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lieux communs (et autres fadaises)
23 décembre 2015

encore et toujours

MARGUERITE ET JULIEN
de Valérie Donzelli

C'était mon troisième film de la journée (après Blade runner et Comment c'est loin), et j'y allais, au départ, par solidarité. (J'ai bien fait, parce que on était un dans la salle, et sinon il y aurait eu zéro spectateur pour cette séance dans le bôô cinéma). Ici, Valérie Donzelli, on l'aime plutôt très bien/beaucoup, on a passé tous ses films en tant que réalisatrice dans le bôô cinéma (La reine des pommes, La guerre est déclarée, Main dans la main), -pas Que d'amour qui est un artéléfilm, une captation télévisuelle de Marivaux mais que j'avais enregistrée-, et aussi pas mal de ses films en tant qu'actrice (les votres, mais aussi ceux des autres, Belleville-Tokyo, Pourquoi tu pleures, Les grandes ondes), c'est dire que de l'amour pour elle j'en ai (on en a), et que ça a fait mal au coeur de voir le retour de manivelle critique bam dans la figure! par elle subi lors de la présentation du film à Cannes, et la façon dont ça a ôté l'envie de le voir à pas mal de gens.

Je reconnais -l'humain est grégaire- que je n'en avais moi non plus pas forcément très envie, l'amour incestueux n'étant pas forcément pour moi un sujet attractif (mais bon, dans Peau d'âne, il est question d'un roi qui veut épouser sa fille quand il se retrouve veuf, hein ?), alors puisqu'on le passait, j'ai fait l'effort.

Et j'ai bien fait.

("Effort" dont j'ai été récompensé, au générique de fin, qui se déroule sur le Midnight summer dream des Stranglers, un morceau que j'adore, et c'était comme si elle me faisait un clin d'oeil, avec son petit sourire mimi, en me disant "Tiens, tu vois, tu as bien fait de venir, ça c'est juste exprès pour toi!")

C'est vrai que, comme toujours chez elle, ça parle d'amour, mais pas de n'importe quel amour tout-venant ou comme chez tout le monde. Ici c'est l'amour entre un frère et une soeur, au XVIIème siècle. Waouh! Mais c'est aussi une histoire racontée, "plus tard", une nuit,  dans le dortoir d'un pensionnat de fillettes par une demoiselle en chemise de nuit, et illustrée avec la fausse naïveté stylisée d'un conte. Conte acidulé, fable pop, les premiers mots qui me sont venus à l'esprit. C'est vrai que j'ai pensé à Peau d'Âne (et les critiques aussi, visiblement) pour le traitement et la mise en images du récit (il me semble me rappelle avoir lu dans une de ses interviews que la référence l'agace). Chez Demy, il y avait une marraine bonne fée jouée par Delphine Seyrig ("J'épouse votre père, tout est arrangé...") grâce à qui tout allait bien, tandis qu'ici il y a un espèce d'oiseau noir de malheur, par qui justement tout va de plus en plus mal (de mal en pire, plutôt qu'en pis), le curé (joué par un Samy Frey des grands jours).

Et je pense que Frédéric Pierrot et Aurélia Petit devraient être engagés pour jouer les parents dans toutes les futures adaptations cinématographiques de contes de Perrault et consorts tellement ils sont parfaits dans leur(s) rôle(s). Mais ils ne sont qu'au diapason ("à l'aune" ai-je failli écrire) d'une distribution parfaite : autant on est habitué  à voir Jérémie Elkaïm dans un film de Valérie D. (et qu'on en est ravi), autant on est heureux d'y voir s'intégrer avec délicatesse Anaïs Demoustiers (dont je suis épris depuis que je l'ai vue se transformer en moineau chez Pascale Ferrand), comme avait pu le faire Valérie Lemercier dans le précédent Main dans la main. J'ai déjà évoqué le corbeauesque Samy Frey, mais je ne voudrais oublier ni Catherine Mouchet, ni Bastien Bouillon, ni Serge Bozon, ni Gérardine Chaplin en mère-duègne... un patchwork chatoyant de personnalités qui rehaussent encore l'éclat de ce récit fougueux et emballé comme le pur-sang qu'on voit galoper furieusement dans une scène du début.

J'ai beaucoup aimé (encore de l'amour, tiens) la façon dont c'est filmé, cadré, monté, musiqué tout ça. C'est le style-Donzelli, pur jus, et pourquoi donc s'ils l'avaient tant apprécié (et s'étaient tant pâmés) devant La guerre est déclarée, pourquoi ici ont-ils tous jeté le bébé (le frère et et la soeur) avec l'eau du bain, et l'ont-ils piétiné rageusement à la pointe de leurs escarpins vernis, ces pisse-froid de critiques, hein ? Les mots sont cruels en bas du classement : assommant et vain (positof), verbeux et atonal (poris-môtch) embarrassant (le novel obs), tandis qu'à l'autre bout, heureusement clignotent -tiens!- les louanges à la fois des Cahiaîs et des Zinrocks, incestueusement (presque) main dans la main et les yeux dans les yeux, pour une fois...

J'ai été très content d'apprendre que mon amie Zabetta (oui, celle qui a de l'entregent) était du même avis que moi. Et j'avais donc envie de le dire et le confirmer bien haut : Marguerite et Julien, comment c'était trop bien (excusez mon langage, j'ai vu Comment c'est loin juste avant -encore un sacré grand-écart de cinéma!-) J'ai déjà écrit fougueux, un peu plus haut, je pourrais écrire romanesque, passionné(l) incandescent (mais quel qualificatif pourrait décrire un récit comme Les hauts de Hurlevent ? C'est dans cet état-même que le film nous met, le furieusement fiévreux, (fiévreusement furieux?) mais nimbé, paradoxalement de toute la candeur inhérente à l'enfance. Même si c'est tiré de faits réels, c'est une belle histoire qui nous est narrée, un conte qui, en plus de la voix de celle qui nous le raconte, convoque toute la magie, les trucages, les effets, (du plus rustique au plus élaboré) pour en écheveler encore le lyrisme. Pour en décaler la vision. Un film en pop-up, avec des trucs qui se déplient, qui apparaissent, qui se transforment, des machins qu'il faut tourner, des languettes qu'il faut tirer, bref des effets parfois plutôt culottés pour encadrer/décadrer un récit plus solennel. Valérie D. ose. Et c'est important d'oser oser, quand on est cinéaste. Au risque de parfois se casser la figure au coin d'eune scène ou être juste sur le point de.

Et j'ai vu encore comme un clin d'oeil le fait qu'il se termine comme Chant d'hiver (de Iosseliani) commence : en chemise et en place de grève. Et tschack! Chant d'hiver que j'ai vraiment beaucoup aimé... L'amour, on y revient... Et la boucle est bouclée.

Oui, encore et toujours...

544209

 

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