deux gg pour le prix d'un
032
MAIGRET
de Patrice Leconte
L'affiche est claire : un fond gris-verdâtre sur lequel se découpe une silhouette reconnaissable, un nom, MAIGRET, (mais ç'aurait pu tout aussi bien être DEPARDIEU) pour ce nouveau film de Patrice Leconte, lancé à grand renfort de battage publicitaire. (On en a parlé par-tout!). Adaptation de Maigret et la jeune morte, le film installe au centre de son dispositif un Maigret démesuré mais tout en retenue, face au cadavre ensanglanté d'une jeune fille en robe de soirée que personne ne semble vouloir (re)connaître, dans une ambiance délicieusement surannée (années 50 ?), au sein de décors aux couleurs tristounettes, atones. Tout est joliment en place, joliment reconstitué, les dialogues joliment ciselés, l'intrigue joliment chantournée, et donc on est en droit d'être, nous spectateurs, joliment satisfaits. Depardieu nous la joue placide, en retenue, à demi-voix, et on ne peut pas s'empêcher d'être impressionné par la bête... On a plaisir aussi de retrouver Elizabeth Bourgine, André Wilms, Aurore Clément, de noter des répliques plaisantes ("Quand on commence une enquête au blanc, on la finit au blanc..."), de se dire que, plus que Maigret, on voit Depardieur qui joue (à) Maigret, et qui réussit, en jouant a minima, oui qui réussit encore à nous toucher... (mais à savoir s'il apporte une valeur ajoutée à ce Maigret, c'est une autre paire de manches, hein...)
033
ADIEU PARIS
d'Edouard Baer
Les hasards de la programmation font qu'on aura vu consécutivement deux films avec Depardieu : un film où il est au centre, et l'autre à la périphérie...) Dès le début on a le sentiment de quelque chose qui ne va pas. On dirait que le film n'est pas projeté au bon format, tant certains cadrages sont problématiques, et coupent, par exemple, le haut de la tête des personnages (gênant) surtout dans les scènes au bar, puis on se dit que ça a peut-être été filmé comme ça...).
Les personnages, ensuite. Benoît (Poelvoorde), qui interprète un acteur belge prénommé Benoït (lui-même donc ?) est convié à un repas à la Closerie des Lilas, qui se tient rituellement chaque année avec le même groupe de vieux amis plus un "nouveau", et cette année c'est lui le nouveau. Avant lui sont arrivés d'autres invités (on reconnaît Jackie Berroyer, Bernard Lecoq, Daniel Prévost, Pierre Arditi, François Damiens, (face au patron du lieu interprété par Jean-François Stévenin), qui eux portent d'autres prénoms que le leur "vrai" (et font autre chose que le métier qu'on leur connaît, ce sont donc des personnages de fiction). Qui se retrouvent et discutaillent au bar (en étant ,je l'ai ditplus haut, plus ou moins bien cadrés). Finit par arriver Benoît, un peu alcoolisé, qui fait une entrée fracassante qu'il pense drôle mais qui laisse les autres sans voix (ce qui pourrait être reposant), excepté Pierre Arditi qui se met à lui hurler dessus en refusant absolument qu'il déjeune avec eux dans ce même restaurant...
Et on commence à penser à un mot : "embarrassant". C'est non seulement filmé -et raconté- à la va-comme-je-te-pousse, mais ça l'est également joué. Excepté Jackie Berroyer qui compose un personnage déboussolé et joliment lunaire, les autres vocifèrent éructent ricanent en font des tonnes...
Le spectateur, lui, se dépite. Au bout d'une demi-heure de ronchonnements (internes) divers, on envisagerait presque de se lever et de quitter la salle tant on se dit qu'il n'y aura décidément rien à tirer de ce salmigondis. Non seulement ça n'est pas drôle, mais ça en deviendrait même presque pathétique. Voire gênant. On pourrait être dans un genre (très) daté de théâtre de l'absurde (puisque huis-clos il y a), mi-Beckett (puisqu'on attend un certain Michael -joué par Depardieu- qui jamais ne viendra) et mi disons Ionesco, puisque les acteurs jouent et parlent chacun pour soi, comme s'ils venaient de tirer chacun dans un chapeau un thème pour une joute d'improvisations (et chacun en roue libre dans son histoire, ça fait beaucoup de roues pour un seul -et cahotant- attelage...), et n'avaient pour mission que de clouer le bec à leur(s) partenaire(s). Et les rebondissements de l'action eux-aussi semblent participer du même tirage aléatoire de thèmes dans un chapeau.
Pendant un assez long moment la consternation va croissant, on en est même doublement désolé, eu égard au capital-sympathie qu'on a pour le réalisateur, on sortirait presque son téléphone pour savoir combien de temps il reste, on soupire, on renâcle, et soudain -oh!- on a sous les yeux une jolie petite scène qui fait mouche, qui tombe juste, qui tombe un peu le masque, et on en est d'ailleurs tout surpris, mais la grosse artillerie repart tagada tagada sur ses ses grands chevaux de vieux cons, jusqu'à ce que ting! en voilà encore une autre, de petite scène qui non seulement est juste mais nous touche... et ce sera comme ça jusqu'à la fin, un vaste torrent de n'importe quoi(s) où le tamis apportera régulièrement à la lumière quelques pépites... Des étincelles (bienvenues) dans l'obscurité d'un magma narratif... Au sein duquel apparaît même le réalisateur (qui interprète un personnage nommé Edouard qui donc doit être aussi, comme pour Benoît, au début, peut-être lui-même), qui s'amuse au bar quelques instants avec, justement Benoît, avant de décider d'aller manger ailleurs... (ce qu'on avait un peu envie de faire...)
Il y aurait dans tout cela comme des airs de Blier (celui, misogyne et pas finfin -excessif- de Calmos) mais pas vraiment bien assimilé. Régurgité. Et ce pauvre japonais (Yoshi) au centre du dispositif ne semble pas vraiment savoir ce qu'il est censé y faire... Bref, peut-être ne serait-on pas si loin d'une version "bis" de Maison de retraite (que je n'ai pas voulu aller voir à cause de Kev Ad*ms)...