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lieux communs (et autres fadaises)
8 novembre 2015

un mouton attaché à un piquet

NI LE CIEL NI LA TERRE
de Clément Cogitore

Les films de bidasses, j'aime plutôt bien. Ca m'attire. La promiscuité virile, la fraternité virile, les injonctions viriles, les plaisanteries viriles, les engueulades viriles, ouais, tout ça est en général très mâle et testostéroné. Et, chose curieuse, donne lieu à deux genres très différents : d'abord les bourrinades ubermusclées basses de plafond, à ras du champ de tir,  pleines d'explosions et d'affrontement guerriers exaltant la flamme patriotique, avec des couilles grosses comme des genades dégoupillées -les Ricains sont très forts pour ça- (à côté desquelles on pourrait ranger les désuettes et insupportables pantalonnades  kaki qui fleurirent dans les années 70  genre Embraye bidasse ça fume, ou les Charlots Bidasses ou même toute la série des Septième compagnie) que j'aime dirons-nous avec extrême modération, et, à l'autre extrême, des oeuvres beaucoup plus ambitieuses, plus symboliques, plus ambiguës, où le treillis ne serait finalement qu'un camouflage, presque un prétexte et qu'elles, j'adore (Beau travail, Beaufort, Yossi & Jagger, Infiltration (on pourrait créer un sous dossier "fils de bidasses israéliens") Ordinary people, Flandres, Les sentiers de la gloire, bon il faudrait que je consacre un autre post à ce thème, revenons donc à nos troufions), et dont  Ni le ciel ni la terre fait incontestablement partie.

On était peu dans la salle 4 à 18h15 (tant pis pour les autres). Je ne savais quasiment rien du film sauf l'affiche et SAUF QUE j'avais lu la critique des inrocks, en préparant pour la plaquette de programmation, et il me semblait avoir compris entre les lignes la référence à Apichatpongounet et sa Maladie tropicale (et surtout au fait qu'il n'était pas question ici de tigre mais de moutons, comprenne qui pourra) et je pensais donc que je connaissais donc le fin mot de l'histoire, ce qui m'agaçait tout de même vaguement.

Et puis ça a commencé, et il y avait des soldats, en Afghanistan, avec des Talibans cachés en face d'eux, des bons soldats dans les pays chauds, avec des gros bras et des tatouages qui roulent sur les gros muscles, et c'est Jérémie Rénier qui les commande (depuis quelques films, il a pris des allures et des mensurations de surhomme), et on ne comprend pas trop tout au début, avec le langage militaire qui crachote dans les talkie-walkies, la vision thermique des jumelles... ah si un chien disparaît, tout au début, et un homme aussi, et on a vu auparavant un villageois s'approcher de l'avant-poste des surveillances, malgré les sommations, avec un mouton. (ah ah me dis-je in petto). Très vite il s'avère que des hommes disparaissent, là, et une rencontre avec les talibans montrent que de l'autre côté aussi des hommes ont disparu, et chaque côté croit que ce sont ceux de l'autre côté qui ont pris leurs hommes...

Alors que non non.

Le film est très bien fait,  vous êtes happé, il ne vous lâche plus, et la tension grandit au fil des nuits, des bruits suspects, des disparitions successives, et des éléments nouveaux qu'un enfant va apporter, et qui ne vont faire que rendre encore les choses plus mystérieuses... On apprend que ce périmètre serait un territoire sacré, et qu'il serait dangereux de s'y endormir, et des discours sybillins sur une divinité qui prendrait les hommes font encore un peu grandir l'inquiétude. (On ne serait pas si loin, du coup, des Documents interdits, de Jean-Teddy Philippe, ne manquerait que la voix off) tandis que les événements se précipitent, que les hommes pètent les plombs, que le mystère s'épaissit, que les interrogations restent en suspens...

Du beau travail (hihi) et de la métaphysique quasi qui pointerait son nez derrière la perception rassurante de la réalité. Un film ambitieux et prenant dont les plus pragmatiques regretteront peut-être que toutes les questions n'y soient pas in fine élucidées. un film d'hommes à la fois terriblement concret, réel, sûr de lui (droit dans ses rangeos), et subtilement contaminé par des terreurs primales (la peur du noir, de l'inconnu, de l'irrationnel). Comme déposant les armes du réel aux pieds de la fantasmagorie. Anxiogène, mais captivant.

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