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lieux communs (et autres fadaises)
14 août 2014

feux d'artifice en plein jour

BLACK COAL
de Diao Yinan

J'y suis allé deux fois de suite. Parce qu'à la première séance, le jeudi à 20h30, je me suis endormi comme une grosse buse (comme un gros hibou serait plus juste, non ?) après vingt minutes à peine, le genre de sommeil papillonnant qui vous fait fermer les yeux de quelques secondes à beaucoup plus longtemps, vous réveillant de temps en temps juste pour choper une image, un détail au vol, pour replonger ensuite sans rien pouvoir y faire. Très frustrant. car ce que j'ai pu en voir au début, (en clair) à la fin (idem) et au milieu (en tranchinettes, donc) m'a donné vraiment envie de voir le reste, de tout voir, de tout comprendre, tellement je trouvais ça bien.
Black coal (encore une histoire de titre : le titre "international" complet est Black coal, thin ice (Charbon noir, glace fine) alors que le titre chinois est -hasard- celui que j'avais choisi  pour ce post en sortant de la première projection, "Feux d'artifice en plein jour", vous comprendrez pourquoi à la fin du film) est un film étincelant. Comme les patins à glace dont il sera beaucoup question, il est dur, coupant, brillant. Tschak! Il progresse avec ce bruit caractéristique (les bruits, la bande-son, sont très fouillés, très présents dans le film, surtout dans le bôô cinéma où on nous AVAIT MIS LE SON A DOOONF!) et plaisant que produit le frottement du métal sur la glace, et prend de la vitesse, nous emporte, sinue, zigzague, dérape (encore un beau bruit), repart... on est fasciné.
Techniquement, c'est vraiment époustouflant, de bout en bout (je ne suis pas encore remis de cette sublime transition temporelle de 5 ans, juste en faisant sortir une voiture d'un tunnel), le réalisateur empoigne la lumière, les matières, les sons, et même les accessoires (combien de fois aura-t-il fallu retourner la scène pour que cette bouteille de bière envoyée valdinguer d'un coup de pied descende impeccablement les escaliers jusqu'en bas ?) pour nous empaqueter/enrubanner de la façon la plus bluffante cette histoire de cadavre découpé en morceaux et balancé soigneusement aux quatre coins de la province qui nous roule dans la farine dans le charbon dans la neige jusqu'au bout.
Tout ça dans une Chine qui a depuis longtemps abandonné les kimonos et les les dragons d'or, une Chine hivernale, engoncée dans le froid la grisaille et la crasse, une Chine avec des accès de violence furibarde aussi inattendus que terrassants (mais, depuis les récents Touch of sin ou People mountain, people sea on a un peu comme qui dirait l'habitude, oui, Alex, tu peux te cacher les yeux!), une Chine contemporaine où c'est dur surtout pour les pauvres (et il y en a beaucoup) , où il faut gratter un peu de tous les côtés, et se démerder pour tenter de s'en sortir, ou du moins de résister un chouïa, une Chine cinématographique, enfin, où la réalité la plus banale peut soudain devenir inquiétante (des traces de pas dans la neige, une nacelle de grande roue, un camion de charbon),  où des femmes mystérieusement belles vous font passer des billets vous priant d'arrêter de les suivre, où les flics mangent des pastèques en en foutant partout, où l'on dégomme les gens à coups de patins à glace, où on trouve des yeux (de gens) dans sa soupe censément "au boeuf", où un flic peut (re)devenir un ouvrier alcoolo, où on baise dans le froid d'une nuit d'hiver saumâtre, où une simple patinoire peut devenir aussi grandiose que La porte du Paradis...
Je ne sais pas pourquoi ce film me fascine autant.  Put-être parce que tout m'y plait. Les plans-séquences qui prennent leur temps, les quelques scènes de violence, l'économie des mots,  les personnages  plutôt opaques, mais, justement, attachants, dont on n'est jamais tout à fait sûr de comprendre ce qui..., pourquoi..., qu'est ce que... (comme disait Boby Lapointe "on dit que l'amour même sans amour c'est quand même l'amour..."), les lumières chiadées et le son encore plus, les accélérations soudaines du récit, et ses demi-tours au frein à main (sur la neige ça donne de sacrées belles glissades). Peut-être aussi parce qu'il est difficile à étiqueter : des flingues des flics un meurtre une enquête, mais ce n'est ni un polar ni un thriller. pas que. C'est... davantage. Un sacré beau personnage complexe d'ex-flic confronté à un autre sacré beau personnage de femme mystérieuse, et à un autre, encore plus mystérieux, de tueur/tué/mort/pas mort/ par amour et dans l'ombre.
Surtout un splendide objet filmique,jamais complaisant, oui,  un grand beau film incontestable, à ranger sur l'étagère (très haute) où j'ai déjà posé A touch of sin et People mountain, people sea.

041503
l'affiche qui a été choisie pour l'exploitation française et qui me semble un peu "menteuse", comme si elle voulait évoquer  un mélange de

epouses-et-concubines-20110420092708

et de

18866499

(alors que pas du tout du tout...)

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