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lieux communs (et autres fadaises)
3 avril 2023

un article instructif de S.July

"Le forcing de l’exécutif sur la réforme des retraites, toutes ces journées de mobilisation syndicale dans le calme, puis la brutalité de la fin de non-recevoir ont nourri puis libéré agressivité, colère et fureur à l’Assemblée nationale et dans la rue. Après les défilés pacifiques vinrent les affrontements et les blessés, de part et d’autre.

En 1968, on avait connu cela : l’émeute d’abord, sa répression et vers la fin, l’utilisation du désordre par l’exécutif pour mobiliser toutes les opinions effrayées, lasses des ordures et du manque d’essence. Ce qui allait former le parti de l’ordre. Le préfet de police en 68 s’appelait Maurice Grimault. Il avait succédé à la fin 1966 à Maurice Papon (reconnu coupable en 1998 de crimes contre l’humanité pour la déportation des Juifs de la région bordelaise), un massacreur de manifestants, toutes catégories, ceux favorables au FLN (Front de libération nationale) comme les partisans de la paix en l’Algérie ou les républicains adversaires de l’OAS (Organisation armée secrète). Avec des cadavres d’Algériens flottant sur la Seine et des manifestants anti-OAS massacrés au métro Charonne.

Maurice Grimault, comme Georges Pompidou, le Premier ministre d’alors, défendait une stratégie de désamorçage de l’émeute. Tous deux feront de la résistance par rapport à la conception très frontale, très militaire que le général de Gaulle avait du maintien de l’ordre. Alors que l’émeute dure tout le mois de mai, aucun mort ne sera à déplorer à Paris. Dans une lettre adressée en 1968 à tous les policiers sous ses ordres, ce préfet écrivait que «frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même, en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation». Maurice Grimault donnait l’assaut aux barricades, toujours à des heures tardives de la nuit, lorsque les foules étaient moins nombreuses, et il avait théorisé qu’il était préférable de limiter le plus possible les contacts physiques entre les policiers et les manifestants, si on devait respecter le droit de manifester. Il préférait les canons à eau qui réprimaient à distance à ces unités motorisées destinées à frapper et intercepter les manifestants que des préfets successifs ont cherché à introduire dans les décennies suivantes.

Maurice Grimault travaillait à réduire les confrontations, à l’inverse de Raymond Marcellin, le nouveau ministre de l’Intérieur qui arrive Place Beauvau le 31 mai 1968, en remplacement de Christian Fouchet. De Gaulle vient de reprendre la main, exit Georges Pompidou : il nomme le 31 mai un gouvernement de combat sous la direction de Maurice Couve de Murville. De Gaulle est parti à la reconquête de l’opinion : il va incarner «le parti de l’ordre contre la chienlit». Marcellin cherchera l’affrontement de manière systématique et les policiers iront le plus souvent au contact. La révolte de la jeunesse mondiale est pour le nouveau ministre un complot… Il va développer toute la panoplie de grenades utilisées à l’époque, ce qui va de nouveau hystériser les manifestants, en multipliant le nombre de blessés. On peut augmenter ou baisser le niveau de violence de la répression dans le cadre du maintien de l’ordre. Curieusement, ce n’est pas la leçon de Maurice Grimault qui guide la plupart des ministres de l’Intérieur, mais celle de Raymond Marcellin.

Cette stratégie sera utilisée par Charles Pasqua, mais aussi par les macronistes à l’époque des gilets jaunes et elle nourrit aujourd’hui la politique de Gérald Darmanin, qui cherche lui aussi avec le président Macron à prendre la pose des défenseurs implacables de l’ordre. C’est un choix politique. Rappelons pour mémoire la mort de Vital Michalon à Creys-Malville en 1977, celle de Malik Oussekine en 1986 à Paris et de Rémi Fraisse à Sivens en 2014, sans compter les yeux perdus, les mains et les pieds arrachés. Ce n’est pas sans raison que le Conseil de l’Europe parlait récemment à propos de la France d’un «usage excessif de la force». Le pire dans l’énumération de ces victimes, ce sont les combats pour rien puisque tous ces projets ont été abandonnés, du camp militaire du Larzac à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à la centrale Creys-Malville qui n’a jamais vu le jour… Sur ce plan-là, le mal est fait. L’Etat est allé à l’affrontement, mais a renoncé à tous ces chantiers… Les gilets jaunes déchaînés qui ont en cassé l’arc de Triomphe ont, eux, obtenu une enveloppe budgétaire supérieure à celle espérée par l’Etat avec l’actuelle réforme des retraites.

Tout le monde le sait en France : les gouvernements cèdent face à la surviolence, et la répression brutale et démonstrative au final n’aura fait qu’aggraver les choses. A force de ne pas suivre la leçon de feu Maurice Grimault en matière de maintien de l’ordre, mais de surjouer les répressions, l’Etat cède toujours, mais plusieurs années après. Pire encore, cette mécanique nourrit l’idée dramatique pour une démocratie, sur le moyen terme, que seule la violence paie." (Serge July)

(c'est moi qui ai mis en gras et en rouge)

 

Commentaires
C
mais mais mais quel est ce vacarme cette tonitruance dans les limbes ??? mais mais mais c'est mon Riri la Gâchette, tout frais ressuscité (normal on est a qq jours de pâques hihihi) Quel bonheur! tu sais que pour toi la porte ici sera toujours ouverte! Bizounes!
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B
Oups, j'ai vaguement commenté et me suis retrouvé dans des limbes ?!<br /> <br /> Note bien, cher Roberto, que je m'y sens très bien dans les limbes, n'ai plus envie d'en sortir, c'est moelleux !
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