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lieux communs (et autres fadaises)
30 septembre 2007

à revoir, les enfants

Souvent, j'aime bien revoir les films, peut-être à la façon des enfants qui réclament qu'on leur raconte encore une fois une histoire que pourtant ils connaissent déjà par coeur (mais finalement pas exactement pareil tout de même.)
Revoir un film permet de relativiser une expérience. Que ce soit immédiatement tout de suite là sur le champ, ou au contraire bien des années plus tard. Et généralement ça confirme ce qu'on savait déjà : la rencontre avec un film (ou avec un bouquin, ou avec un tableau, ou même avec quelqu'un) est unique. Il y a d'une part l'objet-film, qui lui par définition reste inchangé, c'est le point de vue objectif : des images fixées sur de la pellicule (en général) identiques d'une fois à l'autre. Un film au point p et la date d, c'est a priori exactement le même qu'au point p' et à la date d'. Aquelques rayures et collures près, soit.
Ce qui change ? Tout le reste! Les conditions de projection, (la salle, le lieu, le temps qu'il fait) en premier lieu, et, bien évidemment (et surtout) le spectateur lui-même. Et tout ça produit un effet. (C'est déjà assez vertigineux de penser qu'à une séance donnée, devant un nombre lambda de spectateurs, seront appréhendées simultanément lambda versions personnelles et uniques du (pourtant) même film. C'est comme ce qu'on perçoit des reflets : à chacun le sien propre!)
Oui, chaque vision est unique. Ne vous est-il jamais arrivé de vous rendre compte, à la seconde, ou troisième ou hmmième vision, que, finalement, le film n'était pas si extraordinaire que ça, et de chercher désespérément ce qui tant avait pu vous y plaire. Voire, encore pire, dans l'autre sens, comme les critiques de téléramioche, de vous rendre compte que ce film a été "un peu injustement sous-estimé lors de sa sortie..." (mais bon, là, peut-être qu'on sort un peu du sujet en abordant la fonction critique) mais  en général, pour les choix personnels et intimes, c'est plutôt dans le premier sens que ça se passe. On se souvient qu'on avait beaucoup aimé, et on réalise qu'on ne comprend plus pourquoi. Ainsi, ce n'est peut-être pas le film en lui-même qu'on aime et dont on se souvient, mais c'est plus souvent le souvenir de l'effet qu'il vous a produit. (Comme disait ce critique dont j'ai oublié le nom - Boujut ? Ciment ?- à propos de Syndromes and a century de mon ami Apichounet.)
Quand j'étais plus jeune, et que le cinéma était moins fréquent (et moins cher), il m'est arrivé de revoir le même film plusieurs fois de suite, goulûment, (les cinémas étaient ce qu'on appelle "permanents", et vous pouviez rester à plusieurs séances d'affilée si ça vous chantait), mais dans ce cas-là, ça ne compte pas vraiment, puisqu'on ne faisait alors que tenter de prolonger un moment (je me souviens d'avoir fait ça avec Pourquoi pas! de Coline Serreau, avec Barocco, d'André Téchiné, avec L'Ami américain, de Wim Wenders, c'est dire si c'est du révolu...)
C'est donc le cas des films qu'on a vus il y a quelque temps, et qu'on a l'occasion (l'envie) de revoir : soit parce qu'ils ressortent en copie neuve, soit parce qu'on retrouve une vieille k7 vhs en faisant du rangement, soit parce qu'ils sortent en dvd (ou qu'on les a téléchargés mais non parce que c'est mal). Bien souvent il va s'agir d'une déception : ce qui à l'époque vous avait semblé aussi chatoyant que les plumes du paon ou l'arc-en-ciel joliet qui vient illuminer le ciel après l'orage devient, à y regarder de plus près, plus grisâtre et tristounet que toile d'araignée pendouillant en son placard. J'exagère mais presque. Ce film qui vous avait fait vibrer vous laisse désormais quasi-indifférent, avec un tracé d'enthousiasme aussi plat que l'encéphalogramme de deubeulyou bouche, par exemple. Mais qu'est-ce qu'on avait pu y trouver ? On devait être un peu niais à l'époque, pour y avoir pris le moindre plaisir. On l'avait aimé, et on ne l'aime plus (tiens, finalement, porte ouverte enfoncée, c'est un peu comme dans la vraie vie avec les vrais gens, non ?) Triste, triste, pour beaucoup de films ; comme les pinards, ils ne sont pas dits "de garde", juste des trucs à boire rapidement, à savourer dans l'instant, et à oublier ensuite. Ce qu'on appelle la consommation courante.
