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lieux communs (et autres fadaises)
31 mars 2022

semaine latino 10

055
SOY CUBA
de Mikhail Kalatozov

On s'est posé la question, puis on s'est dit pourquoi ne pas oser le patrimoine, dans cette Semaine Latino 10 ? La re-sortie en copie neuve restaurée de ce légendaire Soy Cuba nous a permis d'assouvir -et de légitimer- notre fringale cinéphilique, et on s'est lancé(s). Beaucoup de curiosité d'abord face à cet objet assez singulier : la première collaboration (1964) entre l'URSS et Cuba, pour ce qui devait être un film de propagande, en noir et blanc, de deux heures vingt, en quatre histoires indépendantes (mais Hervé a repéré un lien entre la première -la copine du marchand d'oranges- et la dernière -les guerilleros dans la montagne-
Dans la plaquette de présentation, j'avais copié/collé ça, qui me semblait très juste :

"La tâche semble à priori insurmontable : convaincre le public d’aujourd’hui de se coltiner un long film en noir et blanc de propagande russe sur le Cuba pré-Castriste, et ce sur près de deux heures et demi... Même à une époque où Wim Wenders convie des centaines de milliers de spectateurs dans son Buena Vista Social Club et où les concerts d’Eliades Ochoa font salle comble dans le monde entier, la perspective d’un film signé d’un certain Mikhail Kalatozov consacré à la vie de petites gens dans le Cuba des années 50 a effectivement de quoi faire fuir jusqu’à certains cinéphiles reconnus. Tant pis pour eux. Ils passeront tout simplement à côté d’un des films majeurs de l’histoire du cinéma, rien de moins." (dvdclassik.com)

Effectivement le film est somptueux, grandiose, et le travail du chef-opérateur véritablement sensationnel (vu le poids du matériel à l'époque, certains plans-séquences semblent -encore aujourd'hui- pratiquement irréalisables et pourtant il les a faits! Le monsieur en question s'appelle Sergei Urusevsky -et il a bossé aussi sur les autres films de Kalatozov : Quand passent les cigognes et La lettre inachevée- que, du coup, j'ai très envie de voir).
Quatre segments, donc (la prostitution, l'agriculture, la révolte, puis la révolution) reliés par une voix-off féminine incarnant Cuba, disant un poème où reviennent à chaque fois les mots Soy Cuba.
J'ai eu un peu de mal dans la scène du début (boîte de nuit très très jazzy, cigarettes alcool et p'tites pépées -comme chantait ce cher Eddy Constantine- groupe d'américains puants se comportant en propriétaires, avec, surprise! Jean Bouise en french lover...) mais tout s'arrange ensuite (pour moi) dès que la musique baisse un peu... Et on se laisse aller à crapahuter (gambader ne serait pas vraiment le terme juste) à la suite du réalisateur et de son chef-op'. Et on ne peut s'empêcher d'admirer les qualités originelles du film, encore mieux mises en valeur par une restauration de haute volée. Du "film de propagande" Soy Cuba a gardé quelques candeurs et/ou maladresses accidentelles du propos (la scène de la colombe), qui pourraient prêter à sourire, mais que l'élan et le souffle (et l'ampleur) du film parviennent sans peine à transcender et à faire oublier.
Du grand cinéma.(Merci à Scorsese et à Coppola qui ont oeuvré à sa restauration et à sa resortie!)

affiche

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LA LÉGENDE DU ROI CRABE
de Alessio Rigo de Righi & Matteo Zoppis

