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lieux communs (et autres fadaises)
24 mai 2014

j'écris ton nom liberté

MAPS TO THE STARS
de David Cronenberg

Je ne sais pas dans quel état j'étais lorsque j'ai vu la bande-annonce du nouveau Cronenberg, en tout cas ça m'a donné envie de venir voir ce que je pensais être une comédie grinçante sur les dessous d'Hollywood... J'y suis donc allé mercredi, dès que j'ai pu, et j'en suis ressorti deux heures plus tard, plutôt tourneboulé (déboussolé) : c'est noir, c'est très noir, c'est très très noir...
Je n'étais pas allé voir les deux précédents films de Cronenberg parce que ni le fond ni la forme ne m'en avaient donné l'envie, mais celui-là, tout de suite, je l'ai voulu, sans en savoir grand-chose d'ailleurs. Je n'avais, en entrant, que deux éléments : Hollywood et Julianne Moore (que j'aime énormément).
Et allons-y donc! après un générique bleuté, lettré, étoilé, saupoudré de quelques bouffées d'électro ambient, nous voilà projetés (!) sur les traces de plusieurs personnages, qu'on va d'abord suivre séparément, avant de s'apercevoir (assez rapidement) qu'il s'agit plus ou moins d'une histoire de famille : une jeune fille (avec des cicatrices de brûlure) qui débarque à Hollywood et a commandé une limousine avec chauffeur, plus le jeune chauffeur qui la conduit et qui est un aspirant-acteur, plus une actrice sur le déclin qui cherche désespérément un rôle, (celui-de sa mère, actrice elle-aussi, morte dans un incendie) dans un film qui va se tourner prochainement, plus un enfant-star insupportable d'arrogance et de cynisme, plus les parents du jeune homme en question (son père est un genre de masseur-gourou, qui "soigne" notamment l'actrice sur le déclin...)...
Voilà pour l'essentiel des protagonistes, auquel David C. a eu la bonne idée d'ajouter, assez vite, des fantômes (celui d'une mère morte brûlée, celui d'une petite fille morte de maladie, celui d'un petit garçon noyé), très propres sur eux (pas d'yeux révulsés, de chairs pourrissantes, de hurlements d'épouvantes)  qui apparaissent régulièrement et viennent  perturber "en vrai" - mais pas trop agressivement - l'existence des "vrais" personnages... 
On le voit, on est bien ici, doublement, triplement, au royaume de l'illusion, (et par conséquent de la tromperie, des faux-semblants, du mensonge). Illusion de la célébrité, illusion de la réussite, illusion de l'amour... Cronenberg tend à ses personnages des miroirs dont les reflets successifs interfèrent, et complexifient encore les perceptions individuelles. Jusqu'à ce qu'elles se brisent. Car chacun des personnages est multiple, complexe, composite. Et l'une de ses facettes est forcément cinématographique
On y parle beaucoup de cinéma, et de beaucoup de manières, depuis la plus triviale (le fric, les contrats, les manigances) jusqu'à à la plus romantique (les références, les blessures, la mémoire, la filiation, le lyrisme). A plusieurs niveaux, il est question de rejouer une scène originelle (l'enfant-star va tourner la suite d'un film / l'actrice veut tourner le remake d'un film plus ancien / des enfants veulent rejouer une situation vécue par leurs parents /) comme en tentant de retrouver une émotion initiale (celle que le réalisateur provoque au spectateur ?)
Le film de Cronenberg est magnifique, magistral, bouleversant, d'autant plus qu'il avance masqué (ou maquillé, fardé, comme chacun de ses protagonistes d'ailleurs). Il est très lisse d'apparence, trompeur, étal, comme la surface d'une piscine peut l'être quand bien même un corps y reposerait au fond. Comme l'image que veulent bien donner d'eux-mêmes les acteurs et autres personnages médiatiques. Le Cronenberg "mutation / sang / tripes" de l'époque glorieuse des débuts a posé sur ses expériences gorisantes juvéniles l'apparence de la respectabilité, le lissage du vernis social, mais, sous l'épiderme tendu, ça palpite encore, ça grouille, ça se bouscule... Cronenberg sait toujours à la perfection alterner (coupler) le brûlant (le brasier) et le liquide (l'eau de la piscine). Et ça laisse un drôle de goût dans la bouche...
Un film qui commencerait sous les auspices de Lynch (Mulholland Drive) et pourrait se terminer dans les bras de, disons... Gus van Sant (Restless). Un film à revoir, à garder, sans aucun doute...

283431

Commentaires
P
Trop fric, trop américain et un scénario pas toujours très fin... en particulier la fin avec la scène où le fils va récupérer l'alliance de son père... complètement bâclé...
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