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lieux communs (et autres fadaises)
25 septembre 2006

animal on est mal

FLANDRES
de Bruno Dumont

Autant dire que j'y allais un peu à reculons... Parce que je n'avais pas aimé L'Humanité (je me souviens d'avoir passé le film à me tortiller sur mon siège en me demandant si j'allais sortir de la salle ou rester là) et parce que les amis qui l'ont vu me parlaient de "film dur", "très dur", "très très dur", "à voir un jour où t'es en pleine forme..."

DONC, dimanche, seize heures, il pleut à seaux, et hop, tiens, si j'allais voir Flandres ?
Effectivement c'est dur. Mais pas tant que ça ; comme diraient les "jeunes" de Claude W. " Ca finit quasiment bien, à la fin, y a comme une lueur d'espoir, non ? ". Oui, je l'ai un peu reçu comme ça. (Et aussi -ouch!- comme on reçoit un direct.)  Pourtant, tandis que le générique de fin se déroule, dans un silence complet, chacun des spectateurs surprend (suspend) sa propre respiration, s'y réhabitue. Revient à la réalité.

Le film pourrait être sous-titré Du désespoir comme carburant, en temps de paix comme en temps de guerre. Trois parties : la première est verte et humide, paysages glacés, le ciel est livide, la terre, glèbe glaise, labours, colle aux bottes avec des bruits mouillés. C'est le monde de Demester, un jeune paysan. Demester au travail dans sa ferme, Demester au bistrot avec ses copains, Demester et Barbe. Barbe qu'il aime, (peut-être, à la façon dont il la caresse du regard) mais avec qui les échanges sont réduits au minimum vital. Barbe qui joue et batifole (!) entre Demester et Blondel, un autre. Des plans longs, lents, pour un monde bas, plat, étroit, où le quotidien est aussi rugueux que les mots y sont rares. Puis Demester, apprend,  en même temps que ses copains, qu'il doit partir à la guerre. La guerre ? Une guerre, n'importe quelle guerre, et le film change de couleur.

La seconde partie est beige et sèche. On y suit le quotidien des recrues, Demester et les autres qu'on a vu grimper avec lui au petit matin dans ce camion militaire, quotidien entre empoignades et embuscades, opérations de commando et représailles, viol et assassinat, dans un pays à mi-chemin entre l'Algérie et L'Irak (oui, n'importe quelle guerre...). Une idée de guerre, une épure de guerre. Pas de volonté de réalisme, juste l'illustration d'un état. Demester a laissé le bonnet de laine noire qui lui descendait bas sur le front pour le crane rasé des militaires. La poussière, l'air sec, l'ont transformé aussi, physiquement. Endurci, blindé. De boeuf placide en temps de paix le voilà transfiguré en animal, terrible, tellurique, et filmé en tant que tel par le réalisateur. Et dans le même temps parfois si faible, si pitoyable. Taureau lourd, brutal, aux pulsions primales. La saillie, le sang,  la peur, la fuite...

La troisième partie alterne le vert et le beige, le mouillé et le sec, va et vient entre les séquences ici/là-bas, (c'est l'hiver en Flandres, Barbe est enceinte, mais de Blondel, ne sait pas si elle va garder l'enfant, a des problèmes...), à la neige répond le sable, à la violence des exécutions répond celle de la dépression, de la folie peut-être. Puis nous laisse  enfin voir Démester de retour. Seul. Le paysage  qu'il avait quitté en automne, il le retrouve en été. Barbe aussi. Barbe qui réussira in extremis à extirper de lui un double aveu, celui de sa lâcheté d'abord, puis, l'ultime, et plus difficile encore... In extremis

Une évidence : Flandres est un grand film. Le choix d'acteurs non professionnels (avec évidemment une mention toute particulière pour Samuel Boidin et Adélaïde Leroux) le parti-pris de quasi-mutisme, l'ampleur des plans, l'absence de musique, la sècheresse de l'argument, autant d'éléments qui  concourent à en faire  tout sauf un film facile (comme on parlerait d'une fille facile.) On peut -légitimement- ne pas accepter les choix du réalisateur, au risque d'en faire une lecture faussée voire un contresens. Bruno Dumont cherche, visiblement, à ne pas être aimable, délibérément. La pose (la posture) auteuriste peut paraître incommode, voire insupportable, mais elle est tout sauf complaisante. Pas de concessions, et ce souci l'honore.

Et c'est dommage que, malgré un nombre de salles plutôt conséquent, le film n'ait réussi à toucher que si peu de monde. Ah, c'est sûr, on n'est ni dans les Bronzés 3 ni même dans Je vous trouve très beau. Peut-être que le miroir ainsi tendu a fait fuir l'assistance...

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Commentaires
Y
alors pas de FAQV ? Pourtant dumont est coutumier du fait
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