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lieux communs (et autres fadaises)
30 août 2021

"j'ai vécu avec un monstre..."

FRANCE
de Bruno Dumont

J'y allais (à l'avant-première dans le bôô cinéma) avec prudence. Bruno Dumont pour moi c'est une histoire un peu compliquée, une relation "ça passe ou ça casse" (où souvent ça casse), entre des films d'où j'ai failli sortir en hurlant (L'Humanité, Hadewichj  -voir -, Hors Satan -voir -) et des sommets cinématographiques incontestables (Flandres il y a longtemps, Jeanne dernièrement).
France de Meurs, c'est le nom du personnage central, jouée par une Léa Seydoux plus qu'impressionnante. Une journaliste tévé pleine de morgue,se pavanant avec la même énergie hautaine devant les caméras (sur le plateau de "son" émission, ou sur le terrain dans "ses" reportages) ou dans les couloirs, dans les rues, dans sa maison au luxe et à la déco insensés, bref dans sa vie, partout, tout le temps.

Elle est secondée par une assistante personnelle, Lou, (Blanche Gardin, que j'étais hyper content de retrouver à l'écran) qui la suit quasiment chronomètre en main pour à la fois gérer son temps et flatter son ego, et qui la complimente, la booste, la coache avec une attention aussi maladive que laudative. Bruno Dumont a, dès le début du film, pour cette France (une conférence de presse avec Macron!) poussé tous les curseurs dans le rouge, vers le "trop" : héroïne trop belle, trop blonde, au rouge trop rouge, aux tenues trop voyantes, aux couleurs trop flashy (le film fait presque mal aux yeux par moments, tellement ça pulse, ce rose et ce jaune oh lala).
France de Meurs au zénith, imperturbable dans ses oeuvres, où l'arrogance se conjugue avec le sentiment aigu de l'autosatisfaction (la condescendance, qu'elle semble pratiquer non stop, y compris avec ses proches, son mari, Fred (interprété par un Benjamin Biolay ici un peu décoratif) et Jo son fils, -que j'avais d'abord pris pour sa fille-). France semble être toujours en train de lire son prompteur,  sur le plateau, en reportage, à la maison. Toujours en représentation. Dumont la suit sans cesse, trottinant sans cesse à ses côtés comme le fait Lou, feignant une fascination dont on se dit qu'il n'est pas dupe, mais qui du coup contamine aussi notre vision de spectateurs fascinés  éblouis (à qui on en met littéralement plein la vue), et nous voilà aussi dans nos fauteuils, sonnés, mais trottinant derrière tels des caniches nous aussi énamourés...

Du coup on n'est plus sûrs d'être dans un film habituel de Dumont (il y a tout un monde entre France et Jeanne, par exemple, le seul point commun étant la musique de Christophe -et, tiens, un plan aussi, un regard-caméra en plongée, aussi touchant dans un cas que dans l'autre-) mais on est tellement fasciné par Léa S.  (tiens, ça fait penser à une journaliste télé, justement) en surchauffe médiatique, qu'on se laisse porter et qu'on attend la suite. Ce qui débutait comme une charge corrosive, excessive, brutale,  contre l'univers frelaté des présentatrices-vedettes et des reportages bidouillés va se transmuer (le verbe m'est venu ainsi, je viens de vérifier, ça existe) d'abord en chronique sociale -tout aussi excessive- puis en mélodrame amoureux -tout aussi corrosif-, puis en psychodrame (de réseau) social -tout aussi brutal-, via l'ajout (l'irruption) de personnages dont certains commencent -enfin!- à ressembler à des personnages "habituels" de Dumont (l'accidenté et sa famille, au sujet desquels je me suis à nouveau posé la question de la "sincérité" du regard du réalisateur), tout comme certaines récurrences scénaristiques (lle bellâtre amoureux transi dont le personnage est tellement excessif et décalé qu'on le sentirait presque comme enfoncé au marteau, en force, dans le reste de la narration), pour culminer dans une dernière partie que j'ai trouvée parfaitement admirable (admirablement parfaite) du début jusqu'à la fin (le reportage dans la cambrousse saumâtre sous le vent). Après l'ascension, la chute, la rédemption ? Mais une rédemption à la Dumont (c'est sans doute là que le réalisateur se "ressemble" le plus). Notre Françounette, qui vient de s'en prendre doublement -triplement- plein la gueule, a été roulée dans la boue et les gémonies médiatiques se relève vaillamment et repart à l'assaut des moulins de l'info. Elle fait toujours dans le sensationnel, (on se se refait pas), mais elle a visiblement revu ses ambitions (j'avais écrit ambiances) à la baisse, mis son glamour en berne, passant du Moyen-Orient à la Franchouille profonde, mais avec toujours, apparemment la même conviction (détermination). Je trouve cette partie-là, je le redis, magnifique.

Un film aussi agressif visuellement dans sa première partie que moralement (ou éthiquement ou politiquement) dans la seconde, porté par une Léa Seydoux absolument fascinante. (Personnellement, je l'aurais récompensée pour son interprétation). Un grand film, certainement top 10 (Waouh!) et pour moi un des préférés de son auteur.

3730697

 

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