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lieux communs (et autres fadaises)
23 août 2008

tonton, pourquoi tu tousses ?

GOMORRA
de Matteo Garrone

Celui-là, je l'appréhendais un peu. Je dois avouer que, d'ordinaire,  les "films de mafia" me font prodigieusement chier ne m'intéressent pas vraiment, a priori. Mais là, mais là mais là, oh la la, quelle force, quelle puissance, j'en suis resté quasi sans voix. C'est violent et teigneux comme un chien enragé, et une fois que ça vous a chopé (le mollet ou ailleurs) ça ne vous lâche plus jusqu'à la fin (ça faisait longtemps que je n'avais pas éprouvé un tel étonnement (quoi ? déjà ? je croyais que ça durait plus de deux heures...) en voyant apparaître le générique de fin (qui nous offre -ô petit bonheur supplémentaire- un morceau inédit -à ma connaissance- de Massive Attack), à l'image des personnages (et même de leurs interprètes).
Un choc comparable, quoique peut-être à un autre niveau, à celui provoqué par Valse avec Bachir. Le réalisateur se sert du véhicule cinématographique pour  nous livrer un état des lieux mafieux quasi-documentaire : oui, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur ces salopards (car c'est bien d'eux dont il est question) sans jamais oser le demander.
Plusieurs histoires y courent donc, s'enchevêtrent, se repondent, se chevauchent : du plus jeune (Toto), un gamin qui fait les courses pour les voisines, jusqu'au vieux chef de clan (celui qui pour parler doit mettre sa main sur la gorge), en passant par deux jeunes cons désireux de s'élever dans la hiérarchie (dont l'un a une voix de Donald sous amphètes), un tailleur clandestin qui aide en douce les chinois (oui, oui, même la haute-couture), un comptable (celui qui apporte à chaque "famille" "méritante" son "salaire"), un autre jeune, "à l'essai" (Roberto), qui se pose des questions, et un enfouisseur de déchets toxiques qui, lui, ne s'en pose pas tant du tout ("C'est grâce à des gens comme moi que ce pays est entré dans l'Europe...") Mélangez énergiquement, remuez dans tous les sens, et vous n'avez plus qu'à attendre que ça vous pète à la figure. Il y est question de clans (sans qu'on comprenne forcément toujours qui est qui, qui est contre qui et pourquoi donc), de "famille", d'honneur, et, finalement, de virilité (et de la façon dont on l'exprime / l'exhibe).
Il n'y a quasiment pas de personnage féminin important dans le film : juste un plein vivier de ces spécimens de race mâle, plus ou moins pourvus, plus ou moins puissants, plus ou moins sûrs d'eux. La problématique se résume à c'est moi qui ai la plus grosse (ou les plus grosses, puisqu'il est plus souvent question des balloches que de l'instrument attenant), ni plus ni ni moins. Sans oublier ces autres métaphores viriles,  objets de vénération et instruments de puissance que sont le fric et les armes,  avec toute la fascination qu'elles impliquent (les "apprentis mafieux" s'entraînent en répétant les dialogues de Tony Montana, dans Les Affranchis...)
Finalement, tous ces gros machos poilus à grosses bagouzes et à grosses chaînes en or (et même les petits teigneux qui ne sont encore ni gros ni bagouzés, mais déjà testostéronés grave) passent leur temps à dégommer, (et donc pénétrer métaphoriquement) leurs rivaux (ou supposés tels), histoire de prouver qu'ils sont bien le mâle alpha du clan. Trous de balles et gros calibres : "Maintenant tu es un homme..." dit un des parrains au p'tit jeûnot qui vient de passer avec succès le test du gilet pare-balles.
Tout ça est -on le savait- finalement plutôt nauséabond, (Woody Allen a écrit un jour, peu ou prou "Les méchants ont compris quelque chose dont les gentils n'ont même pas conscience."), on est en plein dedans ;  mais, comme je me le disais en sortant, si le fond est vraiment à gerber, la forme, par contre est enthousiasmante. C'est presque paradoxal puisque si le réalisateur revendique avoir joué la carte du "réalisme" (on est davantage dans une approche documentaire qu'hollywoodienne),  il le transcende par  un sens certain de la mise en scène (la scène d'ouverture dans le solarium, la scène des deux mecs sur la plage qui défouraillent en slip...) autant que par  une  esthétique plutôt chiadée. Et une énergie incroyable. Car  le film est véritablement d'un bout à l'autre sous pression, jamais ça ne s'arrête, et il tient la distance, haut la main, sans jamais laisser le spectateur reprendre sa respiration. Toujours à donf, vous dis-je.

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Commentaires
J
Sur le fond, sans commentaire. Sur la forme, je suis à fond d'accord.<br /> Un souci de réalisme filmé avec un tel sens de la mise en scène, d'une direction d'acteurs imparable, et une caméra ! Waouh… J'allais citer d'autres noms, mais non. Je dirai juste qu'une caméra qui trouve toujours sa place avec autant de tact, qui se faufile, qui épargne les effets, qui capte en toute subjectivité, c'est du grand art…<br /> Oui, du sacré cinéma
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