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lieux communs (et autres fadaises)
26 août 2015

coq en pâte

JE SUIS A TOI
de David Lambert

J'adore ce genre de (petit) privilège : recevoir par la poste un dvd en avant-première, surtout quand il s'agit d'un film qu'on a très envie de voir. C'était le cas avec ce deuxième film de David Lambert (dont j'avais déjà vu et apprécié le HORS LES MURS, avec Guigui Gouix d'amour, et qui était même venu le présenter, lors du défunt Paris film festival, me semble-t-il, je ne me souviens jamais de l'intitulé exact.)
Merci donc à Outplay, le gentil distributeur, d'avoir pour nous ces tendres attentions...
Le film démarre sur la formation  d'un couple improbable : un jeune prostitué argentin maigrichon (on sait tout ça, crûment, dès les premières images, attention FAQV!) est accueilli à l'aéroport par un gros boulanger belge qui le ramène chez lui pour l'y installer. Un bon gros boulanger aux bons gros yeux transis d'amour pour ce petit machin nerveux pour qui ce n'est visiblement pas réciproque... On assiste à la mise en ménage de ce couple désaccordé, sous les yeux sceptiques non seulement de la belle vendeuse de la boulangerie, mais aussi peu ou prou de toute la communauté de ce petit village wallon. visiblement tout le monde ici sait que le boulanger est pédé et ne s'en émeut pas davantage.

Lucas, le jeune argentin, est comme un gamin : il boude, il fugue, il revient... Mais "nécessité fait loi...", il n'a rien d'autre que ce que lui offre Henry, LGBT (le gros boulanger transi hihihi). On suit donc les aléas, les va-et-vient, les allers et retours du sale gosse argentino (avec une irrésistible petite tête de furet aux yeux de chien battu) qui se stabilise peu à peu à mesure qu'il s'intègre dans le paysage et prend la couleur locale (on l'entendra à la fin du film parler avec l'accent belge).
Ca c'est pour la première partie. (On peut dire que le film est découpé grosso modo en trois blocs narratifs (qu'il est dur de préciser davantage sans déflorer (ouch!) le reste du film). Disons que David Lambert a l'intelligence d'utiliser des ressorts scénaristiques attendus en ne les faisant pas jouer  forcément de la façon qu'on aurait cru. Dzoïng! ca rebondit, mais ça part dans l'autre sens. Et c'est ce qui fait la force de Je suis à toi (titre délicieusement ambigu -ironique ?- , d'autant qu'il est plutôt d'habitude utilisé dans l'autre sens justement : on entend beaucoup plus souvent dans les films "tu es à moi" que l'inverse...).
Trois beaux personnages principaux qu'on pourrait résumer par "le boulanger, la boulangère, et le petit mitron", incarnés par trois acteurs touchants : Nahuel Perez Biscayart est le petit puto, Jean-Michel Balthazar le  patron imposant, et la très belle Monia Chokri le charmant détonateur (catalyseur ? mais il faudrait mettre ces mots au féminin... En tout cas, entre Les amours imaginaires et Laurence anyways, cette demoiselle va finir par être cataloguée fille à pédés lol).

Un film attendrissant, que j'ai trouvé plus convaincant (abouti ?) que Hors les murs (dont je n'aimais pas du tout le volet sm-ceinture de chasteté et tout le bazar) et qui parle -justement- de l'amour, des (dés)illusions, de la solitude, des espoirs (désespoirs aussi) qu'on fonde, et chantonne (oui, on y chante plusieurs fois) comme le résumait il y a très longtemps Jean-Daniel Pollet : L'amour c'est gai, l'amour c'est triste. Et David Lambert réussit parfaitement le dosage du rose et du gris, sur une palette très personnelle qui va du loufoque au mélancolique, du lumineux à l'opaque, du trop-vu au pas-assez-montré, qui appelle vraiment un chat un chat, une bite une bite, et un prostitué un prostitué (sans toutefois que le mot soit prononcé). Le pire c'est qu'on n'arrive même pas vraiment à lui en vouloir, à ce Lucas, qui, pourtant, mériterait de temps en temps une bonne fessée. Des bites, on en voit plusieurs fois (comme aurait dit Jean-Louis Bory "en divers états de majesté", mais c'est toujours juste -et justifié- : à ces moments-là il s'agit de sexe, il n'est pas question d'amour.) Et le fait d'avoir choisi Monia Chokri fait résonner comme un lointain écho des Amours imaginaires, justement. Un triangle amoureux diffracté autrement (assez tchékhovien, finalement : Machin aime Truc qui aime Chose qui aime etc.) avec un dosage précis (raisonnable) de sucre et d'amertume, juste ce qu'il faut de chaque. Chacun sa recette ("en Argentine, on le fait avec des coings, mais là j'en avais pas alors j'ai mis des pêches...") et on se débrouille... Et le fait d'avoir situé l'action dans une boulangerie ne peut que faire venir à l'esprit des expressions comme une bonne pâte, ou  comme du bon pain, qui appellent la gourmandise. Bref un film qu'on a envie de recommander chaudement (comme à la sortie du four.)

Une belle histoire d'amour(s) (car de l'amour il y en a, et même au pluriel, au moins un particulier pour chaque personnage, chacun le faisant ou l'imaginant à sa manière) que David Lambert, en bon artisan prend le temps  de tourner, de retourner, et de détourner (car il y avait a priori dans Je suis à toi tous les éléments du parfait mélo : amour non partagé, affres et déchirements, maladie, souffrance) pour ne finir ni sur un total youp la boum pénible et irréaliste ni sur un déchirement lacrymal excessif tout aussi insupportable.  Ca finit très doucement, "comme dans la vie" aimerais-je pouvoir écrire, sur deux très jolies scènes : une valse dans l'arrière-boutique de la boulangerie et un baiser par-dessus un bar...
Le pain, la bière, l'amour, et des chansons!... Un prototype de film belge vous dis-je!

177064
Personnellement j'aurais mis l'image du bas au milieu, c'eut été plus juste pour la lecture... mais bon, ce que j'en dis, hein...

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