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lieux communs (et autres fadaises)
9 août 2013

police allemande, avec l'accent

LACOMBE LUCIEN
de Louis Malle

Suis tombé dessus, par hasard, ce matin, (merci les chaînes cinéma) y ai d'abord jeté  un oeil distrait, pour la forme, puis me suis installé un peu plus confortablement, et ne l'ai plus lâché ensuite, jusqu'au bout. Comme une paire de baffes.
Je ne l'avais jamais vu (je n'avais jamais eu trop envie de le voir, ceci explique cela), et, je confirme : il n'ya que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. (Quand je pense à la quantité de merveilles qui me restent ainsi encore  à découvrir...). Oui, cette "histoire d'un jeune garçon que les circonstances poussent à devenir collabo" ne m'avait, ni à l'époque de sa sortie (j'étais trop jeune, et je découvrais à peine le cinéma, et le film avait me semble-t-il fait un peu de barouf médiatique) ni davantage plus tard.
La sidération produite par le film tient à plusieurs choses : le personnage-titre d'abord (et, plus encore que le personnage lui-même, l'acteur qui l'interprète et lui donne corps, Pierre Blaise, un non-professionnel de 18 ans - qui s'est tué dans un accident de voiture deux ans plus tard -), sidérant de naturel, de gaucherie, d'opacité, gamin enfermé dans un corps d'adulte, alternant crises d'autorité et coups de gueule, et, repli sur soi, et, surtout, la plupart du temps, le visage fermé, limite inexpressif (on le verra peu sourire ou rire dans le film), comme si tout ce qui se passait (ou pas) à l'intérieur ne se manifestait jamais au dehors. Face à lui, une autre non-professionnelle (à l'épqoue, mais qui devait par la suite, elle, faire une carrière cinématographique largement estimable) Aurore Clément (à l'époque elle-aussi non-professionnelle) joue une demoiselle, blonde, jeune, et juive, dont Lucien L va tomber amoureux (ce qui va singulièrement compliquer ses affaires).
Autour d'eux, l'essentiel des personnages gravite autour de la police allemande, où des "bons français", comme vous et moi, ont mis leur enthousiasme et leurs capacités au service de l'occupant. Le film se passe en 1944, dans le sud-ouest, et narre donc comment les "circonstances" vont faire qu'un fils de paysans va devenir collabo, tomber amoureux d'une jeune fille juive, et comment ces mêmes "circonstances" (le hasard, l'ironie du sort) vont faire évoluer les choses, entre Lucien Lacombe et la famille de la jeune fille convoitée, mais, aussi entre les membres de cette famille... Plus on avance, d'ailleurs, et plus tout se complexifie, s'opacifie, entre ce que font ces gens et ce pourquoi ils le font (l'itinéraire de la montre en or, est, à cet égard, significatif). Parfois ce sont de petites "mauvaises raisons" qui produisent des actes positifs, et d'autres fois, c'est justement le contraire.
Et ce qui est très fort dans le film de Louis Malle, c'est qu'il suffirait, à chaque fois ou presque, d'un petit quelque chose pour que les choses tournent tout à fait différemment... (parfois mieux, et parfois bien plus mal.).
Par son aspect "reconstitution historique", par l'époque qu'il évoque, par la maestria du réalisateur, le film m'a fait penser au Mr Klein, de Losey (un des meilleurs rôles de Delon) dont le personnage n'est en définitive pas si éloigné de celui incarné par Pierre Blaise. Portrait d'un beau salaud, dans chacun des cas, mais jamais tout d'une pièce (ni tout blanc ni tout noir) chacun gagnant in extremis son statut d'humain (et l'empathie du spectateur qui va avec) par les moyens qui lui sont propres dans le récit de sa vie (Klein Robert par son entêtement à endosser l'identité de quelqu'un d'autre tout en essayant désespérément de prouver le contraire, et Lacombe Lucien peut-être simplement, à partir du moment où il abat le soldat allemand -pour de fausses bonnes mauvaisses raisons ?- et comme elles sont belles  les scènes finales, dans cette nature où, soudain coupé de toute la saloperie environnante, comme abstrait de la réalité,il redevient un jeune paysan qui rêvasse couché dans l'herbe, et qu'il est fort alors cet ultime regard d'Aurore clément, sortant de l'eau... )

 

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