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lieux communs (et autres fadaises)
15 juillet 2007

tutus

LES AFFREUSES
de Pierre Guillois
(Théâtre du Peuple, Bussang)

Je reviens de la première de cette création, qui va se jouer tout l'été (jusqu'au 26 août je crois). Waouh! J'en suis encore tout chose. Comme dit le dicton "première ensoleillée, public émerveillé ! " Et comme par hasard, cet après-midi-là était le premier non-pluvieux depuis au moins... pfouh! C'était un signe...
J'en savais juste un petit peu  à propos de cette pièce, (parce qu'un de mes amis y joue), que c'était la deuxième mise en scène de Pierre Guillois à Bussang (qui avait déjà l'an dernier joyeusement secoué le cocotier avec un Ubu d'assez joyeuse mémoire), que c'était pour la première fois un texte original écrit et monté par le metteur en scène (on n'est jamais mieux servi...), que ça risquait de décoiffer et peut-être de faire grincer des dents aussi, et que rien de tel n'avait été montré auparavant en ce vénérable lieu...

Les affreuses du titre ce sont trois grosses dames, ou plutôt demoiselles, (une rouge une jaune une bleue) qui vivent ensemble et aiment autant s'amuser que faire chier le monde en général , et tout spécialement un petit couple de voisins. Interviendront  aussi plusieurs autres couples, auxquels elles n'auront pas affaire : deux touristes malchanceux, un infirme et sa femme... légère, un père et une mère qui essaient désespérément de voir leur fils, et un trio formé de lui, elle, et de l'ami lourd dont on n'arrive jamais à se débarrasser. Rajoutez quelques nains de jardin à la coiffe équivoque et une flopée de ballerines vaguement inquiétantes, puisque ayant la tête à l'envers (oui, "tu me fais tourner la tête..." ), et vous aurez toutes les cartes en main. Mais pas forcément la règle du jeu.

Au départ, c'est vrai, il faut le temps que les choses se mettent en place, les univers sont très différenciés, découpés très nettement (chaque strate narrative a peu ou prou son espace propre) on passe de l'un à l'autre par des bascules lumière et des éléments de décor qui surgissent / disparaissent sur le plateau le temps des scènes (car, courageusement, tout ça se joue à plateau nu, ledit plateau étant juste délimité par des penderillons à la matière intrigante...). Chacun dans son histoire, certes, comme dans la vie, question de perspective (mais le metteur en scène réussira à en faire coexister jusqu'à trois sur le même plateau.)

Dès le début on rit, (tantôt jaune, tantôt rouge, tantôt bleu ?), devant la verdeur et la crudité (cruauté)  des situations et des dialogues, mais jusqu'au bout on est étonné par la simplicité des éléments, touché par la beauté des images (je ne veux pas en raconter trop pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte des futurs spectateurs), surpris par la agressivité loufoque de certains échanges, et finalement ravi par le contre-pied pris concernant certaines traditions bussenaises, mais surtout émerveillé (je l'ai déjà dit, je sais, mais les qualificatifs élogieux me manquent) par l'extraordinaire homogénéité de la distribution (le Théâtre du Peuple a la particularité de ménager acteurs professionnels et amateurs, et là je vous mets au défi de faire la différence) et de sa parfaite adéquation avec chacun des personnages et leurs (més)aventures.

Pierre Guillois a eu l'habileté de prendre des choses simples, des spécimens humains que nous sommes connaissons tous, que nous avons tous croisés un jour ou l'autre : le "meilleur ami" chiant, les petits amoureux inséparables, les vieux couples où la causticité des échanges a remplacé les roucoulades de jadis, les voisin(e)s insupportables, les maris jaloux, les histoires de famille, la douleur de l'attente, le bonheur de ronchonner, bref, la vie quoi, et de les superposer, entrelacer, entrecroiser, faisant de la somme de ces historiettes, vues chacune  comme à travers un verre grossissant (ou un prisme, plutôt, rapport à la décomposition de la lumière), un portrait social paradoxalement aussi réaliste que décalé, entre poésie burlesque et proximité (intimité ? Impudeur ?) troublante.

Bien évidemment, l'intrigue n'est pas d'une complexité shakespearienne (entendez par là qu'il ne faut pas vous attendre à ce que plop! tout soit à la fin merveilleusement arrangé : les amoureux réunis, les méchants punis, le coupable démasqué, les gentils récompensés...), chacune des vignettes restera dans son écrin, et cette dé-structuration pourra peut-être surprendre et déstabiliser quelques puristes intégristes traditionnalistes du vrai théââââtre, mais, vraiment, je le dis et je le redis, ça fait vraiment un bien fou à regarder... D'autant plus qu'interviennent régulièrement, en contrepoint surprenant tout au long de la pièce, ces bizarres ballerines, en nombre variable (vous comprendrez pourquoi à la fin), animales souvent, parfois harpies et parfois juste éphémères un soir d'été, comme des oiseaux (de mauvais augure ?) qui commenteraient l'action par leurs chorégraphies ironiques mais pas vraiment muettes (juste des bruits, des grincements, à mi-chemin entre  onomatopées et grommelots, lointains cris d'animaux ) et lui feraient écho.


Et croyez-moi ou pas, mais, paradoxalement, de cette pièce où on rit beaucoup (mais pas tous aux mêmes choses ni aux mêmes endroits), je suis sorti les larmes aux yeux : un trop-plein d'émotions, justement (mais ce n'était pas juste la faute de ce soleil nouveau), et pour d'autres raisons (théâtrales, qu'allez-vous donc chercher...) que je n'ai pas envie de vous raconter là, avec les scènes de la fin qui vous chahutent et vous secouent et vous bousculent dans tous les sens, rire, larmes, vacarme, silence, noir, comme la vie, oui un peu comme la vie.

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Commentaires
F
Moi j'y étais samedi et dimanche, en P19 puis en T25 : s'il y avait eu un message à transmettre, j'étais votre homme.<br /> Et puisqu'il y a de la critique sur le feu, sur place, les ballerines, je crois qu'on les appelle les bestioles..
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L
salut beau-frère, étant en train de peiner sur la critique des affreuses, ta charmante soeur m'a conseillé d'aller faire un tour sur ton site pour y découvrir ta prose. Belle prose d'ailleurs, mais tu as le "droit" à beaucoup plus de signes que moi...<br /> ENfin, tout ça pour dire que tu as l'air d'avoir adoré les affreuses et que nous, (on y est allées dimanche), on était un peu déçues, limite ennuyeux dans la deuxième partie. Mais peut-être était-ce mieux la veille, à cause du public, de l'énergie des acteurs, etc., etc. En tout cas, tout à fait OK avec toi sur l'homogénétié de la distribution. Malgré tout on a adoré la promenade amoureuse dans la luzerne de CHloé séduisant son pâtre et toutes les scènes avec l'ami chiant. Moi j'ai bien aimé les parents, même si je me demande toujours ce que ça faisait là.<br /> voilà, on a failli y aller samedi aussi, on se serait croisés. un plaisir rare loupé...<br /> bisous<br /> ta belle-soeur, Annick
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