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lieux communs (et autres fadaises)
28 janvier 2021

poulailler 26

LE DERNIER JOUR DU JEÛNE
de, mis en scène par, et avec (entre autres) Simon Abkarian

Ah... Simon Abkarian. Il y a longtemps que je l'aime. dès sa première apparition au cinéma (Ce qui me meut, de Cédric Klapisch, en 1989), et j'ai vu ensuite la plupart des films où il jouait, toujours avec le même plaisir de le retrouver (même si son personnage émarge souvent, au départ, au registre des malfrats, gangsters, et autres voyous, il va ensuite, heureusement, connaître de belles échappées (chez Deville, chez Ronit et Shlomi Elkabetz, chez Cédric Klapisch, encore, chez Robert Guediguian), prouvant qu'il peut tout jouer ou presque.
Je connaissais mal (ou très peu) son activité théâtrale (il écrit, il joue, il met en scène, et a obtenu trois molère en 2020 -celui de l'auteur francophone vivant, celui du metteur en scène d'un spectacle de théâtre public et celui du théâtre public pour sa pièce Electre des bas-fonds), et voilà que Téléramuche, il y a quelques jours, me conseille de voir Le Dernier jour du Jeune (disponible encore plusieurs mois sur France Télévision ()) dont je découvre (sérendipitons...) qu'il fait partie, avec L'envol des cigognes d'un dyptique, Au-delà des ténèbres (8h avec entractes) qui a été joué chez Ariane Mnouchkine.
Mais je ne savais pas tout ça quand j'ai commencé à regarder la captation (très réussie) de ce Dernier jour du Jeûne. Ca commence, micro-décor réaliste au milieu du plateau, avec un monologue d'une femme qui se présente comme "la folle", suivi de l'apparition d'Ariane Ascaride, (que j'étais étonné d'entendre parler avec l'accent marseillais), en mère de famille et de ses deux filles (aux tempéraments très différents), puis de leur jeune frère... Le père (Simon Abkarian) apparaîtra plus tard.
Une histoire de famille, avec l'accent du midi (comme dirait Gérard Lefort "qui sent bon la farigoulette") mais, à écouter ce qui se dit (ce qui a été écrit par Simon A.) on est, très vite, fortement impressionné par la puissance de sa langue, la richesse des métaphores, le lyrisme des envolées, et la crudité du langage aussi, et c'est comme si Pagnol s'inclinait devant Shakespeare, avec un indéniable parfum de tragédie grecque,  bref par la force évidente de l'ensemble (ce qui fait que j'ai commandé illico le texte de la pièce, publié chez Actes Sud Papiers) qui sera encore transcendée par l'ensemble de la distribution (elles/ils sont tous extraordinaires, et j'ai découvert, avec surprise, en lisant la distribution qu'une même actrice interprétait deux personnages..).
Si le démarrage pouvait laisser appréhender une pagnolade boulevardière, la suite nous prouve que non. Bien au contraire. Dès la première transition entre deux scènes, qui se fait à vue et en lumière bleue avec déplacement des modules du décor, avec l'accent (!) mis au premier plan sur un personnage avec douche de lumière blanche en train de danser, on se dit que ça devient diablement intéressant, on est happé, harponné, et on le restera jusqu'à la fin. Scotché. Devant cette "tragi-comédie de quartier" (comme la définit son auteur). Dont je ne vous dirai rien de plus, pour vous laisser le plaisir de la surprise...

*

"Vava : Le démon qui a dessiné ton esprit n’a pas signé son oeuvre, pourquoi à ton avis ?
Nouritsa : Parce qu’il a honte pardi !
Sandra : Parce que celui qui a dessiné ton masque il a signé peut être ?
Vava  : Et d’abord, de quoi est-ce que tu parles toi ? Tu ne connais les hommes que par les récits. Tant que la queue d’un homme n’a pas frétillé dans l’antre de ton ventre, tu ne peux rien dire. Et je te parle d’une bonne bite en chair et en chair, généreuse, gorgée de vie et de sang, non pas d’un objet contendant que tu t’enfiles d’une main coupable.
Astrig : Pourquoi tu dis coupable ? Le désir de la femme a ses propres mystères, il n’a pas de conscience, ni de morale.
Sandra  : Laisse, Madame a fait la faculté des sciences du cul. Donne-moi l’adresse, j’irai m’inscrire.
Nouritsa  : Bon, quand vous aurez fini le colloque des ventres libres, on pourra se mettre au travail ? Astrig, sur le toit tu ramasses le linge. Zéla et Sandra vous épluchez les oignons, quant à toi Vava tu rentres, tu te changes et tu reviens avec ton fils. Ne me regarde pas comme un cyclope des cavernes. C’est aujourd’hui ou c’est pas aujourd’hui que vous venez nous parler ?
Vava  : Et parler de quoi ?
Nouritsa : De ton cul sur la commode. De venir cueillir la rose de notre jardin !
Astrig  : Quoi ?
Nouritsa : Astrig ! En quelle langue je te le dis ? Va ramasser le linge !
Astrig sort furieuse. Zéla va chercher les oignons.
Nouritsa : Moi je vais chez le boucher chercher la viande. Elle crie vers la chambre de son mari. Théos, je vais chez le boucher, ton café est prêt !
Vava  : Oh putasse avaleuse de verge ! Le boucher, j’ai oublié la commande. Je peux téléphoner ?"

*

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"Que s’abstiennent également les amateurs de solutions faciles, les viragos du genre et les défenseurs d’une parité bienséante ! Comme Cézanne revendique une "peinture couillarde" en regrettant au milieu des salonards parisiens son bastidon et le vin de Provence, Abkarian ose un théâtre couillard : le Grand Siècle, mieux policé, eût appelé cela un théâtre du cœur. Et du courage et de la philanthropie, il y en a chez Theos et les siens ! Que l’on offre sa fille à l’étranger, marchand de musique ambulant, que l’on coupe les pouces de celui qui cogne sa femme, que l’on tue celui qui a violé sa fille. Voilà le paradoxe revenu de cette pièce complexe au propos si profond. Abkarian n’est pas politiquement correct, mais l’authentique justesse avec laquelle il décrit la situation faite aux femmes et la phallocratie imbécile dépasse les catégories de la morale au cul pincé. L’humour et la lucidité des exploitées sont aussi efficaces que leurs discours revendicatifs, et la bêtise et la méchanceté des hommes sont poignantes et hilarantes." (Catherine Robert)

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Commentaires
C
Aaaaaah ! (soupir de satisfaction) ça me fait grand plaisir que ça t'ait plu aussi
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M
je confirme que c'est une parenthèse enchantée! je suis restée scotchée aussi!
Répondre
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