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lieux communs (et autres fadaises)
4 mai 2015

je suis content(e) de savoir que vous allez bien

UN PIGEON PERCHE SUR UNE BRANCHE PHILOSOPHAIT SUR L'EXISTENCE
de Roy Andersson

A quoi ça tient parfois, hein...
Je viens de relire le post que j'avais écrit qur son précédent film, Nous les vivants, et je pourrais carrément presque tout recopier à la virgule près, SAUF là : "On aimerait que ça dure davantage (on ne voit pas le temps passer)."
Figurez-vous que là c'était tout le contraire, j'ai trouvé que ça durait trèèèèèèès longtemps, (le syndrome "Tiens, là, ça serait bien que ça s'arrête...") et je me suis emmerdouillé. Roy Andersson persiste dans l'observation de l'homo sapiens (mais pas rigolans) et c'est...  sinistre (c'est voulu, je sais mais n'empêche que j'avais le sentiment que tout ou presque était lourd - ou tombait à plat-). C'est très désespéré (et -rant, donc, aussi) et du coup ça nous laisse désemparé (comme si le réalisateur nous tendait un miroir et nous disait "Allez, vas-y, rigole!".)
Sans doute ni le bon jour, ni l'humeur adéquate (j'avais pourtant fait courageusement 50km sous la pluie en écoutant Anaïs Demoustier sur France-Cu, juste pour le voir). Comme Nous les vivants, cette même sensation de bric-à-brac, d'empilement, de méli-mélo, de bout-à-bout de machins (et peut-être que, justement, l'effet de surprise ne jouait plus cette fois-ci), ce même travail chromatique (j'ai appris entre-temps qu'il s'agit de désaturation) qui fait que tout, absolument tout est beigeasse (Nous les vivants était plutôt dans les verdasses), même la figure des gens (comme enterrés). Certains personnages reviennent (contrairement à d'autres qui ne font que passer, ou trépasser, ou juste outrepasser -le roi...-), et servent vaguement de fil rouge (deux vendeurs ambulants de farces et attrapes tout droit sortis de Beckett ou avoisinant).
Reste le sentiment de profonde et sourde étrangeté (je suis persuadé qu'un autre jour, j'aurais pu trouver ça génial) qui ne suffit pourtant pas, parfois, à faire passer le temps plus vite...
Et, pour moi, un cas d'école d'éthique cinématographique : une longue scène vers la fin, avec des militaires en tenue coloniale, qui font entrer au fouet des Noirs (hommes femmes enfants) dans un étrange cylindre de cuivre percé de pavillons acoustiques (comme les anciens gramophones), les y enferment, puis allument un énorme feu dans la fosse qui est sous le cylindre, qui se met lentement à tourner, en produisant une musique multiforme et troublante (on voit la fumée noire au dessus du cylindre qui tourne). La scène est  effroyable, épouvantable, évoquant dans le même temps le colonialisme et la Shoah (vus par Plonk et Replonk), d'autant plus qu'y assistent, impassibles et silencieux, des "dignitaires" auxquels on sert cérémonieusement du champagne. Cette scène, je l'ai trouvée vraiment dérangeante, intolérable. Jusqu'à ce que (scène suivante) on s'aperçoive que c'est un des deux olibrius des farces et attrapes, assis piteusement sur le coin de son lit, qui explique à son comparse qu'il "a vu quelque chose d'affreux" . Et là, à ce moment, en mon for intérieur, je soupire de soulagement en disant "Ah booon, ça n'était qu'un rêve, ouf!", et, me tirant mentalement par l'oreille et m'interrogeant juste après "Mais pourquoi, ça rend la chose plus justifiable ? ou juste plus supportable ?,  déjà avant, c'était du cinéma, non ?"  Ca m'a, comme on disait chez Brétécher, "interpellé" mais  j'ai arrêté là l'introspection et le questionnement.
Il n'y a pas à dire, Roy Andersson fait bien du Roy Andersson, strictement, et cela peut, pour certains,  tenir  du procédé et du/de la mécanique. Et agacer. Il ne fait que reproduire "son" système. On peut quand même lui reconnaître un talent multi-casquettes, non ? (pluricul/multimed, comme le titre de cette catégorie, protéiforme dirait Téléramuche) : Ballet, peinture, comédie musicale, théâtre "moderne", film en costumes, sculpture, expérimentation scientifique, création sonore...  (Mais reprocherait-on à Godard de faire du Godard,qui peut lui aussi être considéré comme un applicateur de "procédé",un reproducteur de "système", non ?)
Mais, bon, quand même, ils avaient fumé quoi, à Venise, quand ils lui ont décerné le Lion d'or, hein ? J'aime bien la conclusion de Julien Gester, dans Libé : "Un jury taquin présidé par le compositeur Alexandre Desplat lui a décerné le Lion d’Or de la dernière Mostra de Venise, dans un probable accès d’extrême mauvais esprit." (je viens de regarder la liste de films en compétition, il n'y avait, à première vue, effectivement pas de grande grande chose qui aurait été injustement oubliée...). Oui, mais bon.
Nihilisme et cinéma sont dans un bateau...

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