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lieux communs (et autres fadaises)
14 septembre 2023

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FERMER LES YEUX
de Victor Erice

Ca y est! on l'a eu! On a fini par l'avoir! Le dernier film de Victor Erice, présenté à Cannes 2023 (dans une section parallèle plutôt qu'en compète, ce qui avait d'ailleurs un peu irrité le réalisateur), un réalisateur espagnol que j'aime tout particulièrement : trois longs métrages en vingt ans : L'ESPRIT DE LA RUCHE (1973), LE SUD (1983), et l'extraordinaire (et très chéri) LE SONGE DE LA LUMIERE (1992), suivi de l'exposion Erice / Kiarostami "Correspondances" à Beaubourg (2007), et, ensuite,  presque plus de nouvelles...
J'étais donc un peu ému en début de séance. Déjà, le fait d'entendre parler español, ça me fait du bien, c'est comme ça. Comme si je me sentais soudain irrigué. Réhydraté, oui. En terrain de connaissance(s) et d'émotion(s). Je me suis d'ailleurs entraîné un moment à regarder le film sans les sous-titres, et (hmmm kmmm) je m'en sortais plutôt pas mal...
Le film dure presque trois heures (et, contrairement à ce que m'a dit une copine spectatrice en sortant, "je n'ai pas du tout ressenti de longueurs", mais c'est vrai que, comme je le lui ai précisé, "sur le coup, je n'étais pas objectif...") et c'est très bien comme ça. d'autant plus que c'est filmé très simplement, neutrement presque, sans virevoltages ni chichis ni effets. Juste de beaux plans-séquences avec, régulièrement, pour les clore, des fondus au noir, plus ou moins rapides.
Le film commence par un film (un film dans le film, mais on ne le sait pas encore) un "film d'aventures", comme le décrira plus tard son réalisateur, où, dans un château à Triste-le-Roi (en 1947), a lieu un entretien entre le propriétaire, un riche juif sépharade en tenue d'apparat, et son invité du jour, un homme qu'il charge d'une mission précise, celle d'aller retrouver sa fille judith à Shanghaï. Tout ça en présence de l'impassible serviteur chinois du maître de maison, derrière ses lunettes noires, dans son costume de serviteur chinois, on boira le thé, on fera la conversation, jusqu'au départ du "détective" qui quitte la propriété en emportant la photo de la jeune fille que le maître de maison lui a confiée...
Ce film est le début d'un film qui n'a jamais été complètement terminé, puisque l'acteur principal (le détective) a soudainement disparu, justement peu après le tournage de cette fameuse scène. Disparu, pfuit! Envolé, évaporé, manquant, missing. Sans que jamais personne n'ait plus entendu parler de lui... Et on va suivre le réalisateur de ce film mort-né, de nos jours, dans une émission de télé-réalité centrée sur le fameux acteur disparu. Qui va, comme le détective du film était chargé de retrouver la jeune fille, se mettre en chasse. Sur les traces de.
On suit donc ce vieux réalisateur barbu (tiens, Victor erice, le "vrai" réalisateur, est aussi un vieux réalisateur barbu...) à la recherche de son acteur disparu (avec cet effet-miroir du film dans le film, où le détective doit chercher la jeune fille disparue).
C'est un film aux résonnances -forcément- nostalgiques, mélancoliques, où des gens d'un certain âge (hmmm hmmm) sont soudain amenés, par la force des choses, à fouiller dans le(ur) passé. "Objets inanimés...". Un film sur le passé, sur le temps passé, le temps perdu (et sa recherche...), un film aussi sur le cinéma, un film sur la filiation (les rapports père / enfant). Un enfin film sur l'amitié (les vieux amis). Un film avec des morceaux de films dedans (un début au début et une fin, à la fin), et, aussi, un film "musical" avec des chansons, où, à plusieurs reprises, des gens vont se rapprocher en chantant la même chanson (chacune des séquences de chant est superbe, avec une préférence pour celle à la guitare avec le jeune homme, dont le réalisateur dit qu'elle a été improvisée au tournage!).
Un film plein de mystère aussi (qu'est donc devenu Julio Arenas ?) et / ou d'exotisme, où l'on manipule souvent des objets témoins d'un lointain (et parfois exotique) passé, sans savoir exactement ce que ces objets signifient...
Un film où la présence d'Ana Torrent (qui jouait déjà, à 8 ans, dans le premier film du réalisateur, L'ESPRIT DE LA RUCHE) serait tout sauf fortuite (à ce propos, les "hasards de la programmation" font que nous aurons le plaisir de la retrouver la semaine prochaine, dans le bôô cinéma, dans le cadre du Festival Play it again!, dans l'inépuisable (pour moi) CRIA CUERVOS (1976) de Carlos Saura, que je ne saurais trop vous recommander d'aller forcément voir...).
Un film dont la scène finale (déjà, quand ça se passe dans un cinéma, je suis, a priori, ravi) justifie à elle seule le visionnement du film entier. Un film se finit, avec la fin du film dans le film, et la triple occurrence de ce qui est évoqué dans le titre du film, fermer les yeux (Cerrar los ojos est quand même autrement plus beau, non ?)

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(en anglais aussi!)

J'y suis retourné pour la toute dernière séance (lundi à 20h), juste après avoir vu un film iranien aussi pluvieux que tarabiscoté (je les ai enchaînés, j'ai eu juste trois minutes entre les deux, pour passer de la salle 10 à la salle 2), ce qui n'était pas forcément une très bonne idée, après avoir passé précédemment une très mauvaise nuit) et j'ai eu le plaisir de constater
1) qu'il y avait plus de monde qu'aux séances précédentes (= "une vraie séance", au moins douze!)
2) que même en ayant beaucoup dormi auparavant, la scène finale était toujours aussi efficace (et susceptible de me tirer des larmes)
3) qu'un de mes amis au moins (Philou) m'avait fait l'immense plaisir de suivre ma recommandation...

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