Bílý Potok
ALOIS NEBEL
de Tomás Lunák
Une merveille.
Je ne suis pas a priori trop porté sur les films dits d'animation, et pourtant chaque année au moins l'un d'eux m'enchante. Valse avec Bachir, Mary et Max, Sita sings the blues... Alois Nebel est le nouveau venu dans ce petit panthéon. Dès le permier instant, le premier son, la première image, j'étais captif, les yeux et les oreilles béants, avides de n'en rien en perdre...
Du noir et blanc, un train qui s'approche, une texture d'image inhabituelle, soulignée d'un grain de voix particulier... Oui, captif. Je suis capable de tomber amoureux d'une voix, surtout au cinéma, et ce fut instantanément le cas de celle du personnage, qui ouvre ainsi le film, à réciter des horaires de chemin de fer tchéchoslovaques (si si!). Je n'y peux rien, j'adore les voix qui chuchotent à l'orée des films (ah, celle de Javier Bardem au début de Biutiful!)
Elle est la clé qui vous ouvre l'univers noir et blanc (magnifique) de ce film. Une histoire complexe (le film est l'adaptation d'une BD en trois volumes) à cheval sur deux époques (1945 et 1989), dont le personnage-titre est chef de gare dans un patelin genre trou du cul du monde.
Un homme taciturne, solitaire, comme prisonnier du brouillard de sa mémoire. Qui va se retrouver, justement, confronté à un personnage issu de ce passé, un personnage en fuite, traqué par les autorités, au sein de l'univers "riant" de la Tchéquoslovaquie, au moment de l'arrivée au pouvoir de Vaclav Havel. Une histoire qui sera progressivement reconstituée (il faut être particulièrement attentif, aux indices visuels autant qu'auditifs).
Un travail titanesque sur l'image (chaque plan a d'abord été filmé "en vrai" puis redessiné à la main) fait de ce premier film de Tomás Lunák un roman graphique d'une beauté sidérante et totalement originale. On est, en tant que spectateur, sollicité (mobilisé) en permanence, à la fois pour comprendre ce qui se joue (quelle histoire, quelles histoires, quels liens, quelles personnes) et apprécier la richesse (plastique, esthétique, graphique) de ce qu'on est en train de voir.
Un pur bonheur de cinéphile.
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