Pour sylvain, encore un peu de tchekhov
(pour moi, un genre de quintessence...)
ELENA ANDREEVNA (pensive). Il est étrange comme homme... Tu sais quoi ? Laisse-moi, je vais lui parler... Avec délicatesse, par allusions...
Pause.
C'est vrai, combien de temps vivre encore dans cette incertitude... Laisse-moi faire!
Sonia hoche la tête affirmativement.
Splendide. Soit il aime, soit il n'aime pas, ce n'est pas difficile à savoir. Ne t'en fais pas, ma petite colombe, ne t'inquiète pas -je l'interrogerai avec délicatesse, il ne s'en apercevra même pas. Nous voulons juste savoir si c'est oui ou si c'est non.
Pause.
Si c'est non, qu'il ne vienne plus. D'accord?
Sonia hoche la tête affirmativement.
C'est plus facile, quand on ne se voit pas. On ne va pas attendre cent sept ans, on va l'interroger sur l'heure. Il voulait me montrer des graphiques... Va lui dire que je veux le voir.
SONIA (saisie d'une forte émotion). Tu me diras toute la vérité?
ELENA ANDREEVNA. Oui, bien sûr. J'ai l'impression que la vérité, quelle qu'elle soit, est tout de même moins effrayante que l'incertitude... Fais-moi confiance, ma petite colombe.
SONIA. Oui, oui... Je dirai que tu veux voir ses graphiques. (Elle sort et s'arrête devant la porte). Non, l'incertitude, c'est mieux... il reste quand même l'espoir...
ELENE ANDREEVNA. Tu dis?
SONIA. Rien
Elle sort.
(Oncle Vania, traduction d'André Marcowicz et Françoise Morvan)