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lieux communs (et autres fadaises)
19 octobre 2015

vitamines prénatales

LES SECRETS DES AUTRES
de Patrick Wang

On l'avait programmé cette semaine (en même temps que Much Loved, joli duo), il ne passera que trois fois, c'était ce soir la première, à 18h15, et j'avais tout particulièrement envie de le revoir.
On y était six (tant pis pour les autres), et, à la sortie de la salle, on est resté trois à en parler. Visiblement le courant était passé pendant la projection (et j'ai même eu droit à des compliments au nom de l'association de la part d'un monsieur de Luxeuil pour la qualité de notre programmation et de la chance qu'il avait de pouvoir en bénéficier -j'en ai rosi intérieurement-).

Ce qui m'avait touché à la première vision m'a bouleversé cette fois-ci. Peut-être juste parce que c'est une histoire de famille (et que peut-être, finalement, je réalise que ça me manque, "quelque part"...). Une famille filmée avec une incroyable délicatesse, une extrême sûreté de trait, et une puissance formelle camouflée sous une apparente simplicité, facilité.
Une oeuvre d'art.
J'étais très attentif au découpage des scènes, à la façon dont les plans s'agençaient (et pensant "découpage" j'ai eu alors en tête d'abord les ribambelles de silhouettes, puis ces dentelles merveilleuses qu'on arrive  parfois à réaliser sur des papiers pliés -les effets conjugués de la symétrie et de ciseaux minutieux- et qu'on est toujours étonné de voir apparaître, lorsqu'on les déplie -soigneusement, pour ne pas les déchirer- et j'associais au film de Patrick Wang la même fragilité, la même finesse, la même beauté,  bref le même émerveillement.)
Plusieurs fois j'ai pensé "ce film est précieux".
Parce qu'il réussit à parler de choses normales, habituelles, courantes (au cinéma, mais dans la vraie vie aussi) d'une façon qui l'est moins (normale, habituelle, courante), le réalisateur intervenant sur la matière même (formelle) de son récit, sans pour autant tomber dans l'esthétisme flamboyant ou l'avant-gardisme abscons. J'aime la façon qu'a Patrick Wang d'insérer les flash-backs par exemple, vous savez ces petites bouffées mémorielles qui surgissent  à la lisière de la conscience, qui affleurent soudain plop! comme des bulles à la surface du magma dans un cratère, et qui disparaissent ensuite aussi sec et la séquence reprend où elle en était.
J'aime ces personnages, chacun avec ses détails (ses faiblesses et ses forces), chacun(e) avec le petit souci de vie qui le caractérise (un gamin obèse, une gamine qui fait l'école buissonnière, un père qui a du mal à s'imposer dans le couple, une mère pas souvent là, une demi-soeur enceinte et pas forcément heureuse de l'être, un jeune voisin orphelin ...), qui l'embarrasse plus ou moins, qui le fait plus ou moins souffrir, qui le met plus ou moins à distance des autres. Car c'est bien par la relation aux autres que chacun d'eux est caractérisé.
Sans insistance, sans grossir le trait, sans forcément donner de réponse, non plus, le réalisateur mélange doucement, incorpore, (comme, en pâtisserie, lorsqu'on incorpore les blancs, cette masse onctueuse, compacte et pourtant si légère, si légèrement). Patrick Wang intègre pourtant dans sa narration des éléments a priori pas très doudoux, des accidents de vie parfois assez brutaux et douloureux, (je n'ai pas encore écrit le mot deuil, il le faut bien pourtant) mais si on pleure (et ce fut mon cas, encore plus que la première fois, je crois)  c'est doucement, c'est par solidarité, c'est intense, et ça fait du bien.

Encore une fois, peut-être que ça vient en grande partie de moi, peut-être que je projette, que cette vision de la famille je l'idéalise en quelque sorte parce qu'elle m'aura depuis un bail fait défaut -sans que je m'en sois porté plus mal à vrai dire pendant assez longtemps-. Je l'ai déjà écrit quelque part ici (et plusieurs fois même peut-être) : tout ça me semble fascinant, par ce qu'exotique quasiment, (fictionnel en tout cas..., oui, pour moi la famille relève de la fiction, celle des livres de lecture, des gravures de vocabulaire, des magazines féminins, des romans...)

Et la scène finale, celle des tournesols, est sublime (tant elle est désencombrée de pathos).

Non, je n'ai pas de réponse non plus, mais ces Secrets des autres (en VO il s'agit du chagrin, c'est plus intéressant) auront été pour moi une belle découverte, oui, un des plus beaux films sans doute de ces derniers mois (un de ceux en tout cas qui m'aura le plus touché...)

082475

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