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lieux communs (et autres fadaises)
9 octobre 2013

je suis l'autre

NOS HEROS SONT MORTS CE SOIR
de David Perrault

Je l'ai vu à la maison (puisqu'il ne sortira que le 24 octobre, hihihi). Encore un fruit de l'entregent de mon amie Zabetta (qui m'a sorti le dossier de presse et le dvd, hop! comme un lapin du chapeau d'un magicien...). Ledit dossier de presse est très beau (photos en noir et blanc "sépiatisé", avec un encart de fac-similés de journaux de catch de l'époque, car le film parle de catch et de catcheurs -masqués- à la fin des années 50/ début 60), à l'image du film donc : noir et blanc, très beau, et "d'époque".
C'est l'histoire de deux hommes, deux amis, Simon (Jean-Pierre Martins) et Victor (Denis Ménochet). Deux costauds. Qui vont s'affronter sur le ring, le premier avec le masque blanc ("Le spectre", le gentil), et l'autre avec le masque noir ("L'équarisseur de Belleville", le méchant). C'est Simon (comme dans la chanson...) qui va  mettre le pied à l'étrier à son ami Victor en lui organisant une audition pour le faire embaucher comme catcheur qui combattra avec lui/contre lui. Mais Victor revient de la guerre, et est encore "émotionnellement fragile". (Denis Ménochet joue ça à la perfection : dans une carcasse de la stature  d'une armure de combat se dissimule en réalité une petite chose fragile, -une fleurette, un brimborion-).
L'ouverture (la mise en place) prégénérique, plastiquement superbe, est un régal de cinéma : on débute avec un gris granuleux d'images comme celles des actualités au cinéma, alternant scènes de catch et scènes de guerre, nous évoquant en alternance quel genre de combattant peut bien être chacun de nos deux héros, puis on glisse à un noir et blanc magnifiquement sculpté (on ne serait pas très loin d'un David Lynch ou d'un Guy Maddin -puisque c'est un film qui se revendique comme cinéphile-, avec toujours cette alternance, ce parallélisme entre les deux (un homme dans une chambre) que vient surfiler la voix off du narrateur (celle de Simon)
A ses vaguement inquiétantes (mais cinéphiliquement exquises) dérives oniriques initiales  le réalisateur va  ajouter un contrepoint narratif plus terre-à-terre, réaliste, rassurant : un bistrot, une chambre, un juke-box, un comptoir, et c'est un peu comme si une histoire parallèle se mettait en place, ou peut-être juste un reflet de ce qui est depuis le début en train de se jouer, un trompe-l'oeil. Car il s'agit d'une histoire en noir et blanc située à la fin des années 50, et qui plus est dans le monde "interlope" du catch (mais celui des petits combats miteux  -et  des paris crapoteux qui vont avec - distractions popu du samedi soir). Donc on reste dans l'un peu étrange, l'à-côté...
Cette problématique initiale du double (ou du reflet, ce qui revient un peu au même) - avec bien entendu (!) son sous-sous-texte affectif et homoérotique- était à mon sens suffisamment forte, avec le petit monde environnant -et juste- du bar, du ring,  et des chambres de bonne, sans devoir lui adjoindre encore un fil narratif supplémentaire (histoire de truands, de dette, d'exécuteur des basses oeuvres, de vengeance) qui ne fait que parasiter le propos -et je ne suis pas sûr que le personnage de Yann Colette, tout droit sorti d'un film de Bilal- soit vraiment indispensable, tandis que celui de Philippe Nahon, par exemple, l'est. Comme dans les matchs de catch, c'est d'un affrontement qu'il est question certes, mais tout est  prévu, arrangé. Codé. Chorégraphié serait plus juste (et plus élégant). Comme dans les polars français ou américains que le film évoque. (James Cagney est cité deux fois, par les dialogues et par l'image)
Oui, un film d'hommes. Et Denis Ménochet et Jean-Pierre Martins sont tout aussi superbes l'un que l'autre à l'écran parce qu'ils sont (mais encore une fois c'est moi qui l'interprète comme ça) filmés avec grand soin, quasi... amoureusement (ah ce virevoltement de cape qui révèle un torse mâle au ralenti...). Et que leur(s) histoire(s) parle(nt) aussi un peu de ça (cf la scène dite "du poulet"). Des hommes (comme dans la chanson de Brigitte Fontaine, on y revient...), et du cinéma aussi (tout aussi amoureusement à propos du film que des costauds masqués, d'ailleurs). Avec beaucoup de tendresse et de respect. Et de trouble aussi. (les scènes de rêves récurrentes de Victor, avec les masques, et les masques de dessous les masques, en sont un exemple parfait). Bref un premier film original, épuré, attachant. Et troublant.

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(Je ne suis pas sur que l'affiche, telle que, donne vraiment envie aux gens d'en savoir davantage et les incite à voir le film. le masque, sorti du contexte du ring évoquerait plutôt a priori un univers SM, que la représentation des 2 hommes en rectangles verticaux accolés -figurant des barreaux- accréditerait encore)

 

 

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