Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
lieux communs (et autres fadaises)
14 novembre 2023

viscères

185
DE HUMANI CORPORIS FABRICA
de Verena Paravel et de Lucien Castaing-Taylor

Deuxième film du Mois du Doc. A trois séances aussi puisque nous l'avons programmé en tandem avec NOTRE CORPS, de Claire Simon. J'ai cru que j'allais avoir droit à une séance privée mais est arrivée une dame qui, me semble-t-il, voit beaucoup de nos films... Deuxième film, bon, on était deux, et les réalisatrice / teur aussi, donc, numérologiquement, ça se tenait (je dois avouer que je suis régulièrement déçu par les audiences des films que nous programmons dans le cadre) de ce Mois du Doc.) Duo de réalisateurs à qui on doit l'impressionnant LEVIATHAN (2013, quand même) que nous avions programmé (peut-être même déjà dans le mois du Doc ?). Sur un bateau de pêche en pleine mer (avec le mal de mer et les éléments déchaînés qui allaient avec)
Un navire dans la tempête, c'est un peu ce à quoi on pourrait comparer le système hospitalier contemporain  qui constitue le thème de ce film-ci. Fort astucieusement, le film joue des différents niveaux d'"exploration d'un corps" : physique, littéral (les chirurgiens qui vont à l'intérieur du corps des patients) et métaphorique : état des lieux "sur le vif" d'un système hospitalier français, lui aussi en souffrance et montré tel que, sans prendre de pincettes, avec des praticiens "en action", qu'ils soient en train de pratiquer (des interventions) ou de les commenter. Des corps en souffrance.
On peut être un peu décontenancé au début du film, qui louvoie un peu avant de nous immerger franco dans le vif du sujet (scalpel en main). On suit d'abord un vigile, accompagné d'un chien, filmés nerveusement (on a déjà vu les deux réallisateurs à l'oeuvre sur LEVIATHAN, et on était vraiment dans le bateau, jusqu'au cou et même un peu plus haut...)
Ici, le résultat est moins immédiatement immersif (même si j'adore cette mise en jambes initiale, sauf qu'elle aurait tout à fait pu être le début d'un autre film, qu'importe...) On aborde ensuite le monde hopitalier (si je souviens bien) en plan fixe et derrière une vitre dépolie, où l'on écoute des infirmières parler, de ci, de ça, de leur travail, de leurs problèmes...
Ce que j'apprécie, c'est qu'il n'y a pas d'intertitres (c'est seulement au générique de fin qu'on découvrira toute la palanquée d'hôptaux, cliniques, et services hospitaliers divers) et qu'on suit donc, en observateur captif, la suite (l'alternance) des scènes, gens vus du dehors (dans les couloirs) ou du dedans (microcaméras embarquées, dont on suit le périple parfois en temps réel et en son direct, et (moment de déglutition) les scènes au bloc opératoires, filmées avec toute l'objectivité (la crudité) et la proximité nécessaires pour parfois vous pousser à mettre votre main devant vos yeux pour ne pas tout à fait voir (les deux moments les plus emblématiquement malaisants étant une césarienne -filmée de a jusqu'à z- et une intervention pratiquée sur un jeune homme auquel on visse une double série de boulons -et les deux tiges parallèles qui s'y insèrent - le long de la colonne vertébrale (ou de la moëlle épinière ?).
Il y a aussi moins viscéral, un contrepoint humain (deux mamies dont l'une accompagne l'autre trèèèès doucement le long des couloirs, et aussi ce monsieur, qui relève visiblement de psychiatrie, qui réussit à se faire libérer de sa chambre, et qu'on retrouvera à la fin en compagnie d'un, puis deux infirmiers, chargés de la lui faire réintégrer.
Les scènes de couloirs ont ceci de spécial qu'elles sont accompagnées par ce qu'on pense être reconnaître comme le cri d'un paon, répétitif, stressant à la longue, mais qu'on découvrira à la fin de la séquence issu de la bouche d'une patiente, qui souffre et qui le manifeste.
L'hôpital, quoi...
J'ai pensé à une autre scène d'hôpital qui m'avait parfaitement terrifié, celle de L'ÉCHELLE DE JACOB (à base de brancards, de roue qui  couine, de sous-sols labyrinthiques, de patients, qui n'était finalement pas si éloignée de la version "clinique" -et objective- que nous en donnent ici V. Paravel et L. Castaing-Taylor).
Un film impressionnant, malaisant, hyper-réaliste. Une immersion brutale (et partiale ?) vertigineuse dans un univers parfois déstabilisant qu'on n'a pas l'habitude de voir appréhendé de si incisive façon. Où les deux réalisateurs confirment l'acuité de leur regard.

0494475

Commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 384 778