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lieux communs (et autres fadaises)
14 décembre 2023

photographier les arbres

200
PERFECT DAYS
de Wim Wenders

(je suis étonné qu'aucun critique n'ait  pensé à intituler son article HIRAYAMA MON AMOUR... c'était bien pourtant, non ? J'avoue que je viens seulement d'y penser...)

Ma rencontre avec Wenders coïncide avec la naissance de ma cinéphilie. Je l'ai aimé d'abord passionnément (AU FIL DU TEMPS, L'AMI AMERICAIN, et, juste un poil derrière, ALICE DANS LES VILLES, figurent toujours au firmament de ma petite cinémathèque intime). A l'époque, je ne connaissais pas Ozu (et n'avait pas forcément envie de le faire, oui, je sais, j'étais con -j'étais jeune, quoi-) et je n'ai donc pas vu TOKYO GA et autres opus (opi ?) japonisants de W.W (je les considérais comme n'étant pas des "vrais" films de Wenders. Wenders pour moi c'était la Germanie, point barre)). Maintenant que ma cinéphilie a grandi, s'est étoffée (a peut-être aussi, comme moi, pris du bide), je connais Ozu, je l'apprécie, je serais capable d'évoquer quelques points qui le caractérisent (ah la caméra à ras de tatami) mais, en voyant PERFECT DAYS, ce n'est pas à lui que j'ai pensé, mais à un autre cinéaste, et plus précisément, un film de cet autre cinéaste : PATERSON, de l'ami américain Jim Jarmusch...
Les deux films ont pour héros un homme, qui a un métier a priori pas très exaltant (nettoyeur de toilettes publiques ici, conducteur de bus là) mais doté d'une vie intérieure plutôt riche, (l'un écrit des poèmes, l'autre photographie les arbres) et productive, et donc doté d'un rapport "particulier" au réel, le tout narré via la chronique répétitive (rassurante ?), retraçant (délicatement) la chronologie quotidienne et la succession des jours. Toutes ces petites choses qui, mises bout à bout, font une journée, et puis le soir vient, on se couche, on s'endort et le matin tout recommence, on se réveille avec le bruit léger du balai de la voisine sur le trottoir...
Une vie au jour le jour, avec une belle rencontre à la fin (dans chacun des cas). Et puis hop! c'est le film qui est fini...
J'ai craint, au début, un excès d'angélisme. C'est vraiment un film doux, d'un bout à l'autre. L'acteur qui interprète le personnage principal (Koji Yakucho, qui a d'ailleurs obtenu le prix d'interprétation à Cannes 2023 pour ce rôle, que je pensais avoir déjà vu dans un Kore-Eda, -perdu c'était chez Kiyoshi Kurosawa, et à plusieurs reprises- et dont allocin*che m'apprend qu'il jouait aussi -déjà- dans mon TAMPOPO chéri, en 1985!) ne sourit-il pas trop pour être honnête ? Non, il kiffe, tout simplement. Hirayama  sourit beaucoup, d'autant plus qu'il parle peu (il n'a pas dû avoir trop de mal à apprendre son texte, hein ?).
Et, autre détail qui le rend encore plus sympathique, hormis le fait qu'il photographie les arbres (ce qui m'a tout de suite évoqué un ami), c'est qu'il écoute dans son véhicule des k7, oui des k7 audio, des k7 d'un "autre âge" dirons-nous, comme celles qu'on pouvait acheter quand on était jeunes -et j'avoue qu'il m'en reste quelques-unes, dans un carton, que je réécoute de temps à autre... peut-être que si je les revendais au Japon je deviendrais richissime ? hihi) et (désolé, la parenthèse précédente a été longue) que sa discothèque me paraît beaucoup ressembler à celle de Wim Wenders, non ? J'avoue que, excepté Patti Smith et Lou Reed, je n'en connaissais pas plus que ça...
Donc, il photographie les arbres, il écoute des K7, et... il rêve!
Et ses rêves sont sublimes. Je me souviens que dans un film de Wenders d'il y a longtemps (JUSTE AU BOUT DU MONDE peut-être ?) il était question d'une machine à enregistrer les rêves, et j'avais été extrêmement déçu par le rendu qu'en avait donné WW (les rêves sont un sujet qui m'a toujours passionné...). Eh bien, à charge de revanche (tardive), ceux-ci sont tout juste parfaits. Et interviennent régulièrement au fil de la narration, texture soyeuse, images tremblantes et floues, ombres, noir et blanc, reprenant avec à-propos des éléments de la journée passé. Ca, j'ai adoré.
Mais tout le reste du film aussi j'ai adoré, je n'ai pas encore évoqué, dans les plaisirs ritualisés de notre homme, les romans qu'il achète (1$ pièce) toujours chez le même bouquiniste, et aussi les bains publics -pour hommes-, qu'il fréquente tout aussi régulièrement, sans oublier tous les personnages ("qui gravitent", c'est l'expression rituelle) autour de ce personnage central : son collègue bavard, la beauté blonde que le collègue drague, sa nièce, qui vient lui rendre visite, la mère de sa nièce (sa soeur à lui donc)qui viendra la récupérer, mais aussi la patronne du bar où il passe rituellement le soir pour boire un verre avec des glaçons et un liquide transparent -dont on ne saura pas exactement de quoi il s'agissait...-, et, last but not least, l'inconnu qu'il rencontre un soir au bord de l'eau et avec lequel il fraternise autour d'une bière ert qui va lui raconter un peu sa vie...
Bref, une pure bulle de bonheur tokyoïte. Avec pour la clore en beauté, pour se séparer en douceur,  une version a minima du Perfect day de Lou Reed au piano, par Patrick Watson (que je ne connaissais pas, mais Emma, si...) parfaitement raccord avec le film.
Top 10, inévitablement

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