tanguer le bateau-eau
STELLA
de Sylvie Verheyde
Un film... attendrissant. Un joli film, sur une vie pas si jolie jolie. L'histoire d'une gamine, dans les années 70. Une gamine "pauvre" qui entre en 6ème dans un lycée de bourges (huhu moi aussi la même chose m'est arrivée, c'est p't'être pour ça que). Une gamine dont les parents tiennent un troquet (la maman, cafetière légère, ressemble à Sheila, et le papa, toujours un verre à la main, ressemble tellement à Benjamin Biolay que c'est lui-même!) plein de vie et de bruit, d'agitation et de poivrots, une gamine, donc, qui doit "gérer" sa vie toute seule. Se démerder, quoi. Une gamine avec une bouille enfantine où pointerait déjà une beauté botticellienne. Une gamine qui nous parle avec un discours intérieur (comme les affectionne mon ami Sylvain) étonnamment mature et qui semble parfois très - trop ?- écrit mais qu'on soupçonne, à juste raison je viens de le vérifier, d'être fortement autobiographique, une gamine qui grandit sous nos yeux, avec des problèmes de gamine (les copines, les profs, le bulletin de notes catastrophique, le premier amour, les vacances chez la grand-mère) immergée dans un monde d'adultes (le microcosme du troquet) qu'elle ne comprend pas forcément (et qui le lui rend bien, d'ailleurs.) Le portrait d'une femme en devenir, qui se construit en réaction au personnage de sa mère (ou plutôt à la vie de sa mère) et, d'une certaine façon, grâce à son entrée au lycée. Une gamine qui découvre, grâce à sa copine Gladys, le pouvoir des livres, qui tremble d'émotion en découvrant Duras ("elle écrit pour moi, elle parle pour moi...) et commence ainsi à s'émanciper intellectuellement.
Le film est une sorte de voyage dans le temps (faire rejouer à des acteurs, en 2008, un univers furieusement seventies -quoique la reconstitution ne soit jamais trop appuyée- où, d'une certaine façon, je me retrouve, puisque j'étais grosso modo en 6ème dans ces années-là, et que, si on suit le raisonnement, Stella doit être à présent une bobonne, la cinquantaine permanentée (je suis moi-même un bobon, même si pas peroxydé) et -je fus fan de s-f- qui dit voyage temporel dit paradoxe temporel, dont le moindre n'est pas que, par exemple, le prof de français, cinquantain grassouillet et tâtillon, est le même Christophe Bourseiller qui jouait l'étudiant en duffle-coat amoureux de Danièle Delorme dans Un éléphant ça trompe énormément, d'Yves Robert, en 1976. Il devrait donc avoir 18 ans dans Stella, et pas le triple!
Un film qui sonne juste. Un film au rythme un peu indolent (et donc parfois un (tout petit) peu longuet, il y a c'est indéniable une distension, un creux dans la narration vers la fin, cf syndrome des fins successives) mais un film indéniablement attachant. Par la qualité de l'interprétation aussi (j'ai déjà évoqué Benjamin Biolay, qui livre une composition saisissante de père alcoolo et un peu largué, qui rivalise ici de cheveux gras pendouillants avec l'excellent Guillaume Depardieu (qu'on retrouve posthumement avec un plaisir mêlé d'émotion, tout à fait au diapason du film, en prince charmant zonard.) Un chouette film pour commencer 2009, donc.