Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
lieux communs (et autres fadaises)
11 mai 2010

rossignol tout court

LES MURMURES DU VENT
de Shahram Alidi

Ce n'est pas si souvent qu'on a (que j'ai) l'occasion de chroniquer un film irakien... Le premier c'était il y a juste un peu plus d'un an ("A travers la poussière"), qui avait été visiblement réalisé pour une (toute petite) poignée de (c'est quoi l'unité monétaire en Irak ?) dinars (merci gougueule), tandis que pour celui-ci le réalisateur semble avoir été un petit peu plus à l'aise...
Un film sur le génocide kurde perpétré par Saddam Hussein, qui fait froid dans le dos (ce post a failli s'intituler "enterrés vivants" tellement cette barbarie semble inimaginable aujourd'hui et pourtant -et pourtant...-) mais que le réalisateur a choisi de traiter... obliquement... Evitant le choc frontal du réalisme réaliste, il modifie la forme de son message, un peu à la façon d'une calligraphie que seuls les natifs pourront lire exactement, tandis qu'à nous, spectateurs occidentaux, si l'on en apprécie dès le premier coup d'oeil les indéniables qualités graphiques et plastiques, il sera beaucoup plus difficile d'en comprendre toutes les sinuosités,les trajets, les allers-et-retours, les circonvolutions, bref ce qui est le plus signifiant et ce qui l'est moins.
Formellement, on ne peut pas ne pas penser à Kiarostami (mais un Kiarostami qui aurait un discours disons plus... politique) par moments (une bagnole qui roule dans la caillasse...), mais Shahram Alidi sait s'en démarquer par une identité visuelle (et narrative) forte : s'il centre son discours sur la parole individuelle et sa transmission (orale, l'enregistrement sur cassette, la transmission par radio) mais aussi écrite : une lettre sur le plastique boueux d'un 4x4 déglingué, des poèmes sur le mur d'une maison en ruines, un itinéraire  sur un avant-bras), il le construit et l'élabore en plans lumineux, vibrants, émouvants... Le message est l'épine dorsale de ce récit dont le héros est un ex-facteur qui, ne pouvant plus acheminer de lettres, se sert d'un vieux radio-cassette pour acheminer les correspondances de ses concitoyens.
Avec, last but not least, le méta-message que constitue le film lui-même.C'est vrai que la forme en est belle. Il serait question ici juste de poésie. De pudeur et de distance.  Pas facile de choisir en quels termes parler de ça... Shahram Alidi a choisi l'ellipse et la métaphore, et bien lui en a pris. L'horreur est en creux, l'horreur est derrière, l'horreur est en filigrane, hors-champ,mais toujours présente,  juste à côté.
On passe ainsi de conversations triviales, ordinaires, parfois cocasses, (filmées en plan rapproché) à des compositions d'ensemble à couper le souffle, le plus souvent silencieuses. On passe du réalisme à la stylisation, de la chorégraphie à l'allégorie, de la poussière à la lumière...  Avec des plans lyriques, d'autres contemplatifs, et des sautes de rythme pas toujours bienvenues qui parfois  ralentissent inutilement le récit.Un certain talent d'équilibriste, donc, qui vous fait sortir de là les yeux un peu mouillés, et donne vraiment envie d'en savoir plus sur ce réalisateur.

19253022

Commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 384 691