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lieux communs (et autres fadaises)
6 décembre 2011

fondement (des choses)

Un mardi pas comme les autres... Huit heures et quelques. Au lieu d'être au boulot, j'étais allongé là, tout nu dans ma blouse en papier bleu, sur un brancard dans un couloir, posé contre un mur, un atarax dans le nez (autant dire que je floconnais joyeusement, que je zennais nébuleusement) attendant... attendant quoi, au juste ? l'anesthésiste peut-être.
Arrive une premiére, une jeune blondinette qui me prend la main, me tapote, me bétadine, m'entretient de la perfusion, de l'anesthésie, du fait de piquer, me pique donc, puis m'annonce tout de go qu'elle m'a raté, qu'elle ne va pas persister,(elle a ce geste de ranger ma main pansementée sur mon torse, et de la recouvrir du drap.) et que "mon" anesthésiste fera ça très bien.

sur ce elle disparait, et je reste dans ce couloir, sur ce brancard, à voir passer des gens et des gens en tenues de travail schtroumpfesques, qui me saluent d'ailleurs, tandis que je leur réponds d'un sourire ataraxesque et béat (on dervait en prendre plus souvent, de ce truc, non ?). J'aime ce sentiment, d'exister par intervalles. Parfois on est là, quand les gens passent, vous regardent, vous saluent, et parfois on n'est rien, juste une partie du décor, un machin posé dans le passage. Se replier alors dans sa réalité interne, d'autant plus que, comme au cinéma, on perçoit à peu près tout ce qu'il est possible de percevoir, la dame là-bas en train de nettoyer des trucs, le médecin qui vous serre la main au passage (celui qui a pénétré dans le vif du sujet il ya quelques temps)  les discussions en off de l'autre côté du mur fricoles et/ou professionnelles ("puisque tout le monde est au café..." "depuis le big bang..." "non jeudi je suis à paris je ne pourrai pas..." "je t'ai reconnu malgré ton masque...") On est une plaque sensible, on absorbe. on n'a pour espace visuel que l'assez long couloir  du champ visuel "de face" (qui est justement, ô coïncidence, un assez long couloir.) <ceux qui passent, et repassent, ceux qui partent, reviennent, blouses bleues, charlottes.
Passe une brunette qui s'enquiert de la température et me munit d'une couverture (Hmmmm c'est mieux) Silence. Blanc. Flottage atarax.  Une autre brunette joviale arrive (pourquoi donc ai-je le sentiment que je les ai tous peu ou prou déjà vus auparavant ?) reprend ma main gauche muni d'un pansement (laissé par celle qui m' a raté), tapote aussi, explore le bras ("Je cherche une veine pas trop sinueuse"), me bétadine, et finalement passe la main à un trés joli anesthésiste brun à barbe de 3 jours qui me fait ça hop! en deux temps trois mouvements ("Je vous l'avais dit que j'étais doué pour ça... Je fais aussi la moquette, la pose de carrelage le week-end, faut savoir se vendre...") La brunette rigole, je rigole, et le joli barbu m'annonce qu'il est "mon" anesthésiste et, joignant le geste à la parole, me véhicule jusqu'à la salle d'examen, me demande de me mettre sur le côté geuche, me demande mon poids, (je réponds "79 chez moi et 77 chez le docteur G", celui qui va m'examiner, et que j'entends rigoler, sans le voir, derrière moi).
Ca discute technique et matériel photographique (j'ai au-dessus de moi le moniteur où, tout à l'heure, ils vont inspecter mon intérieur en cinémascope), le barbu joli me prend mon bras et nous parlons (enfin je parle) d'intubation et d'ouverture insuffisante -ce que j'ai appris lors de la consultation préalable) il me répond que

 

 

