Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
lieux communs (et autres fadaises)
16 août 2016

le bortch et la chorba

SIERANEVADA
de Cristi Puiu

Je n'ai pas pu attendre jusqu'au 31 août, date à laquelle nous le programmerons dans le bôô cinéma. Trois heures de Cristi Puiu, imaginez l'aubaine. J'ai déjà dit tout le bien que je pensais du cinéma roumain en général, et de celui de Cristi Puiu en particulier. Depuis La mort de Dante Lazarescu, cet intérêt ne s'est jamais démenti, bien au contraire. Déjà ce que j'aime chez lui c'est la longueur. Dante ne faisait "que" 2h40, tandis qu'Aurora et celui-ci frisottent les trois heures (un tout petit peu plus, un tout petit peu moins...).
Trois heures (ou presque) dans un lieu unique (un appartement) exceptées deux scènes dans la rue (dont une scène d'ouverture roumainement parfaite) et deux autres dans une voiture (la même, d'ailleurs, et avec les mêmes personnages, mais symétriquement, une au début et une à la fin). Un appartement où s'est réunie toute la famille pour un dernier hommage à Emil, le patriarche, suivant les rites orthodoxes. Il s'agit d'un repas, mais pour que le repas ait lieu il faut d'abord que le pope passe faire sa bénédiction (et que le fils mette le costume du défunt, comme le veut la tradition). Sauf que le costume n'est pas à la bonne taille, et que le pope n'en finit pas de ne pas arriver...
J'adore le cinéma roumain dans ce genre de performances délicieusement claustrophobiques (l'appartement n'est pas très grand, et la caméra se tient souvent dans l'entrée, autour de laquelle sont distribuées les autres pièces, chacune derrière sa porte (ouverte ou fermée), entre laquelle vont et viennent les personnages). Tour de force, performance, même si on en a déjà fait l'expérience (et pas seulement chez Puiu : Mardi après Noël, Papa vient dimanche, Mère et fils... les réalisateurs roumains aiment filmer dans des appartements) mais on adore toujours autant ça. Il serait quand même question de virtuosité, dans la prise de vues et l'agencement des plans de cette caméra d'entomologiste où on observerait les papillons et autres bestioles de très près avant ou juste au moment de l'épinglage. Pas mal de monde circule dans ce petit appart, mère, frères, cousins, épouses, tantes, beaux-frères, passe de pièce en pièce, en attendant que ce sacré pope arrive. On met un certain temps à comprendre qui est qui, qui parle (ou ne veut pas parler) à qui, qui affronte qui, qui réconforte qui, et on suit passionnément les crirconvolutions (les circonlocutions ,) de cette saga familiale
Oui, j'adore le cinéma roumain, (et celui de Cristi Puiu), dans le rapport aigu qu'il entretient avec le réel, le dit, le visible (le "trivial" pourait-on dire, presque, l'essence de la vie). Et le ton qu'il emploie. des situations inconfortables sont traitées sans pleurnicherie, avec toujours cette distance -parfois minuscule- de l'humour. A plat, à froid. (j'ai réalisé que, par exemple, je ne pleure quasiment jamais devant un film roumain). On pourrait presque parler de sécheresse, mais il vaudrait mieux y regarder à deux fois. Un film roumain est toujours beaucoup plus en réalité que ce qu'il a l'air d'être.
J'aime cette lucidité, cette rigueur, cette apparente objectivité du constat, qui peut parfois faire froid dans le dos (la scène de l'altercation à propos de la place de stationnement). Et cette façon de "s'instruire en s'amusant, s'amuser en s'instruisant" -comme dirait mon ami Philou- : la différence entre le bortch et la chorba, les rites funéraires orthodoxes -joli moment choral à tous les sens du terme-, l'existence de Carref*ur(s) en Roumanie, les attentats du 11 septembre -et celui contre Charlie-Hebdo- vus depuis là-bas, la diversité des héroïnes de D*sney et la précision de leurs costumes (déjà, Aurora s'ouvrait par une longue discussion entre marie et femme à propos de Blanche-Neige...) et bien sûr bien sûr, mijotant et recuisant comme dans la marmite sur le gaz, les histoires de famille, tiraillements, engueulades, reproches, amertumes,interrogations,  explications, colères, et même fou-rires (c'est d'ailleurs là-dessus que le film se clôt.)
(Et qu'on se demande, d'ailleurs toujours pourquoi il s'appelle comme ça...)
Oui, j'adore.

037850

l'affiche "version vide"

533264

et l'affiche "version pleine"...

Commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 384 568