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lieux communs (et autres fadaises)
24 septembre 2022

myxomatose et blennoragie

156
LA MAMAN ET LA PUTAIN
de Jean Eustache

Waouh ! On l'a, pour 3 séances dans le bôô cinéma, dans le cadre du Festival PLAY IT AGAIN... Première séance jeudi à 13h30, salle 10, on était 4 (dont 3 dames). Pour moi, un moment empreint d'émotion, voire d'une certaine solennité, quand apparaissent sur l'écran, en blanc sur noir et sans musique, les lettres du titre.
Je me souviens que, quand on était plus jeunes, c'est Pépin qui m'en avait parlé, louangeusement, mais je ne suis plus sûr d'où et quand je l'ai vu. (Et même, en sortant de la salle, si je l'ai seulement vu "en entier" une fois quelque part). Trois heures quarante, il ne faut pas se mentir, c'est long (j'ai regardé l'heure au bout d'1h50, puis de 2h40).
Voir ce film en copie neuve et restaurée, c'est un peu comme visiter un monument historique dont l'entrée aurait été condamnée depuis des lustres.
Oui, monument historique. J'en connaissais surtout des photos : Léaud, Lafont, Lebrun (tiens, 3 L). Le premier est soulant (parle parle parle) la seconde est divine et la dernière sublime. Ils sont jeunes, ils sont beaux, et ils sont magnifiques. Alexandre vit avec Marie, il rencontre Véronika. Essaie de s'arranger avec ça. Un homme, deux femmes...
(Tiens tiens, les "hasards de la programmation" font que j'ai vu ce film juste après celui d'Emmanuel Mouret, avec qui il présente, curieusement des points communs, au-delà du triangle amoureux : le même goût de la langue et du verbe (les dialogues des deux films sont écrits minutieusement, et ont dû être appris par les acteur de la même façon, à la virgule près...), l'utilisation récurrente de la musique (savez vous que dans LA MAMAN... il est question de LA BELLE HÉLÈNE à deux reprises ? Une fois on l'écoute, une fois on en parle...)
Donc le film démarre, le temps suspend son vol... un ange passe en noir et blanc; je suis dans mes petits souliers de cinéphile admiratif, et voilà qu'on attaque sur une scène épouvantable de fausseté entre Jean-Pierre Léaud et Isabelle Weingarten, qui fait craindre le pire (sans doute est-ce pour ça que Jean Eustache l'a mise en ouverture? ), mais tout s'arrange ensuite avec la scène suivante (la rencontre avec Véronika à la terrasse du Flore) puis, enfin, le retour à la maison de la "maman" (mon dieu que Bernadette Lafont est belle...), et on se trouve enfin "embarqué", et on vogue gaiement sur les flots noirs et blancs de cette loghorrée germanopratine post-soixantehuitarde (on est en 1972, et, mon dieu, alors j'avais 16 ans).
Je regardais le film, certes, mais en même temps je regardais mon adolescence envolée,   j'accomplissais en quelque sorte une performance : voir LA MAMAN ET LA PUTAIN, en salle, en copie neuve restaurée. Comme si, tout en regardant le film (en le re-découvrant) je me regardais en train de le regarder. (Si j'avais été seul dans la salle j'aurais pu tenir un genre de "journal de visionnement"...)
La copie restaurée est scandaleusement belle. (Quasiment plus belle que l'original, en tout cas que celles vues "avant", à la téloche, vhs baveuse, copie de copie de copie, bouillie). L'image est impeccable, le noir et blanc al dente, le contraste parfait, la bande-son visiblement "nettoyée" elle-aussi, bref un vrai bonheur de spectateur. Et ces actrices /teurs mon dieu mon dieu on voudrait presque que ça ne s'arrête pas (je ne suis même pas sorti pour aller aux toilettes, presque quatre heures pourtant...). On regarde vivre ces personnages, on les écoute parler, on sait que ça relève de l'intime, que ce sont les mots d'Eustache, les amours d'Eustache, les femmes de sa vie, et les lieux aussi (cet appartement comme un ventre, et ces terrasses de café, Flore, les Deux Magots) cette vie d'il y a cinquante ans et pourtant si... moderne... La quantité incroyable de clopes fumées (les personnages en ont pratiquement toujours une à la main est remarquable et sate sans doute le film (on fume partout, on fume tout le temps) de la même façon qu'on boit  aussi beaucoup (whisky et pernod principalement... tiens, ça existe encore, le pernod, au fait ?).
J'étais un peu chiffonné (mais de ma faute) pendant le film en me remémorant que j'avais rajouté sur notre plaquette que figuraient dans cette version "10 minutes supplémentaires" ce que je me souvenais d'avoir lu sur un site (que je n'ai plus jamais ensuite retrouvé), avec notamment une scène où Léaud et Lafont vont au cinéma, une scène assez courte, qui existait dans la version originale de 1973, puis avait été coupée par Boris Eustache dès sa resortie de 1982..., la scène au cinéma, celle-là, je l'ai bien vue, et c'est vrai qu'elle n'était pas forcément indispensable...
Il y a vraiment de très beaux moments, des moments magnifiques de cinéma pur, il y en a aussi de plus anecdotiques, notamment la toute dernière scène qui nous laisse un plan, qui nous abandonne, comme si Véronika nous disait "Bon ben là ça va hein vous m'avez assez vue..."
(et noubliez pas le guide...)

2198866

mamanputain_cannes

 

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