Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
lieux communs (et autres fadaises)
15 juin 2021

clafoutis

FIRST COW
de Kelly Reichardt

Pour parler franchement, il y a des films que je vois avec plus de ferveur que d'autres, (presque de religiosité), et celui-ci fait partie de ceux-là. Au départ parce que Kelly Reichardt, qui est sans doute devenue une de mes réalisatrices préférées, statut acquis patiemment, progressivement, au fil des années et des films. Le dernier, Certaines femmes, m'avait fait plus que forte impression (voir ). Par symétrie, celui-ci pourrait s'appeler Certains hommes, (First Cow, il faut le reconnaître, n'est pas a priori très vendeur) et, tout aussi symétriquement, je le porte aussi haut dans mon coeur que son prédécesseur.
Après un début qu'on pourrait presque reconnaître comme un clin d'oeil à Wendy et Lucy (une jeune fille avec son chien, qui découvre par hasard une tombe clandestine), on sait déjà comment tout ça va se terminer, et pourtant les deux heures suivantes vont passer comme un rêve. Dès le début on y est bien. Comme à la maison (enfin, la maison de Kelly Reichardt). Ecran presque carré, ambiance wild wild west crasseux boueux, le décor est posé. Comme semblerait le souligner la citation en exergue

(" A l’oiseau le nid, à l’araignée la toile, à l’homme l’amitié."
William Blake 1757-1827)

une histoire d'amitié, qui pourrait être comme un nouveau clin d'oeil amical, mais cette fois à Old Joy (ma porte d'entrée dans la filmographie de la dame). Deux mecs, deux "laissés pour compte" ("Personne ne veut de moi..." dit Cookie) de la rutilante et viriliste (et puante, dans tous les sens du terme)) légende américaine du Far-west, un cuisinier doudounet un asiatique poursuivi, qui s'associent (se donnent la main) pour rêver ensemble (parce que l'un a sauvé la vie de l'autre) et vivre dans une cabane de guinguois jusqu'à ce que fortune soit faite. En faisant des beignets.
Comme dans La dernière piste, (troisième clin d'oeil ?) Kelly Reichardt dégraisse le western jusqu'à l'os, et on ne l'en aime que d'autant plus pour ça. Encore une épure sidérante. Une histoire simple, re-composée en un album somptueux dont on tournerait les pages avec précaution, avec émerveillement. L'histoire de Cookie Figowitz et de King Lu  (et de "la" vache de Chief Factor, car vache il y a, l'affiche ne ment pas). La pâtisserie va jouer, à deux reprises, un rôle important dans l'histoire des deux amis (les beignets d'abord, puis le clafoutis). Et les rêves aussi, bien sûr.
C'est une chronique rurale et douce (et c'est incroyable de réussir à faire un film doux, avec ce qui s'y raconte), qu'on a beau savoir déjà bouclée d'avance, et pourtant on prend le temps de s'y poser, s'y reposer (je ne suis sans doute pas objectif, mais chaque plan, chaque cadrage, chaque éclairage frôlait pour moi une sorte de perfection), d'y... flâner. De s'y attarder.
"Less is more", ça n'a jamais été aussi vrai, jusqu'à cette ultime élégance de s'arrêter juste avant l'inéluctable. non pas par un arrêt sur image, en plein mouvement, comme dans Butch Cassidy et le Kid, (Kelly Reichardt n'en a même pas besoin), non, juste un endormissement, et c'est d'autant plus sidérant, que de finir ainsi sur un moment de repos (comme on se retirerait sur la pointe des pieds, le soir, après avoir éteint la lumière dans la chambre des enfants).
Je suis vraiment resté envouté par la magie simple (et forte) de ce film, et il me tarde d'être au 9 juillet pour avoir l'immence plaisir de le retrouver sur MUBI (avant, curieusement, sa sortie en salle le 27 octobre, ce qui veut dire sans doute qu'hélas on n'aura pas le bonheur de le reprogrammer dans le bôô cinéma mais bon, comme Cookie et son pote, on peut toujours rêver...)
Top 10, bien évidemment.

0372833

129211208

deux affiches

5f0551e3b26e8

 et une photo que j'adore

*

et , pour celles/ceux intéressés (et anglophones), le script original du film, par Jon Raymond, auteur du roman original (il avait déja signé la nouvelle dont a été tiré Wendy et Lucy), et Kelly Reichardt, tapé à la machine, et tout, que j'ai commencé à lire (c'est passionnant de lire ce qui est écrit et derepenser à ce qu'on a vu dans le film...)
et où j'ai retrouvé la citation du début du film en vo :

The bird a nest,the spider a web,man friendship.
WilliamBlake,Proverbs of Hell

Commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 384 593