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lieux communs (et autres fadaises)
11 avril 2017

chasse au sanglier

085
CITOYEN D'HONNEUR
de Mariano Cohn et Gastón Duprat

Un film brillantissime (le genre où je jubile d'un bout à l'autre), par le tandem de réalisateurs qui nous avaient offert le déjà drôle et grinçant L'homme d'à côté.
Un écrivain argentin nobélisé, qui a fui son village natal  40 ans plus tôt pour s'installer en Europe, se voit proposer d'y retourner quelques jours pour en être nommé "citoyen d'honneur", avec tout le florilège de cérémonies, commémorations, conférences, inaugurations, embrassades et interviews qui vont avec. Des retrouvailles "officielles" en grande pompe, donc, et en toute fausse simplicité (le personnage est quand même présenté dès le départ comme assez puant, et aime bien se la jouer "grand homme qui a su rester simple".) comme un engrenage dans lequel il accepte de mettre son doigt (manucuré, on l'imagine). Mais qui dit engrenage...
Il a fini par accepter l'invitation, et débarque donc à Salas, le fameux village. Enfin, d'abord à l'aéroport où "on" vient le chercher -en toute discrétion- pour l'y conduire, mais le "on" en question va avoir quelques problèmes mécaniques, et l'arrivée ne se fera pas du tout aussi discètement que prévu.
Le calendrier de notre homme est bien rempli, pour ces quatre jours, d'autant plus qu'il va y avoir affaire à son passé (tous ces gens qu'il laissa quarante ans auparavant, et dont on apprend qu'ils furent l'unique source d'inspiration de ses différents bouquins) il va se les (re)prendre de plein fouet, et devoir y faire face, l'un après l'autre, entre bonne figure et grise mine. La condescendance qu'il éprouve tout d'abord envers "ces ploucs" (personne ou presque ne semble trouver grâce à ses yeux) va évoluer subrepticement vers autre chose, dans un récit que les deux réalisateurs mettent en place et fragmentent avec beaucoup d'intelligence. Le film, comme son personnage principal, avance masqué, et le spectateur est tiraillé, chatouillé, forcé de modifier constamment sa mise au point, d'ajuster son regard, sa façon de voir, au récit qui louvoie et sinue. Je parlais d'engrenage, on pourrait tout aussi bien dire mécanisme, tant tout ça est diaboliquement construit. jusqu'à une très habile scène finale qui pourrait tenir de la pirouette ou du salto arrière (ça dépend de l'agilité -mentale- du spectateur) tant elle vous oblige à vous triturer rétrospectivement les méninges.
Ce citoyen d'honneur est d'autant plus attachant qu'on fonde au départ très peu d'espoir sur lui, et qu'il va évoluer au fil de l'histoire qui nous est contée (ça, il ne faudrait jamais le perdre de vue) pour tenter de nous démontrer qu'il n'est pas le fieffé salaud que d'aucuns ont pu penser.
C'est minutieusement construit, c'est drôle, c'est grinçant, et c'est réjouissant pour le spectateur de voir comment, plus le film avance et plus les choses vont de traviole (plus on s'immerge, comme notre "héros", dans la cambrousse, dans le passé, dans la paranoïa, voire dans l'épouvante) et que, finalement, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Mais peut-être que si.
Car il sont très forts, ces deux-là, à réussir à nous faire rire aussi intensément qu'ils peuvent nous faire flipper, ou nous surprendre, ou même nous émouvoir (le départ pour la chasse au sanglier). Un film très superlatif, en somme.
Très recommandable, donc.

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