Oh oh oh que voilà un film très très (très) barré : deux réalisateurs pour un premier film qu'on pourrait dire au goût double : une heure en italien (et en Italie), suivies de quarante minutes en español (en Argentine), avec le même personnage central : Luciano, un ivrogne barbu. Un héros de légende(s). La partie italienne est en fait une vieille histoire que se racontent en picolant  des vieux mecs avec des tronches rubicondes pas possibles (c'est sûr ils ne sucent pas de la glace), une histoire de prince et de paysans, de porte close, d'amour impossible, de soudards, de révolte des gueux, (tout ça en italien, avec des chansons qui viennent couper le récit à intervalles réguliers). Jusqu'à ce que pfffft! comme un coup de baguette magique (ou de machette, plutôt, c'est plus contondant), revoilà notre Luciano mais costumé en prêtre, au milieu d'une troupe dépenaillée de pirates et de chercheurs d'or, à la recherche d'un trésor...
La première partie était une reconstitution agreste a minima, à la fois ritalissime et universelle, dans la mouvance de ce cinema povera, bucolique et mystérieux (et barré),  dont nos amis transalpins nous envoient régulièrement des spécimens (Le Quattro Volte, 2010, mais tout autant La Pivellina (2010 aussi), sans oublier le très singulierTotò qui vécut deux fois -1998-) des films à la marge, de la marge. Un cinéma de corps, de tronches, de récits et de chansons.
Tout cela hop! escamoté dans la deuxième partie du film. On a toujours un festival de tronches mais au service d'une légende hallucinée, celle du crabe, et de la quête qui va avec, un trésor au fond d'un lac de montagne mystérieux, dont le plan d'accés était décrit dans un petit carnet obtenu auprès d'un prêtre mourant, dont le héros a d'ailleurs repris l'identité et la soutane, carnet que ledit héros transporte pieusement avec lui, non sans en avoir, au préalable mangé les deux pages qui contenaient les ultimes précisions géographiques. Comme il le résume à ses coreligionnaires (une bande de soudards hirsutes et avinés) "Je suis la carte, et le crabe est notre boussole...", lors d'une épopée cahotique et flingueuse, quelque part entre El Topo de Jodoroswki (un western "baroque" et très sanglant, où j'étais d'ailleurs sorti avant la fin) et les délires amazoniens style Aguirre d'Herzog (et de Kinski), dans une narration qui s'épure d'elle-même au fur et à mesure que ses personnages s'entretuent, pour atteindre à une sorte de sublime lyrique (avec retour à l'italien et à la prima donna du début, pour que la boucle soit bouclée, et que la conclusion vous laisse, pantelant et hagard sur votre siège tandis que les lumières se sont rallumées et que se déroule le générique de fin...)

la-legende-du-roi-crabe-affiche-1419510

l'affiche française (qui dessert plutôt le film je trouve)

AFFICHE_ROI_CRABE_page-0001

celle-ci était plus juste

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et celle-là aussi...

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059
MEDUSA
de Anita Rocha da Silveira

Un film qui m'a laissé de glace. Je m'y suis copieusement ennuyé. Je l'avais un peu vu venir puisque le distributeur, qui a un peu fait le forcing pour qu'on le lui prenne, nous avait même -gentiment- fourni un lien de visionnement, qui m'avait permis de regarder le début du film, qui ne m'avait pas captivé plus que ça (une "dystopie pop", ok...), mais je m'étais dit que c'était juste parce que c'était sur petit écran, et que ça serait sûrement plus claquant sur le grand.
J'avais donc coché la séance de 13h30, et dans la salle on était deux (2!). Si le bouche à oreille a fonctionné, il ne l'a sûrement pas fait dans le bon sens, (mais bon il reste encore une dernière séance à 18h demain). J'ai pensé (je vais encore me faire taxer d'affreux macho réac et tout et tout...) "film de filles", film féministe (ce qui n'apparaîtra que progressivement) sur la condition féminine dans un Brésil affreusement actuel) utilisant certains codes des films de genre (éclairages baroques à la Dario Argento, musique électro à la John Carpenter), mais, oserais-je dire, pour rien. Pour presque rien. All*cinoche le classe en "fantastique / épouvante / horreur", eh faudrait voir pas pousser, quand même hein! Moi je classerais plutôt ça en teen movie (teene, plutôt, puisqu'il s'agit de filles). Bande de filles, mais de filles cathos, pieuses, évangélisées, qui sortent en bande la nuit, masquées, pour bastonner les "pêcheresses", qu'elles obligent à se confesser et à regretter publiquement, sur les réseaux sociaux... Il y a, autour de l'héroïne (et de sa copine, elles chantent dans un groupe intitulé Michelle & les Précieuses) tout un gloubi-boulga de fils d'intrigues, d'enquêtes, de soupçons, de révélations, d'émois sensuels, de baisers fougueux, de crêpages de chignons, de concours de t-shirts mouillés, non j'exagère, mais il y a même des tutos de maquillage pour dissimuler les bleus (ça peut toujours servir, hein, les copines...) bref toute une accumulation, une succession, un entassement, de scènes qui pourraient commencer à être effectivement inquiétantes, et qui sont systématiquement désamorcées, souvent par des nunucheries. Comme si la réalisatrice (et avec elle la personne qui a fait le montage) n'arrivaient pas à se décider de sur quel pied cinématographique danser. Bon, malgré des qualités techniques évidentes (une scène extraordinaire, celle où toutes les femmes se mettent à crier), un film qui ne m'a pas du tout fait vibrer (sans doute parce que je manque de, je vous l'ai déjà dit et répété, second degré. Et j'en suis le premier marri, croyez-le bien).

