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lieux communs (et autres fadaises)
22 novembre 2016

radicaux libres

APNÉE
de Jean-Christophe Meurisse

Celui-là, je l'attendais de pied ferme. Ces trois-là, plutôt (deux mecs et une nana) qui déboulent en robe de mariée avec fracas dans la scène d'ouverture du film, face à un maire à qui ils vont rapidement faire ses moyens. parce qu'ils veulent se marier, ensemble tous les trois, et que ça n'est pas prévu par la loi ("On vous parle d'amour, et vous nous parlez de loi..." lâche la demoiselle, passablement agacée). Ca démarre fort, avec cette porte qui claque et ces trois robes de mariés. Le la est donné. Qui permettra éventuellement de chantonner ensuite puisque s'ensuit ex abrupto une scène de patinage à poil, à trois toujours (un bonheur pour l'oeil, QV obligent) sur je ne sais plus quelle saison de Vivaldi (et c'est vachement mieux comme ça que de le subir sur le répondeur d'une administration quelconque, non ?) , suivie  d'une visite d'appartement exigu (de gourbi, plutôt) à quatre cette fois, avec vendeur en sueur, que notre trio va tenter de circonvenir (non, non, pas de circoncire, relisez). Puis on change d'endroit pour une scène de baignoire (à trois bien sûr), mais en vitrine d'un magasin, dans une rue passante (avec conversation fort civile, -dans la baignoire toujours- sur les préférences sexuelles de chacun(e) -que pensez-vous du doigt dans le cul ?- )
Nos trois tourtereaux (Céline Fuhrer, Thomas Scimeca, Maxence Tual, également magnifiques)  continuent donc leur petit bonhomme (et petite bonne femme) de chemin iconoclaste, libertaire, jem'enfoutiste.... Au fil des rencontres et des échanges qui s'ensuivent (certains fonctionnant mieux que d'autres). Sur des sentiers pas trop balisés jusque là dans notre cinéma français cocorico. Ca part dans tous les sens, ça tire dans tous les coins, de ci de là, cahin-caha, va chemine va trottine va petit âne (à chanter, bien sûr). Cour d'école maternelle, bureau de banque, quad sur les routes de Corse, apéro en bord de route avec les flics, village abandonné.... Et nous, on y va. Entre coq-à-l'âne et cadavre exquis, on trottine sur leurs talons, (ils cherchent toujours à se marier, voilà le -parfois lâchement détendu- fil conducteur, (ou, mieux, déconstructeur). Et ils y parviendront d'ailleurs -avec Olivier-Martin Salvan en maire (presqu'étonnamment "raisonnable", quand on connaît le lascar...) -
Jean-Christophe Meurisse (le réalisateur) a crée la compagnie (théâtrale) des Chiens de Navarre, à laquelle appartiennent nos trois héros, et le film, si j'ai bien compris, en est la transposition cinématographique. Improvisations collectives. On a un point de départ, une proposition  (un lieu, une phrase, un personnage, une situation) et on joue. On y joue, on en joue, on se renvoie la balle, on rebondit, des fois ça se combine miraculeusement bien, des fois c'est juste une étincelle et puis pffft ça fait long feu, et d'autres fois encore on rame, on essaie de tenir la distance mais ça ne fonctionne pas tout à fait... Il y a tous les cas de figure dans Apnée qui bout-à-boute ses vignettes (tout ça aurait un peu à voir avec la bande dessinée), et chacun(e) y trouvera c'est certain des choses qui lui plairont beaucoup beaucoup et peut-être d'autres moins.
Et puis le rythme. C'est comme la vie, finalement, on ne saurait être tout le temps au top, ou à donf, ou à fond de cale, il faut savoir (être capable d') accepter les modulations de l'énergie, de l'intérêt qu'on y porte, du plaisir (ou dé-) qu'on peut y prendre . Mais c'est la succession des moments et des situations (et leur interaction) qui produit l'énergie folle à laquelle le film carbure. Apnée est un générateur (de folie) de secours, qui pétarade et fait parfois de la fumée noire, mais qui génère -justement- un plaisir fou. Les Cahiaîs (avec lesquels, tiens, pour une fois je suis d'accord) lui trouvent une accointance avec le Peretjatko de La fille du quatorze juillet (que j'ai détesté) et de la loi de la jungle (que j'ai mieux aimé), et l'apparenteraient donc avec le "new burlesque à la française". Soit.
C'est vrai que le film est difficile à ranger précisément dans une case, un genre précis, une définition, il y a toujours un bout qui dépasse, qui accroche. Oserait-on parler de  "nouveau surréalisme" (ou créer une nouvelle case, celle du sous-réalisme ? ou, mieux encore, uber-réalisme ?)
En tout cas, tout cinéphile patenté et dûment certifié ne peut pas, en voyant apparaître l'autruche dans les rayons du supermarché, ne pas penser à la même (enfin, sa grand-mère voire même arrière-grand) qui clôturait Le fantôme de la liberté, de Luis Buñuel (autre joyeux agité/allumé/déconstructeur) et avait même eu à l'époque les honneurs de faire la couv de Pozitiff. Bigre! Un grand bonheur de cinéma, donc. Avec une étoile supplémentaire pour la justesse (et l'évidence) de ses choix musicaux, toujours percutants.
Et l'on est en droit, à ce moment, de reprendre son souffle...

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