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lieux communs (et autres fadaises)
6 février 2011

noir foncé

MY JOY
de Serguei Loznitsa

Il y a des films qui n'ont pas de bol. My joy en fait indiscutablement partie. Un titre français (!) idiot, une première semaine d'exploitation calamiteuse, nous on le programme dans le bôô cinéma (on a un faible pour les films éclopés), le directeur oublie de téléphoner pour le réserver pour la semaine prévue, et le reprogramme donc la semaine suivante, mais sur une combinaison (gagnante!) de deux (oui, 2!) projections : une le mercredi soir et une le jeudi après-midi, sans qu'on ait le temps de prévenir qui que ce soit ou presque. Résultat des courses, ce soir on était dix. Pourtant le hall était plein à craquer, mais ils allaient tous voir Rien à décl*rer, qui lui, n'a que quarante séances et des poussières sur la semaine... (trêve de gémissements).
On était prévenus, le film est noir. très noir. A ce degré-là, se dit-on en sortant, ce n'est plus du noir, c'est de l'opaque. De la quintessence de noir solidifiée, un mur contre lequel le réalisateur nous tapoterait la tronche (comme dans la bande-annonce de A serious man).
On le sent dès le générique, où un mec se fait jeter dans le béton frais sans autre forme de procès. La scène d'ouverture (un routier prend son camion pour aller livrer on ne sait quoi on ne sait où) est ensuite la seule à être dénuée de toute tension,  on est dans une réalité "normale" mais cela ne dure pas. A partir du moment où il (le routier) est arrêté par deux sales flics (ils sont dès la première image identifiés comme tels) le récit est pris dans un engrenage narratif et structurel où chaque violence en appelle une autre, jusqu'à la scène finale, qui ne fait pas dans la dentelle ni la demi-mesure : à ce degré de nihilisme, il s'agirait peut-être d'humour ? (noir, bien évidemment).
Le réalisateur (ukrainien), venu du documentaire (une scène -la plus belle du film peut-être-, pourrait le confirmer : quand le routier arrête le camion sur la place du village, et que la caméra panote alors sur les visages des gens qui y sont présents...), et qui sait visiblement tenir une caméra (le film est très souvent en caméra portée, et on en aurait presque parfois, un peu mal au cœur) enchaîne donc les scènes suivant un schéma répétitif (une -ou plusieurs- personne(s) en rencontre une ou plusieurs autres, et on sait que ça va fatalement mal se terminer), sans nous laisser le temps de respirer, à chaque fois, on est inquiet, on attend le pire, qui finit par hiver.
La progression du film suit celle des saisons, et finit d'ailleurs -littéralement- dans un noir aussi complet qu'hivernal, mais on se déplace aussi dans le temps et dans l'espace. Il faut être attentif constamment, pour remettre  chaque chose à sa place dans la trame narrative (et c'est grâce à Catherine que la scène du petit gamin en blanc a in extremis trouvé sa justification), puisque le routier qu'on suit au départ va voir son itinéraire zigzaguer et rebondir parfois aléatoirement, en fonction de ses rencontres, de ce qu'on lui raconte, ou de ce qu'on lui fait.
On se dit que c'est une sorte d'état des lieux, pas très ragoûtant mais plutôt réaliste, de ce qu'est la Russie aujourd'hui, et on sort de là, il faut le dire, passablement secoué.
Pas un film de femmelettes. Un peu à l'image de l'alcool frelaté que la plupart des personnages y biberonnent. Comme disait Libé : "du viril"...

 

19535614

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