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lieux communs (et autres fadaises)
29 mai 2015

grande distribution

LA LOI DU MARCHE
de Stéphane Brizé

La bande-annonce m'avait agacé, "Je ne peux pas croire que Vincent Lindon va vivre avec 500€" m'étais-je dit. Je suis très premier degré, je sais, et il s'agit alors de son personnage (mais bon, n'empêche c'est lui qu'on voit, hein), et j'en étais là de ma (!) réflexion, lorsque je me suis laissé influencer par la lecture d'interviews du même Vincent Lindon (l'acteur, donc), et de Stéphane Brizé (le réalisateur), et de certains échos critiques cannois (peut-être était-ce pour compenser le fait que contrairement à l'ensemble du monde du cinéma, je n'étais pas à Cannes, mais à Paris). J'y suis donc allé (le dernier matin, quand même, le temps de me décider!) et j'en suis sorti plutôt admiratif. Carrément. Lindon est de tous les plans, c'est le seul "vrai" acteur (professionnel) du film, et il est vraiment impressionnant. Autant des fois il ne me convainc pas (récemment dans Journal d'une femme de chambre) autant là il est d'une force et d'une plausibilité qui laissent baba.
C'est l'histoire d'un mec qui galère, une histoire simple, chronologique, rectiligne, que le réalisateur raconte en plans-séquences, en blocs pas toujours consécutifs, laissant des espaces dans la narration comme l'eau entre les pierres posées en travers d'une rivière qu'on devrait traverser. Le réalisateur prend d'autant plus de temps à l'intérieur de chaque plan-séquence qu'il peut ensuite ne pas en accorder du tout à une scène "à faire", une scène qu'on attendait et qui, finalement, s'est déroulée en off, hors du temps du film (et c'est très bien comme ça). Pôle emploi, banquière, entretien d'embauche via skype, session de commentaire de vidéo de demande d'emploi, tout y est. (Le parcours du chômeur est aussi balisé ici que l'était celui du jeune délinquant dans La tête haute, mais l'esprit -et le résultat- sont complètement différents, et le fait d'utiliser des acteurs non-professionnels qui jouent leur propre rôle y est pour beaucoup.)
Après un de ces "sauts de pierre" dont je parlais plus haut, on retrouve notre héros en fonction (et en costard-cravate) : vigile dans un grande surface. Ce sera toute la seconde moitié du film : l'observation au plus près de ce microcosme, de la façon dont les "petites gens" sont pressurées (pas seulement les voleurs de marchandises, mais le personnel même du magasin, fliqué lui aussi par les caméras de surveillance.) Encore une histoire de pouvoir, de politique, et de gros sous. L'exigence du rendement, de la rentabilité. Le même jeu, toujours, du mépris et de la manipulation. De l'asservissement. Une observation clinique d'une situation tristement banale, de la capacité d'encaisser tout ça sans broncher, de faire monter doucement le curseur sur l'échelle de l'indignité jusqu'au point de rupture.
Du cinéma "social", donc, mais avec une approche moins roublarde, moins "glamour" que La tête haute, juste plus sec, plus frontal (et, paradoxalement, plus violent), dans cette volonté d'insérer un unique personnage de "fiction" dans un environnement documentaire (et j'adore toute le partie en caméras de vidéo-surveillance).
Vincent Lindon incarne vraiment ce personnage-là, il est extraordinaire dans cette proximité (familiale et professionnelle), dans cette densité, dans cette justesse (à défaut de justice).
Et la scène finale est à la hauteur du film...

073359

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