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lieux communs (et autres fadaises)
4 mars 2022

1988

034
VITALINA VARELA
de Pedro Costa

Un film particulier, surtout qu'on en a (re)vu deux fois les dix premières minutes (L'image au départ était tellement grande... qu'on ne voyait pas les sous-titres! On a donc recommencé, mais au bon format cette fois). Un film d'obscurité, de ténèbres, de nuit, d'orage. Un "objet", un dispositif, qu'on pourrait qualifier de "à l'extrême bord du cinéma". Une forme.
Vitalina Varela c'est le titre du film, c'est le nom de son personnage principal, et celui aussi de la femme qui l'interprète... Comme il l'avait fait avec les Straub/Huillet en plein montage dans Où git votre sourire enfoui ?, et avec les Balibar/Burger en plein enregistrement dans Ne change rien, Pedro Costa centre son film sur ce beau personnage (ici, de femme), s'y attache, tourne autour, ne le lâche plus.
Le film est d'une perfection formelle parfaitement sidérante. Un univers très sombre, opaque, étouffant (la plupart du temps ; il faudra attendre la toute fin pour apercevoir, quasiment, la lumière au bout du tunnel) lugubre, mortifère, et chacun des plans amoureusement composé (et admirable en tant que tel) vient comme une déflagration sensorielle et/ou émotive.
Vitalina Varela vit au Cap-Vert, son mari a fui au Portugal (l'a abandonnée) des années auparavant, et voilà qu'il est mort. Vitalina a pris l'avion, mais est arrivée trop tard. Trois jours après son enterrement. La voilà donc débarquant (gros plan -très épuré- de son pied nu en bas de la passerelle) au Portugal, seule ("il n'y a rien ici pour toi"), qui va rencontrer le prêtre qui a célébré l'enterrement de son défunt mari (dont certains disent, au début du film "que c'était un sacré fils de pute..."), prêtre un peu angoissant (j'ai pensé aux zombies dans les films de Tourneur, et aussi à l'inquiétante étrangeté chère à Sigmund F.).
Le film est long (plus de deux heures) austèrement magnifique (et magnifiquement austère) et peut, parfois inciter un peu à rêvasser (comme dirait Dominique), comme on peut (on en a le droit) penser à autre chose en contemplant une image splendide. "C'est bien mais c'est spécial...".
J'ai été très admiratif même si parfois un peu vagabondant (on ne comprend pas forcément du premier coup tout ce qu'on voit, même si c'est -je le répète- formellement parfait. (le travail sur la lumière, la composition des plans, tout est beau à tomber).
Pedro Costa a fait de la vie de Vitalina Varela un livre d'heures (la religion y est très présente, en tant que cérémonial, cérémonie) somptueux, et transfigure son héroïne en icône cinématographique.
Un film qui sollicite constamment votre attention, laisse votre oeil se laisser accaparer par l'extrême acuité de sa perfection plastique, comme enluminant -paradoxalement en l'obscurcissant- la vie dure de ces gens simples ("misère noire")  et le parcours de cette femme extraordinaire. Sidérant.

3653219

Festival de Locarno 2019 • Léopard d’Or du Meilleur Film & Léopard de la Meilleure Actrice

 

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