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lieux communs (et autres fadaises)
20 février 2011

mystère et balle de golf

TOUS LES SOLEILS
de Philippe Claudel

Tous les gens qui l'ont déjà lu pourront vous le confirmer, Philippe Claudel n'est pas spécialement associé à la grosse rigolade ni au tapage sur les cuisses, et on pouvait donc donc s'interroger sur l'aptitude du même à réaliser une comédie à l'italienne (comme si on apprenait que Dany Boon adaptait Le dialogue des carmélites). On y alla donc, en avant-première et avec une certaine curiosité mâtinée de bienveillante méfiance, puisqu'en plus c'était gratuit.
Un générique sur fond de tarentelle (musique joyeuse et rital s'il en fut) suit le trajet en solex d'un prof de musique baroque, jusqu'au cours où il fait écouter la musique en question à ses étudiants. On apprend qu'il s'appelle Alessandro, qu'il est rital, veuf, qu'il lit dans les hôpitaux, qu'il est chanteur amateur et prépare un concert, et qu'il vit avec sa fille de quinze ans et son frère, rital lui-aussi,qui a décidé qu'il ne sortirait plus de l'appartement tant que Berlusconi n'était pas viré...
Voilà pour la situation de départ.
On est donc indiscutablement dans un registre plus léger que d'hab', aucun drame en vue, et les petites histoires individuelles de chacun, celles à deux (les engueulades entre frangins, les relations orageuses père/fille, les relations complices oncle/nièce, les relations compliquées Alessandro / les femmes) sont les fils conducteurs du récit, vont  s'entrecroiser et s'entasser, parfois un peu au détriment les uns des autres, comme si le réalisateur avait voulu  en mettre le plus possible (la famille, l'amour, le deuil, l'adolescence, les premiers émois, la politique, les copains, la multipropriété, les sites de rencontre internet, l'Alsace, la musique baroque, les soins palliatifs...) et avait du coup  décidément  trop chargé la barque (la mule ?).
Le film est imparfait mais il est attachant. Il est hétérogène (hétéroclite (et même hétéronormé mais bon là c'est une autre histoire...), et pourtant, même si on n'y croit pas tout à fait (comme aux lunettes de Stefano Accorsi), on se laisse porter, sans rechigner. L'interprétation aide : au plaisir de revoir Anouk Aimée, impériale,  dans un rôle touchant, s'ajoute surtout la révélation  grandiose de Nori Marcoré, le frère du héros, (dont la dégaine, le peignoir et la loufoquerie m'ont beaucoup fait penser au Kramer de Seinfeld...) qui vole la vedette, justement, à un Stefano Accorsi que j'ai trouvé un peu anodin  (trop lisse) en comparaison ; sans oublier l'apparition tardive de Clotilde Courau, sobre et joliment tristounette, qu'on a peut-être eu l'habitude de voir dans des figurations plus... légères, mais dont le capital sympathie reste intact.
Comédie à l'italienne ? Certes, c'est justement dans ces moments où les frangins (ou le père et la fille) s'engueulent, et que la langue maternelle réapparaît (et que les voisins frappent au plafond en les traitant de ritals de merde) que l"on retrouve la chaleur et le rythme que la version originale, justement, insuffle.
Mais indiscutablement Philippe Claudel est plus à l'aise dans l'émotion que dans le comique. Question de rythme ? La première scène avec le flic anti-CRS, par exemple, tombe un peu à plat tant elle arrive par surprise, comme un cheveu sur le minestrone. Autrement, c'est  inégal, hauts et bas, drôle et moins, convenu et original, émouvant et nunuche (comme la vie, quoi), on louvoie entre des jolies scènes, très réussies (dans le registre de l'émotion, surtout), et d'autres qui le sont moins, parce que le jeu des comédiens n'est parfois, pas tout à fait juste, ou que les dialogues ne les aident pas, ou que la situation n'a pas été traitée dans l'esprit qui aurait le mieux convenu.
Mais, je le répète, on y trouve son compte. Ne serait-ce que pour le joli duo père-fille dans la voiture, le film vaut la peine d'être vécu.
On passe un moment agréable, le happy-end lyrique (et choral) de la fin est assez finement négocié (même si on a voulu le voir venir à des kilomètres) pour qu'on sorte de là avec le sourire, et ma foi presque une larmichette. C'est quand même le but recherché pour une comédie, non ?

19670528

(Hommage involontaire ? le Stefano Accorsi sur son solex m'évoque immanquablement le Nanni Moretti sur son scooter de Journal intime...)

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