fête du cinémadeux
Nous continuons notre après-midi avec Joseline. Après le consternant The witch, où je l'avais accompagnée, c'est cette fois elle qui m'accompagne pour voir
THE NEON DEMON
de Nicolas Winding Refn
(qui signe son film, au générique de début, par son monogramme NWR, pas j'me la pète mais presque...). On change radicalement de lieu (Los Angeles) d'époque (aujourd'hui) et de milieu (les mannequins)... mais on garde quelques points communs : la fraîcheur blonde et virginale de l'héroïne, l'utilisation de rites plus ou moins sanglants, les perturbations animales (un lièvre diabolique et un bouc là, un chat sauvage ici) (sans oublier un petit geste aussi, quelqu'un qui recrache quelque chose -une pomme là, et un oeil ici-...).
Le film de NWR est hyper sophistiqué. Hyper mis en scène (scénographié d'habitude c'est pour le théâtre mais s'applique parfaitement ici.) Et ultra référencé. D'un côté le Lynch de Mulholland drive -pour l'aimable bécasse blonde qui débarque à L.A la tête pleine de rêves de gloire, et pour les ébats saphiques (que dans ma tête je me suis résumé : gouineries glamour, c'est mal je sais) - et Cronenberg (le deux : le père David de Map to the stars pour son dézingage des moeurs hollywoodiennes, mais un chouïa du fils Brandon aussi pour son Antiviral).
On s'en prend plein les yeux et autant pour les oreilles (Cliff Martinez signe un joli score technoïde parfaitement adapté). Le casting est principalement composé de femmes (je pourrais aussi bien écrire phasmes tellement elles sont toutes identiquement blondes et brindillesques -et pugnaces, on le vérifiera dans la dernière partie du film-. Dernière partie sur laquelle je reviendrai plus bas). Il y a peu d'hommes dans le film, donc, un fiancé par ici, un photographe par là, un grand couturier, mais, surtout, jouant le contrepoids question virilité, ce bon vieux Keanu Reeves en gérant d'hôtel pas trop regardant sur l'hygiène ou la moralité.
Notre jouvencelle donc, Jesse (jouée par Elle Faning, jeune soeur de la Dakota du même nom mais que je ne connais pas plus que ça) débarque donc comme ça à L.A avec juste ses jolis yeux et ses non moins jolis cheveux blonds. un genre de perfection angélique et diaphane (comme Julie Delpy dans Mauvais sang...) et voilà que tout lui sourit et lui réussit, tout le monde est impitoyablement séduit charmé désarmé comme quand la petite chèvre de Mr Seguin arrive dans la montagne : "Ce fut un ravissement général"...
Mais les places sont chères, et les coulisses des défilés et des shootings vont se révéler des passages dangereux et/ou propices aux embuscades...
Le film tient son cap "Mulholland Drive" pendant un moment jusqu'à un certain défilé où vont se passer des choses qu'on ne comprend pas tout à fait (un peu à la façon du "c'est bleu c'est rouge c'est Broadway!" cher à Reiser) et ça ne fait que commencer. La mise en scène est toujours aussi sublimement sublime, mais c'est comme au détriment de la narration, qui commencerait à se fendiller, à devenir instable, et dont l'épiderme trop lisse et bien trop (bien trop ?) maquillé apprêté laisserait entrapercevoir des choses qu'on ne soupçonnait même pas, alors les comprendre, pensez donc...
Jesse a commencé à prendre ses marques dans cet univers fabuleusement factice, elle gère son reflet comme une pro, et sa candeur camomillée idem. Et je ne parlais pas de la chèvre de Mr Seguin tout à fait par hasard, parce que bien sûr le loup va se ramener, et il va faire passer un sale quart d'heure à qui de droit.
Le fameux quart d'heure final, qui a fait tant glapir gloser hurler hystériser s'époumoner cannesquement que, finalement, on en resterait presque, pervers glouton spectatorial affamé qu'on est, sur sa faim, justement. "Ah bon c'est ça, le scandalous ?". NWR nous la joue un peu trop chic et timoré semble-t-il, et du coup ça perd un peu de sa force. La scène "de la baignoire et de la douche" est quand même plutôt soft et retenue, comme si le réalisateur ne s'était pas autorisé à en montrer juste un peu plus (Bruno Dumont l'a bien osé -et réussi-, par exemple, ah oui pardon Ma Loute était une comédie donc ça passe mieux...). Je n'avais pas voulu trop en lire avant (le minimum donc, juste la bande-annonce et quelques mots glanés dans les échos cannois) ce qui fait que je m'étais fait un film, et qu'il ne correspond pas vraiment (tout à fait) avec ce que j'ai vu.
Une seule certitude : ça secoue. (Les copines qui m'ont vu à la sortie ont trouvé que j'en faisais une drôle de tête...) Et c'est un peu plus convaincant que Only god forgives. Même si la seconde partie n'est pas totalement convaincante (euphémisme pudique).