, comme vous et moi (encore que) qui à un instant donné font un pas de côté. Puis un autre. Et un autre encore. Hommes qui marchent, mais, surtout, qui marchent ensemble, "dans l'amour et l'amitié", comme le dit Pinard. C'est cet état qui m'a particulièrement séduit et fait gamberger, cette collectivité mâle rêvée, fantasmée, pourtant à partir d'éléments disparates et banals
Au départ, ils vont d'un point à un autre. Mais "en passant par les bois". Cette dénomination devient presque une contrée fantasmatique à elle seule, tandis qu'ils sillonnent la Belgique en laissant autour d'eux (derrière eux) des traînées de confetti comme des petits poucets fanfarons et vacarmeurs. Et c'est vrai que ce sont pour moi les moments les plus forts du film, les crapahutages, les campements sylvestres (aussi joyeux qu'utopiques), les instants de vie commune, idéalisés quasiment (oh ces attendrissants réveils enchevêtrés), les bivouacs, les rencontres, les discussions...
Car, mine de rien, le film prend soudain une nouvelle respiration (et la façon de filmer aussi), lorsque Vincent annonce qu'il arrête la présidence et qu'il "continue son Grand'Tour", et que certains décident de le faire avec lui. On est moins dans la grosse rigolade, la poudre aux yeux et la fanfaronnade. On repart, mais pour quoi ? On y va, mais où ? Les conversations se font plus posées (la caméra aussi), et les questions aussi, que justement chacun se pose, à sa manière, comme s'il faisait le point -personnel- sur ce fameux Grand'tour (sur soi-même et un peu plus loin.) Il y a alors un genre d'épuisement progressif. Plus rien à sniffer/fumer, plus rien à boire ou presque, de moins en moins de certitudes... C'est à ce moment que les personnages sont de moins en moins filmés de près, mais de plus en plus comme insérés dans un cadre naturel qui prend de plus en plus d'ampleur de respiration et de majestueuse beauté (de réalité), au fur et à mesure qu'eux rapetissent dedans...
Et certains continueront jusqu'au bout, même si d'autres s'arrêtent. A la presque fin, ils sont encore trois (hirsutes et barbus) et s'engueulent pour une histoire de carte, de direction à prendre, de détour, de délais. Deux routes, trois mecs. A ce moment, chacun a fait ce qu'il avait à faire, changé, un peu, beaucoup, ça dépend des gars, et chacun finissant par trouver quelque chose qu'il n'avait pas forcément cherché...
Oh le beau, le délicieux, le merveilleux film
(à suivre, probalement, après la soirée du 22)

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