Mais mais mais pendant tout le temps il y avait un truc qui me chiffonnait, ça m'évoquait  un autre film, je n'arrivais pas précisément à mettre le doigt dessus... J'ai fouilli sur le ouaibe (et dans mes archives), et j'ai fini par trouver :  nous avions déjà programmé le film précédent de la réalisatrice (MATE ME POR FAVOR, critique ) qui m'avait déjà mis dans le même état...

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pourtant ça jette au niveau de l'image...

Donc je conclus : Anita Rocha da Silveira, ça n'est définitivement pas du cinéma pour moi...

060
JE TREMBLE, Ô MATADOR
(ex TENGO MIEDO TORERO)
de Rodrigo Sepulveda

Il faut remercier le distributeur, Outplay, qui l'a mis aimablement à notre disposition très en avant-première (le film ne sortira que le 15 juin!). J'avais déjà eu le plaisir de le voir en ligne, lors du festival Cinélatino de Toulouse, en 2020 (finalement c'était bien le confinement, quand je pouvais assister à tous les Festivals devant mon ordi...) où il avait gagné les prix de la Critique et du Public.
Le film est centré sur la performance d'Alfredo Castro en vieux travelo (sans nom et sans âge) qui tombe amoureux d'un jeune et barbu révolutionnaire mexicain, ce au nom de quoi (cette formulation est-elle grammaticalement correcte ?) il va se prêter à toutes les folies (selon le fameux "quand on aime on ne compte pas"). Au Chili, sous la dictature de Pinochet, ça ne rigole pas... Et pourtant le film réussit à nous embarquer follement, derrière les talons-aiguilles dorés de La Loca (c'est comme ça qu'il se fait appeler). Et sur grand écran c'est, forcément, encore plus fort, et j'ai eu, à plusieurs reprises les larmes qui me sont montées, tellement le sujet me touche et me concerne (le pédé amoureux de l'hétéro, au départ, mais qui évolue doucement, tendrement vers l'étude d'une situation plus générale : que peut être, comment peut se vivre, une relation entre deux mecs ?) et tellement il est traité avec simplicité, tact et dignité. Alfredo Castro y est -véritablement- prodigieux, dans son jeu d'une extrême finesse, mais le personnage du révolutionnaire (et l'acteur qui l'incarne, Leonardo Ortizgris) est tout aussi formidablement -et symétriquement- campé : au départ un hétéro à poil dur (qui ne supporte pas qu'un autre mec le touche) qui va délicieusement se nuancer (se "déboutonner") au fil du film (jusqu'à cette ultime scène, sur la plage, qui pourrait tirer des larmes à un caillou, et ça tombait très bien de finir là-dessus cette Semaine Latino 10...
Le film, en plus, était idéal pour y figurer comme icône : une coproduction entre le Chili et l'Argentine, avec un héros (le révolutionnaire) qui vient du Mexique, et qui, à la fin du film, (re)part pour Cuba (et la boucle est bouclée...)
Et je me dis que le film est tellement formidable qu'on pourrait le reprendre pour la semaine LGBT dans le bôô cinéma bientôt, non ?

 

Capture d’écran (1983)

Capture d’écran (1982)

Capture d’écran (1981)

Capture d’écran (1980)

Capture d’écran (1979)

Capture d’écran (1984)

 

 

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