Après, restent, bien sûr, quelques (car le nombre a alors sacrément diminué) films dits de référence, ou d'anthologie (personnelle, bien sûr, et chacun les siens, encore plus bien sûr!), et là, même si les conditions changent, l'émotion reste la même, en tout cas aussi intense (si je me lance dans la tentative de définition du point de vue qualitatif et quantitatif, je risque de m'emmêler les pinceaux, déjà que ça devient ici assez confus, non ?) voire plus encore (non seulement ça fonctionne toujours, mais on a parfois le sentiment que ça fonctionne encore mieux) même si pas forcément pour les mêmes raisons  - les connaît-on vraiment, d'ailleurs, ces raisons ? - (certains pervers, dont je suis, essaieront parfois de ne revoir un film que pour tenter de retrouver l'état d'esprit -et donc les émotions- dans lequel ils étaient à ce moment précis, quand ils l'ont vu pour la première fois, et la façon dont tout le reste avait influé sur la perception qu'ils en avaient eue alors.)  On aime un film pour son histoire, pour une scène précise, pour une image sublime, pour une chanson, mais aussi pour quelqu'un, pour un certain jour, pour une autre histoire.
Certaines fois, le film est alors comme une coquille vide, un genre de fossile déserté par son bernard-l'hermite préhistorique, on n'y reconnaît rien, mais de le revoir permet tout à coup, miraculeusement, de reconstituer, partiellement le plus souvent, l'alentour de la séance de cinéma à laquelle on l'a reçu (ou rencontré, je parle du film, bien sur) Tiens, ça serait une idée de liste rigolote, la Liste Des Raisons Que J'ai D'aimer Certains Films, je le note sur un post-it mental.
La mémoire des films (après la mémoire de l'eau...) ça tient quand même à peu de choses. Je ne sais pas vous, mais moi, il me semble à ce propos (début d'Alzheimer ou faiblesse des scénaristes ?) que j'oublie de plus souvent la fin des films (et je vais dans certains cas jusqu'à, non seulement éradiquer la vraie fin du film, mais par la remplacer sans vergogne par une fin de mon cru (non non il n'y a pas de contrepèterie, du moins je crois...). La mémoire serait-elle à ce point infidèle ?
Pas toujours : il y a aussi les incunables, les chimères : des films qui ont existé, un jour (on en est sûr, puisqu'on les a vus) mais dont la seule trace qui res(is)te n'est plus que celle qui perdure dans votre mémoire (et va donc en  s'amenuisant.) C'est en général des films qu'on a -beaucoup- aimés, et on comprend d'autant moins qu'ils aient disparu de la surface de la terre, que personne n'ait songé, comme vous, à les honorer d'un petit monument (mental, cela va de soi).
J'ai ai quelques-uns, dans cette catégorie : LE SOURIRE VERTICAL, de Robert Lapoujade, QUI TROP EMBRASSE, de Jacques Davila (dont j'ai déjà parlé il y a longtemps), LA MAIN DANS L'OMBRE, de Rudolf Thomé, END OF THE NIGHT, de Keith Mc Nally, SLEEPWALK de Sara Driver (la copine de Jarmusch...) Là on touche à l'extrême : un film qu'on a vu en général qu'une seule et unique fois, dans des conditions, donc, d'exception (ici, dans la liste seul QUI TROP EMBRASSE a été vu plusieurs fois, autant qu'à l'époque j'avais eu d'occasions d'y retourner), mais duquel ne subsiste que le souvenir du plaisir qu'on y a pris (et qu'il vaut mieux  peut-être justement ne jamais revoir : au moins, il reste l'espoir...) Ces derniers ont  en commun la particularité de ne pas figurer non plus (et pourtant, dieu sait s'il y en a!). Films fantômes, sans copies, sans affiches, existant juste en pointillé sur allociné point freu.
Bon c'est vrai qu'à l'exception de ces cas extrêmes, les progrès de la vie moderne permettent désormais à quasiment quiconque de revoir un film si l'envie lui prend, pour tenter justement l'expérience : on ne cherche pas seulemnt à se rappeler seulement ce film, on cherche surtout à retrouver l'état dans lequel on était, les sensations qu'a éprouvées, bref le plaisir (justifié ou non d'ailleurs, la question ici ne se pose absolument pas), juste le plaisir...

Commentaires
C
Je l'ai vu au Festival de Locarno, la seule et unique fois que je'y suis allé d'ailleurs, ça devait être en 85, je pense...
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C
Bonjour,<br /> Ou avez vous vu SLEEPWALK????
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C
J'étais venu à Paris spécialment pour le voir : un film avec Bruno Ganz, Dominique Laffin et Laurie Anderson!
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Z
ha ! je l'ai pas vu ce Thome là, mais je vois exactement ce que tu veux dire ..... je ne comprends pas du tout comment autant de gens ont pu se priver d'un plaisir aussi fort que certains de ses films...
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