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lieux communs (et autres fadaises)
20 janvier 2016

glamourissime

CAROL
de Todd Haynes

Ah, Todd Haynes. Loin du paradis, I'm not there, Safe...
Ah, Cate Blanchet (Blue Jasmine, re-I'm not there.)
Si je rajoutais Ah Patricia Highsmith je serais en partie malhonnête puisque, si effectivement j'ai adoré lire tous ses romans, Carol est le seul que j'ai zappé (je l'ai déjà dit, je suis un vieux pédé sectaire, les histoires entre femmes, contrairement à la majorité des hétéros, ne m'intéressent pas trop, oui je mériterais des gifles, je sais bien, n'est-ce pas Brigitte et Annick...)
Mais là, alors là, je ne sais pas pourquoi mais j'en ai eu soudain une énorme envie, de ce film. Et j'ai donc enchaîné, juste après Et ta soeur. Deux films de lesbiennes à la suite, ouah, vieillis-je ? C'était rigolo, dans le hall de mon Victor Hugo chéri, il y avait une majorité de femmes qui attendaient pour la séance en question, des vieilles, des jeunes, des seules, des en couple...

Et le film commence, et je soupire d'aise, tellement c'est exquisement, divinement même, filmé. Nous sommes fin 1952, les gens font leurs courses de Noël, Jingle bells, tout ça... Dans un grand magasin, une bourgeoise en manteau de fourrure cherche un cadeau pour sa fille... Une grande blonde à la coiffure impeccable et au rouge à lèvres sublime, qui discute avec une jeune vendeuse brune affublée d'un bonnet de Père Noël... Et ce qu'elles ne se disent pas est bien plus éloquent que leur tractation "officielle" de cliente à vendeuse. Des regards, un petit signe de la main en repartant, une paire de gants oubliés sur le comptoir, et c'est parti(e)... (Ce n'est pas tout à fait la scène de début du film, mais c'est celle qui a donné naissance à leur relation.)
Je le redis, c'est divinement filmé. Dans cette Amérique des années 50 minutieusement (somptueusement) reconstituée, l'histoire de Carol et Thérèse va se dérouler en flash-back (on les a vues attablés au Ritz au tout début du film, et c'est là que le film les retrouvera, dans cette même scène, juste sous un autre angle, à la fin ou presque), tandis que Thérèse roule en taxi, et qu'on aperçoit juste son visage songeur, derrière une vitre embuée engouttée (moi aussi, quand je photographie, j'adore les gouttes sur les vitres).

Une histoire d'amour, du début à la fin (ou presque...). Carol est en train de divorcer, et son mari Harge aimerait bien la "récupérer", tandis que Thérèse est sur le point de dire oui à son soupirant et au mariage qui va avec... Chacun des deux hommes voit d'un assez mauvais oeil la naissance de cette relation, puis son enracinement, sa floraison. De visites en rendez-vous, Carol va finir par proposer à Thérèse de l'accompagner en voyage "quelque part, vers l'ouest...". Automobile, chambres d'hôtel ou de môtel, salles de restaurant, on voyage avec elles, on dine avec elles, et on est invité à assister à leur recontre "au sens biblique du terme" (je sais, ça n'est pas la métaphore ici la plus appropriée... Y a-t-il des lesbiennes dans la bible ?), tout en peau contre peau, en soupirs fiévreux et en draps froissés, c'est plutot soft et élégant (on n'est pas dans La vie d'Adèle et ses prothèses vaginales...). Mais l'amour au cinéma est pour moi bien plus affaire de suggestion que d'organes. Plus de mental que d'organique. Cate Blanchett et Rooney Mara y sont plus que parfaites, inutile de le préciser, et pas uniquement lors de cette cette scène, bien sûr.

En ce temps-là, on ne rigole pas avec les amours contre nature. Pas facile à exprimer ni à exposer en grand format et aux yeux de tous. D'où une série de variations sublimes de cadrages (dé- et re-, et même sur-) élégantissimes qui resserrent l'espace sur les personnages en ne leur octroyant souvent que le minimum requis. Elégant, glamour, raffiné, soigné, ce sont toujours les mêmes adjectifs qui me reviennent, mais le film est bien plus qu'une succession de cadrages réussis. Le lien entre ces deux femmes, (si intense malgré leurs différences, âge, rang social, expérience) y est décrit avec acuité, avec attention, avec précision, et Todd Haynes nous livre un double portrait féminin d'une belle force. L'une et l'autre. L'une par l'autre. A tel point que je me quasi-thérésifiais : plus le film avançait, plus je m'identifiais, plus j'avais envie de Cate Blanchett, de respirer son parfum délicieux, de son lipstick parfait, de sa façon de fumer, de son martiny dry avec olive, de sa conduite, de son regard. J'aime cette idéalisation d'un être que provoque l'amour qu'on lui porte. Et la force des certitudes que peut induire un premier regard, un premier échange de regards...

Mais tout n'est pas qu'amour en ce monde (surtout ce monde new-yorkais de 1953) et Todd Haynes se plaît à nous le rappeler constamment au fil de son récit : disputes (conjugales ou extra), avocats, clause de moralité, détective privé, constat d'adultère, obligation de soins, psychotérapeuthe... la procédure de "reconquête" engagée par son mari sera sans merci pour Carol (et sans pitié pour Thérèse).

Mais. A moins que. (Vertige de l'amour...)

Le film, à Cannes 2015, a rapporté un prix d'interprétation à Rooney Mara, et les deux femmes sont à cette heure encore en lice pour les Oscars...

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