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lieux communs (et autres fadaises)
9 décembre 2013

la maison est en carton

PAPA VIENT DIMANCHE
de Radu Jude

C'est un constat, flagrant, évident, je le clame et je le répète : je suis fou du cinéma roumain (à prononcer comme Salvador Dali dans la pub pour le choclat Lanvin). En voilà un nouvel exemple.
C'est l'histoire de Marius, un trentenaire divorcé, ou plutôt d'une journée particulière de Marius, au fil de trois appartements successifs (et de quelques extérieurs) : le sien, puis celui de ses parents, et enfin (et pour la plus grande partie du film) celui de son ex-femme, qui habite avec Sofia leur fille, mais aussi avec sa mère et son nouvel amant.
Ca démarre comme tout bon film roumain qui se respecte, caméra à l'épaule. Un monsieur qui se réveille, visiblement avec une gueule de bois carabinée : voilà notre Marius en question, dans son appart' en vrac de célibataire... On comprend que pour lui, il s'agit juste de passer chercher sa fille chez son ex-femme pour l'emmener quelques jours au bord de la mer, en profitant des quelques jours de garde qu'il lui reste... il part (en vélo) chez ses parents, avec uène énorme pieuvre en peluche sur le porte-bagage, pour récupérer les clés de la voiture de son père (pour emmener Sofia à la Mer Noire). Première halte, et, rapidement, première échauffourée, entre père et fils (ah non, c'est la deuxième du film, on a déjà entendu un couple qui s'engueulait dans le magasin où Marius s'est arrêté pour acheter du papier-cadeau.)
Enfin, le voilà parti, avec les clés de la voiture, le cadeau emballé, le vélo sur le toit, le sac à dos bouclé (il a prévu de faire du camping), et le voilà qui sonne à l'appartement. ca commence mal, son ex-femme n'est pas là, le nouveau copain ne veut pas le laisser partir avec la fillette, prétextant qu'elle est malade, et la belle-mère,( à qui il a pourtant offert une plante à 50 léi même s'il l'a négociée à 40) intervient à son tour en ce sens.
Aïe ! Le ton monte, et c'est reparti pour un tour... Et l'arrivée de l'ex-"chère et tendre" ne va pas arranger les choses. C'est comme un genre de chemin de croix laïc : Marius s'engueule pour la première fois, Marius s'engueule pour la deuxième fois, etc. on sent que c'est écrit, que c'est inéluctable, on pressent, -on craint- ce qui va se arriver... Les avertissements au public sont justifiés (j'ai rarement été tendu comme ça pendant tout un film), d'autant plus que la progression a été très intelligemment pensée (ou, du moins, mise en place), dans cet appartement dont on ne va plus sortir jusqu'à la quasi-fin du film, où va se jouer un genre de guerre civile familiale entre mari, ex-femme et nouvel amant ("pine sans domicile"... Il faudrait un petit carnet pour recueillir précieusement les tendres noms d'oiseaux que vont s'y échanger les belligérents) où la belle-maman et la petite fille seront tantôt des otages et le plus souvent des témoins.
Oui, la tension dramatique devient de plus en plus éprouvante (il y a même un moment de climax, où tous les trois sont dans la cuisine, où je me suis dit  tellement la tension était forte (le jeu des personnages, la bande-son, les mouvements d'appareil) qu'avec juste un cran de plus, on aurait été quasiment dans le grotesque, mais le réalisateur a l'intelligence de placer régulièrement des scènes d'apaisement, d'armistice en quelque sorte, qui permettent au spectateur sensible (moi, en l'occurence) de reprendre un peu sa respiration, et de desserrer les poings : la scène du chocolat, par exemple.
Plus le film avance, et plus la situtation apparait sans issue, exactement comme cet appartement, où, au bout de toutes les manoeuvres qu'il lui était possible de tenter, Marius n'a plus qu'une issue : la fuite (et quelle fuite! là non plus, le réalisateur ne nous épargne rien...) et la toute fin est comme une paradoxale respiration. (C'est rigolo, d'ailleurs, à ce moment je me suis dit "tiens, si j'avais fait le film, je couperais là, sec, hop! au noir". Et c'est exactement ce qui s'est passé alors. Crac, noir!)
Oui, le cinéma roumain est grand, et Radu Jude est un de ses prophètes...

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(le titre français n'est pas forcément très heureux... aurait-il mieux valu conserver le titre original Tous les gens de ma famille ?)

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