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lieux communs (et autres fadaises)
1 novembre 2016

bakchich et mcguinn

"Le chien se payait du bon temps.
Le fait est, quand on est un labrador retriever - c'est qu'on est né pour le fun. Il est rare que votre mental loufoque et indépendant s'encombre de méditation transcendentale et jamais, au grand jamais, d'idées noires ; chaque jour c'est le pied. Que demander d'autre à la vie ? Bouffer, c'est la fête. Pisser, un délice. Chier, la joie. Et se lécher les couilles ? La félicité suprème. Et où que l'on aille, plein d'humains crédules vous caressent, vous serrent dans leurs bras, tout à vos petits soins.
Donc le chien s'éclatait un max à marauder en break avec Twilly Spree et Desirata Stoat. Son nouveau nom ? Super. Mcguinn, c'était super. Bakchich, c'était bien aussi. A vrai dire, Le chien n'en avait rien à battre de comment on l'appelait ; il aurait répondu à n'importe quel nom."Viens voir ici, Face de Cul, c'est l'heure de la bouffe!" - et il aurait été en extase, sa queue en matraque frétillant tout autant. Il ne pouvait s'en empêcher. Les labradors sont mus par la philosophie que la vie est trop brève pour la passer à autre chose que s'amuser, faire des bêtises et se livrer à leurs pulsions charnelles spontanées.
Palmer Stoat lui manquait-il ? Impossible de le savoir, la mémoire canine est plus avide de sensations que sentimentale ; plus approvisionnée en odeurs et en sons qu'en émotions. Le cerveau de Mcguinn porterait à jamais l'empreinte des cigares de Stoat, par exemple, et des cliquetis résultant de ses difficultés avec la porte d'entrée quand il rentrait tard, fin soûl. Tout comme il se rappelait ces aubes frisquettes dans l'affût aux canards, quand Stoat essayait encore d'en faire un retriever digne de ce nom - le volettement affolé des oiseaux, le pan-pan-pan des fusils, le timbre des voix d'hommes. Logés aussi dans la banque de mémoire de Mcguinn, on trouvait le moindre sentier qu'il avait parcouru, le moindre matou qu'il avait coursé jusqu'à un arbre, la moindre jambe qu'il avait essayé de tringler. Quant à savoir si la compagnie de son maître lui manquait pour de bon, qui aurait pu le dire ? Les labradors ont tendance à vivre l'instant présent, exclusivement, joyeusement, en oubliant tout le reste.
Et pour le moment Mcguinn était heureux. il avait toujours aimé Desie qui, chaleureuse, l'adorait et dont l'odeur était absolument grandiose. Quant au jeune costaud, celui qui l'avait emporté de chez Palmer Stoat sur ses épaules, il était amical, attentionné, et, sur le plan fumet, tolérable. Quant à l'épisode morbide du chien dans la malle-cabine - eh bien, pour Mcguinn, l'incident était déjà clos. Loin des yeux, loin du coeur. Tel est le credo du labrador."

(Carl Hiaasen "Mal de chien")

Je n'ai pas pû m'empêcher de vous recopier ces deux pages, juste pour vous donner une petite idée du héros noir et poilu (et à quatre pattes) de ce roman de Carl Hiaasen (le neuvième, déjà!) que je viens juste de terminer, et qui m'a tout autant réjoui que les précédents... Ce mec, vraiment, je l'adore. Enfin, plutôt, ses romans, je les adore (et encore un immense merci à Jean-Marc Laherrère et à son blog Actu du noir, sans qui je serais à jamais passé à côté de ces bonheurs de lecture!)
Il doit m'en rester encore quatre à lire (L'arme du crocodile, Strip-tease, Presse People et Fatal song), alors, savourons...

https://pictures.abebooks.com/isbn/9782266119061-fr-300.jpg

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