J'entends un "Monsieur M., tout va bien..." et je suis réveillé à la fois par le bidule à mon bras droit qui prend la tension et se gonfle et se dégonfle automatiquement, et par un genre de musique à la Steve Reich, minimaliste et répétitive, c'est le moniteur derrière moi qui bip-bippe (ou cling-clingue) en décalage avec celui de ma voisine, ça fait bip bip bip bip, avec une régularité au bout d'un moment un peu agaçante, avec, heureusement, pour agrémenter la partition, les conversations de deux, puis trois, infirmières, au fond (des choses très terre-à-terre, pragmatiques, réalistes, des petites choses du quotidien ah oui elles parlent de lessives me semble-t-il). Arrive un nouveau patient endormi avec qui l'équipe a semble-t-il quelques légers soucis (j'aime entendre ce mélange de rigueur professionnelle et d'humour qui arrondit les angles (une infirmière en entreprend une autre pour lui expliquer que si elle l'avait complimentée sur un geste qu'elle venait de faire (il était question d'une aiguille) elle l'avait fait sérieusement, et tous alors de rire... Mon regard qui va et vient croise celui de ma voisine de droite, qui a un tuyau dans le nez et une perfusion (je n'ai rien de tout celà) nous nous saluons d'un signe de tête ou d'un cillement, je ne sais plus, elle n'a pas l'air désireuse d'engager la conversation...
Je somnole, me réveille, re-somnolouille, jusqu'à ce qu'arrive à côté de moi mon collègue de chambre de tout à l'heure, endormi, entre les mains de l'anesthésiste joli pas rasé et de la brunette, et qu'une autre infirmière m'annonce alors qu'elle va me ramener dans la chambre (je frétille, mais un peu moins quand j'apprends que le merveilleux petit-déj' annoncé et tant attendu ne sera là que dans une heure).
Attente devant l'ascenseur, embouteillage avec un patient en chaise (un monsieur avec un nom à consonance hispanique, qui passera d'ailleurs avant nous dans l'ascenseur -épisode "je suis un gros machin qui gêne", à traiter en vision subjective, avec mouvements du brancard et plan  du couloir avec conversation en off- puis remontage avec une autre dame -en blanc celle-ci et pas en bleu- après discussion enflammée - avec la dame en bleu- sur les mérites respectifs et les malheurs inhérents aux professions du soin et de l'enseignement ("je vous plains, je ne voudrais pas faire ce que vous faites..."  me dit-elle).
Retour à la chambre après intermède drôlatique de descente de chariot avec la dame en blanc (lorsqu'elle a soulevé mon drap, elle a vu que ma blouse dévoilait ma zigounette -ce dont je n'avais absolument pas eu conscience- et l'a recouverte pudiquement avec le pan de la robe en papier bleu incriminée, non sans un petit sursaut de surprise et un rosissement ad hoc accompagnés d'un "désolée..." chuchoté. "Tournez-vous doucement, asseyez-vous sur le bord..." et comme je lui fais remarquer que je peux marcher tout de même, lorsque je pose le pied et que je fais les quatre pas qui mènent au lit, je réalise que ça tangue tout de même imperceptiblement.
Je n'ai toujours pas mal, je m'allonge. Retour de la première infirmière, (celle de l'avant, vous ne la connaissez pas, puisque j'ai démarré ce récit au sous-sol...), toujours aussi joviale et souriante (c'est incroyable comme tout le personnel apparaît ainsi, souriant et attentionné...) qui m'annonce qu'après le petit-déj, je pourrai sortir...
Je me rendors donc, en désespoir de cause. Comme tout celà est agréable...
Au bout d'un certain temps revient mon voisin, nous échangeons sur l'examen, et le post intervention (lui visiblement, a (eu) plus mal que moi...). Arrive le petit-déj' tant attendu, que je bâfre goulûment et impitoyablement avec mille mots d'excuses par rapport à mon voisin, qui lui ne l'aura que dans une heure. Je goinfre tout.
Dernières vérifications et petits soins infirmiéresques ("Oui j'ai eu des gaz, oui j'ai fait pipi, oui j'ai bien mangé...") et je redescend dans le hall d'accueil, en compagnie de Jean-Fran qui est venu me chercher (c'est sa femme Christine qui m'a amené ce matin).

Dernier étape, et pas la moindre, avant de sortir : voir le docteur pour avoir les résultats de l'examen (c'est pour ça que je suis venu...). On est assis avec J-F, dans une fausse "salle d'attente" (quatre fauteuils installés dans l'entrée d'une chambre, juste en face d'une autre pièce où (tout ça est très cinématographique) où, dans le rectangle de la porte ouverte, on voit le docteur G. assis, de dos, à son ordi, en train de taper ce qui doit être mon rapport. Il nous entend plaisanter (je suis un tout petit peu inquiet, alors je fais le con) et nous apostrophe, sans se retourner d'un "salut les jeunes!" dont la légèreté me rassure. Au bout d'un certain temps, il traverse le couloir et vient vers nous, une feuille à la main à laquelle sont agrafées des photos, et me rassure immédiatement : Oui, oui tout est OK.
j'ai envie de l'embrasser mais je me retiens (tout de même).
Merci, docteur G. (et merci à l'ensemble du personnel de la clinique -je me prends pour Valérie Donzelli à la fin de La guerre est déclarée, non ?-)
En plus, Jean-Fran m'a acheté une tartelette au citron, c'est-y pas gentil, ça ? La vie est belle...

Commentaires
M
Ouf après ces péripéties narrées avec beaucoup de talent et d'humour nous voilà rassurés...
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Z
en voilà une bonne nouvelle :)
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