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lieux communs (et autres fadaises)
26 mars 2024

sans drillon (2)

(avec une pensée amicale pour Marie...)

"La cigarette d’après le petit déjeuner, la cigarette d’après le concert (le théâtre, le film), la cigarette d’après l’amour, la cigarette d’après le bain de mer (la piscine), d’après l’effort, d’après les larmes, d’après la dispute, d’après le déchiffrage fervent, fanatique, hirsute, du prélude et fugue en ut mineur pour orgue BWV 546 de Johann Sebastian Bach dans la transcription de Franz Xaver Gleichauf pour piano à quatre mains (éd. Peters), la cigarette d’après les nymphéas, sur le trottoir de la rue de Rivoli, celle qu’on fume en sortant du cimetière ou de chez le médecin, ou quand on a fini son travail et que l’imprimante crache les pages, la dernière cigarette avant de s’arrêter de fumer (et l’autre, qu’on achète dix euros à un clochard, la symétrique, la première, quand on rechute), la cigarette de l’attente, de la satisfaction, de l’excitation, la cigarette tout seul dehors pendant que les autres en sont à l’Agnus Dei, la cigarette sur l’aire d’autoroute, la cigarette sur le télésiège, là-haut, la neige passant silencieusement dessous, celle qu’on allume en pensant qu’elle va vous réchauffer sur le quai de gare venteux (illusion), ou qu’on fume quand on a fini un paragraphe de Proust et que la phrase achève de se poser à terre (…d’invisibles et persistants lilas), la cigarette devant le feu de cheminée, la cigarette avant de remonter dans la chambre d’hôpital où meurt son père, la cigarette qui aide à réfléchir ou à ne pas réfléchir, la cigarette sur le balcon, la cigarette pendant la lettre de rupture, la cigarette avec le café, la cigarette à l’entracte, la cigarette qui calme ou excite, selon le besoin, la cigarette avant de monter dans le taxi, à l’aéroport, la cigarette de trop, qui rend nauséeux ou migraineux, la cigarette d’après la séance chez l’analyste, d’après la rencontre qui va changer sa vie, d’après l’entretien difficile, d’après l’épreuve de littérature française (la soutenance de thèse, le grand oral de Science Po), celle qu’on fume quand on n’arrive pas à commencer et que l’idée fuit devant soi comme l’horizon de la mer, la cigarette au bec en tournant la polenta (la fondue savoyarde, l’aïoli), ou en soudant le neutre sur sa borne, la cigarette d’après le sandwich tout en haut du mont d’Arbois, la cigarette à la porte de la chambre du petit, ou avant d’entrer chez le dentiste, la cigarette de l’insomnie, la cigarette qu’on tape à la baby sitteur, la cigarette qu’on fume après avoir signé un contrat, ou qu’on offre à la fille qu’on drague (on la lui allume avec son briquet et elle met ses mains autour de la flamme, et on touche sa peau), la cigarette en sortant de scène, quand la salle est encore en train d’applaudir, la cigarette qu’on tire avec soulagement de son paquet quand on voit son hôte en allumer une, celle qu’on se roule en voiture, volant coincé sous un genou, celle qu’on fume en attendant que l’autre con ait fini sa tirade imbécile, la cigarette fumée dans les cinq mètres carrés autorisés, en compagnie de sept ou huit types aussi honteux, la cigarette d’après la petite faim de minuit, à la cuisine, avec saucisson et vin rouge,

Et puis les non fumeurs. Dont le sang est pur et l’aorte lisse."

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